Bonjour-bonjour ! Aujourd’hui, malgré le ton enjoué que pourrait laisser présager la double salutation qui entame ce texte, je dois vous prévenir à l’avance, je n’ai pas particulièrement envie d’être ni joyeux ni tendre. Je me sens limite furibard, mais avec encore quelques soupçons de rationalité pour pouvoir analyser et justifier cet état. D’ailleurs, même si je sais que ça vous plait bien quand je pousse une gueulante, vous avouerez quand même que c’est un poil plus constructif lorsque celle-ci est accompagnée d’arguments… Non ? Ah bon, j’me doutais bien…
Comme vous le savez déjà puisque vous êtes des lecteurs attentifs, mon opérateur du câble me soumet régulièrement à la torture en m’offrant parfois quelques chaines de télé supplémentaires. Mon opérateur, Numéricable pour ne pas le nommer, ne sait pas que je suis pauvre comme Job, mais il continu néanmoins à me titiller le portefeuille pour voir s’il n’y resterait pas quelques piécettes à grappiller…
Donc, ce mois-ci ils ont fait très fort, puisqu’ils m’ont ajouté, non pas un mais deux bouquets supplémentaires à mon paysage audiovisuel. J’ai droit à Ciné-Cinéma et à Canal ! Et donc, c’était jeudi soir, j’ai pu enfin voir Bienvenue chez les Ch’tis sur Canal Plus Cinéma…
Et c’est de ça, et d’autres choses, dont je voulais vous parler aujourd’hui.
Ca va l’entrée en matière ? Pas trop longue ? Bon ok, alors on attaque.
Lorsque le film Bienvenue chez les Ch’tis est sorti je ne suis pas allé le voir. Tout simplement parce que je ne vais plus au cinéma depuis des années car c’est trop loin et c’est trop cher. Ça, c’était les raisons du départ. Ensuite, lorsque le buzz a commencé autour du film et que les entrées des salles montaient en flèche, je me suis dit que je n’irais pas le voir quand même… Je suis peut-être un asocial paranoïaque, mais moi, lorsqu’on me dit que quelque-chose est formidable, j’accueille cette affirmation avec indulgence, mais aussi avec circonspection. Et plus on en rajoute, moins j’ai envie de me bouger pour suivre le mouvement. Lorsque vous regardez passer un troupeau de moutons, et que vous en voyez un qui ne va pas dans le même sens que les autres, il y a de grande chance qu’il s’appelle Gwendal. C’est comme ça.
Et puis, au milieu du concert de louanges qui encensait le film, sa générosité, son humour etc… J’ai entendu quelques rares critiques qui m’ont paru frappées au coin du bon sens et j’ai eu tendance à les écouter elles, plutôt que de suivre l’enthousiasme ambiant…
Aussi, sans l’avoir vu, j’ai donc classé ce film dans la catégorie « paupérisation intellectuelle » de mon échelle de valeur. Je ne vous cache pas qu’au début, ça me faisait un peu chier de me retrouver au côté de Zemmour et Le Pen. Le groupe des antis-Ch’tis n’était certes pas énorme, mais il comprenait quand même quelques figures nauséabondes… Mais bon, on peut être un connard et avoir quand même un peu de jugeote. C’est ce que je me disais pour me dédouaner.
Donc, un an après sa sortie, j’ai enfin vu la merveille. Le film aux 20 458 104 entrées… Le film qu’un français sur trois est allé voir en salle. (Putain ! Quand on y réfléchit… C’est énorme !)
Et bien, vous voulez que je vous dise ? Je suis bien content de ne pas avoir dépensé mon fric pour ça… !
Quand j’ai vu que ça passait à la télé, je me suis dis : « Ah enfin ! Je vais pouvoir me faire un avis objectif sur la question… ». J’ai donc abordé ma soirée avec un minimum d’ouverture d’esprit. Je me suis installé confortablement sur mon canapé, et j’ai regardé les malheurs de ce directeur de la Poste confronté à une culture qu’il ne connait pas, aux préjugés (les siens, car vous aurez noté que les gens du Nord n’en n’ont pas…), le tout agrémenté de quiproquos plutôt téléphonés.
Au final, j’ai ris. Pas beaucoup, mais un peu quand même… La première chose que je me suis dit, c’est que c’était une comédie « honnête », mais en aucun cas un grand film. En tous cas pas un film digne de se présenter aux Césars, ça c’est clair… (Je mets un lien pour Azul…) Tout de suite après, j’en suis venu à m’interroger sur ce qui avait bien pu faire déplacer (et dépenser de la tune !) autant de français… Là, je vous avoue que je n’en sais toujours rien. Pour moi, c’est mystère et boule de gomme.
La promotion du film ? Je n’ai pas noté qu’elle ait été différente des autres.
Le sujet ? Déjà vu, revu et re-revu… Je n’ai pas d’exemples qui me viennent à l’esprit, là tout de suite, mais le coup de l’étranger versus coutumes locales, c’est pas nouveau. Ce qui est nouveau, par contre, c’est que l’on situe l’action dans ne Nord… Mais comme d’habitude dans ce genre de film, on caricature à l’excès l’autochtone en se foutant de sa gueule.
Les acteurs ? Le casting est bon. Merad et Boon font du Merad et du Boon et ils le font bien… Mais ça on le savait déjà. M’enfin, rien de vraiment neuf.
Aussi, franchement, avec toute l’honnêteté du monde je ne vois pas trop ce qui a permis ce film de pulvériser les records au box-office…
Si ce n’est peut-être ce que j’appellerais l’effet « mouton de panurge ». Mais bon, pour que cet effet fonctionne il faut quand même qu’il y ait un minimum de consensus autour de valeurs communes. Et en ce qui me concerne, les seules valeurs que je distingue sont l’utilisation abusive des clichés, la parodie outrancière, et l’éloge de la médiocrité.
Soyons clair, je n’ai rien contre les gens du Nord. Mais alors rien du tout. Je n’irais pas vivre là-haut pour tout l’or du monde, mais ça n’a rien à voir avec leur accent bizarre, leur maison en briques rouges bizarres (Z’ont pas de pierres là-haut ?) ni même leurs spécialités culinaires bizarres… Ce n’est pas non-plus une question de météo. Parce qu’en fait, quand j’y réfléchis, ça ne m’effraierait pas d’aller vivre en Bretagne ou en Irlande… Donc, la pluie et le froid comme repoussoir, ça ne marche pas. Non, si je n’ai pas envie d’aller là-bas, c’est tout simplement parce que je suis bien où je suis. C’est aussi con que ça.
Mais il faut quand même reconnaitre que l’image que le film donne des gens du Nord n’est pas terrible. Ils sont limite débiles (je parle de l’image), mais on leur pardonne parce qu’ils sont sympas… Aussi, lorsque l’on remarque une recrudescence de la fréquentation touristique à Bergues et dans le Nord-Pas-de-Calais en général, C’est donc que les gens vont là-bas pour y voir des gens débiles, mais sympas. Et là je vous citerais Philippe Marlière qui dit : « Bienvenue chez les Ch’tis est donc une comédie ambiguë. Bien intentionnée, elle campe un Germinal comique, mettant en scène un prolétariat dévoué, mais pas très futé, dans une région économiquement arriérée. Bon gré, mal gré, ce film flatte les principaux poncifs anti-Nord : serait-ce la raison de son succès commercial phénoménal ? ».
Mes chers amis, je trouve que cet engouement pour la mise en valeur de la médiocrité, participe au processus d’a-culturation massif qui nous attaque depuis quelques années. Ce film est en quelques sortes dans la droite ligne des castings de La Nouvelle Star, du buzz autour de Cindy Sanders, ou encore d’autres émissions comme Super Nanny… On assiste à la mise en valeur, non-plus de ce qui mériterait d’être cité à titre d’exemple, mais au contraire, on enfonce bien le clou en se gobergeant de la nullité.
En fait, et c’est là où je voulais en venir depuis le début car c’est un sujet qui m’interpelle depuis un bout de temps, en fait donc, nous sommes en train de nous faire manipuler de la plus belle manière… Et c’est un peu grâce à Franck Lepage (voir article précédent), que j’ai plus ou moins réussi à mettre des mots sur mon questionnement… Autant Lepage, et Herbert Marcuse avant lui, nous avertit que l’on est en train de nous enlever des mots pour ne plus pouvoir critiquer un système, autant dans ce cas d’a-culturation, ou de paupérisation intellectuelle si vous préférez, on est en train de vouloir changer notre perception des choses pour ne plus pouvoir imaginer être autre chose que ce que nous sommes.
Je m’explique. Lorsque l’on montre ou cite en exemple quelqu’un de formidablement doué, ou quelqu’un ayant fait de grandes choses, l’exemple prend alors une signification positive. Il nous sert de curseur sur notre échelle de valeur. Curseur que nous avons en ligne de mire et que nous chercherons donc à atteindre.
Seulement, depuis quelques temps, on assiste à la mise en valeur non-plus de ce qui se fait de mieux, mais plutôt de ce qui se fait de pire. Le résultat en est que, petit à petit nous n’avons plus en ligne de mire un « état supérieur » à atteindre, mais plutôt un « état inférieur » qui n’est là que pour nous rassurer. Car en effet, qu’elle peut être la réaction de celui ou celle qui n’a constamment sous les yeux que des exemples d’échecs pires que les siens ? Tout simplement, celui-ci se rassure en se disant qu’il existe bien pire dans le monde que sa propre vie, et il ne cherche donc plus vraiment à l’améliorer…
Voilà donc ce que nous préparent ces médias de masse : Une génération de gens contents de leur sort, qui se contente de railler des sous-exemples et qui, quoi qu’il arrive, n’auront même plus ni l’idée, ni l’envie de progresser par quels moyens que se soient… La plèbe idéale, silencieuse et satisfaite d’elle-même. Incapable d’imaginer vouloir autre chose que ce qu’elle a déjà… Incapable d’avoir des désirs autres que ceux qu’on leur proposera alors, clef en main.
Un autre exemple, qui a commencé je crois avec le premier Lof Story, ou Big Brother si vous préférez. C’était en 2001. Avec ce genre d’émission est apparue une nouvelle façon de faire progresser quelqu’un dans un jeu… Pour la première fois (en tous cas en France), on ne récompensait plus les meilleurs ou les plus méritants, mais on éliminait les plus mauvais… Le candidat se retrouvait dans l’obligation de progresser, non plus pour être meilleur que les autres, mais plutôt pour ne pas être le pire… Griotte sur le clafoutis, l’échec est alors mis en valeur. L’humiliation, somme toute relative, est orchestrée, et le public se gave de voir le candidat éliminé.
Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, je trouve que ça change quand même pas mal de chose… Surtout sur l’image que l’on a de soi-même et des autres. Ce n’est plus l’attraction de l’excellence qui fait progresser l’individu, mais la peur de l’échec. L’émulation du candidat n’est plus guidée par le fait d’arriver le premier au bout du bassin olympique, mais simplement de se maintenir à flot. Ce ne sont plus les qualités d’une personne qui font d’elle une gagnante, mais ce sont les défauts des autres qui les éliminent.
Vous avouerez que c’est un bien drôle de concept que celui-ci…
Et c’est là que j’ai le palpitant qui s’emballe et la tension qui grimpe. Parce que, il n’y a rien de plus qui m’énerve que de voir quelque chose d’évidemment néfaste fonctionner avec autant de redoutable efficacité. Un français sur trois, merde ! Ca ne vous énerve pas un truc pareil ?
Je ne saurais dire si ce processus d’a-culturation est le fait d’une intention délibérée… Je constate simplement son existence, et j’en subodore les effets, c’est tout. Cependant, je ne peux m’empêcher d’y voir quelques références à ce sacré Edward Bernays et à sa manie de vouloir satisfaire les désirs inconscients de la masse dans le but de la manipuler…
Comme quoi, après Bernays et sa manipulation, Lepage et sa critique de la politique culturelle, Bienvenue chez les Ch’tis tombe à pique pour illustrer ce que j’essaye de définir depuis quelques articles… J’ai bien conscience que je n’ai pas encore fini ma réflexion. Il me reste encore pas mal de boulot pour arriver à bien cerner, c'est-à-dire mettre des mots sur, cette satanée tendance qu’on certains à vouloir nous priver de jugement.
Aussi, je vais continuer à réfléchir à tout ça, et dès que j’ai récupérer quelques pierres à rajouter à l’édifice, on en reparle ! D’ailleurs, je compte aussi sur vous et votre jugement pour me fournir de la caillasse ! *
Comme vous le savez déjà puisque vous êtes des lecteurs attentifs, mon opérateur du câble me soumet régulièrement à la torture en m’offrant parfois quelques chaines de télé supplémentaires. Mon opérateur, Numéricable pour ne pas le nommer, ne sait pas que je suis pauvre comme Job, mais il continu néanmoins à me titiller le portefeuille pour voir s’il n’y resterait pas quelques piécettes à grappiller…
Donc, ce mois-ci ils ont fait très fort, puisqu’ils m’ont ajouté, non pas un mais deux bouquets supplémentaires à mon paysage audiovisuel. J’ai droit à Ciné-Cinéma et à Canal ! Et donc, c’était jeudi soir, j’ai pu enfin voir Bienvenue chez les Ch’tis sur Canal Plus Cinéma…
Et c’est de ça, et d’autres choses, dont je voulais vous parler aujourd’hui.
Ca va l’entrée en matière ? Pas trop longue ? Bon ok, alors on attaque.
Lorsque le film Bienvenue chez les Ch’tis est sorti je ne suis pas allé le voir. Tout simplement parce que je ne vais plus au cinéma depuis des années car c’est trop loin et c’est trop cher. Ça, c’était les raisons du départ. Ensuite, lorsque le buzz a commencé autour du film et que les entrées des salles montaient en flèche, je me suis dit que je n’irais pas le voir quand même… Je suis peut-être un asocial paranoïaque, mais moi, lorsqu’on me dit que quelque-chose est formidable, j’accueille cette affirmation avec indulgence, mais aussi avec circonspection. Et plus on en rajoute, moins j’ai envie de me bouger pour suivre le mouvement. Lorsque vous regardez passer un troupeau de moutons, et que vous en voyez un qui ne va pas dans le même sens que les autres, il y a de grande chance qu’il s’appelle Gwendal. C’est comme ça.
Et puis, au milieu du concert de louanges qui encensait le film, sa générosité, son humour etc… J’ai entendu quelques rares critiques qui m’ont paru frappées au coin du bon sens et j’ai eu tendance à les écouter elles, plutôt que de suivre l’enthousiasme ambiant…
Aussi, sans l’avoir vu, j’ai donc classé ce film dans la catégorie « paupérisation intellectuelle » de mon échelle de valeur. Je ne vous cache pas qu’au début, ça me faisait un peu chier de me retrouver au côté de Zemmour et Le Pen. Le groupe des antis-Ch’tis n’était certes pas énorme, mais il comprenait quand même quelques figures nauséabondes… Mais bon, on peut être un connard et avoir quand même un peu de jugeote. C’est ce que je me disais pour me dédouaner.
Donc, un an après sa sortie, j’ai enfin vu la merveille. Le film aux 20 458 104 entrées… Le film qu’un français sur trois est allé voir en salle. (Putain ! Quand on y réfléchit… C’est énorme !)
Et bien, vous voulez que je vous dise ? Je suis bien content de ne pas avoir dépensé mon fric pour ça… !
Quand j’ai vu que ça passait à la télé, je me suis dis : « Ah enfin ! Je vais pouvoir me faire un avis objectif sur la question… ». J’ai donc abordé ma soirée avec un minimum d’ouverture d’esprit. Je me suis installé confortablement sur mon canapé, et j’ai regardé les malheurs de ce directeur de la Poste confronté à une culture qu’il ne connait pas, aux préjugés (les siens, car vous aurez noté que les gens du Nord n’en n’ont pas…), le tout agrémenté de quiproquos plutôt téléphonés.
Au final, j’ai ris. Pas beaucoup, mais un peu quand même… La première chose que je me suis dit, c’est que c’était une comédie « honnête », mais en aucun cas un grand film. En tous cas pas un film digne de se présenter aux Césars, ça c’est clair… (Je mets un lien pour Azul…) Tout de suite après, j’en suis venu à m’interroger sur ce qui avait bien pu faire déplacer (et dépenser de la tune !) autant de français… Là, je vous avoue que je n’en sais toujours rien. Pour moi, c’est mystère et boule de gomme.
La promotion du film ? Je n’ai pas noté qu’elle ait été différente des autres.
Le sujet ? Déjà vu, revu et re-revu… Je n’ai pas d’exemples qui me viennent à l’esprit, là tout de suite, mais le coup de l’étranger versus coutumes locales, c’est pas nouveau. Ce qui est nouveau, par contre, c’est que l’on situe l’action dans ne Nord… Mais comme d’habitude dans ce genre de film, on caricature à l’excès l’autochtone en se foutant de sa gueule.
Les acteurs ? Le casting est bon. Merad et Boon font du Merad et du Boon et ils le font bien… Mais ça on le savait déjà. M’enfin, rien de vraiment neuf.
Aussi, franchement, avec toute l’honnêteté du monde je ne vois pas trop ce qui a permis ce film de pulvériser les records au box-office…
Si ce n’est peut-être ce que j’appellerais l’effet « mouton de panurge ». Mais bon, pour que cet effet fonctionne il faut quand même qu’il y ait un minimum de consensus autour de valeurs communes. Et en ce qui me concerne, les seules valeurs que je distingue sont l’utilisation abusive des clichés, la parodie outrancière, et l’éloge de la médiocrité.
Soyons clair, je n’ai rien contre les gens du Nord. Mais alors rien du tout. Je n’irais pas vivre là-haut pour tout l’or du monde, mais ça n’a rien à voir avec leur accent bizarre, leur maison en briques rouges bizarres (Z’ont pas de pierres là-haut ?) ni même leurs spécialités culinaires bizarres… Ce n’est pas non-plus une question de météo. Parce qu’en fait, quand j’y réfléchis, ça ne m’effraierait pas d’aller vivre en Bretagne ou en Irlande… Donc, la pluie et le froid comme repoussoir, ça ne marche pas. Non, si je n’ai pas envie d’aller là-bas, c’est tout simplement parce que je suis bien où je suis. C’est aussi con que ça.
Mais il faut quand même reconnaitre que l’image que le film donne des gens du Nord n’est pas terrible. Ils sont limite débiles (je parle de l’image), mais on leur pardonne parce qu’ils sont sympas… Aussi, lorsque l’on remarque une recrudescence de la fréquentation touristique à Bergues et dans le Nord-Pas-de-Calais en général, C’est donc que les gens vont là-bas pour y voir des gens débiles, mais sympas. Et là je vous citerais Philippe Marlière qui dit : « Bienvenue chez les Ch’tis est donc une comédie ambiguë. Bien intentionnée, elle campe un Germinal comique, mettant en scène un prolétariat dévoué, mais pas très futé, dans une région économiquement arriérée. Bon gré, mal gré, ce film flatte les principaux poncifs anti-Nord : serait-ce la raison de son succès commercial phénoménal ? ».
Mes chers amis, je trouve que cet engouement pour la mise en valeur de la médiocrité, participe au processus d’a-culturation massif qui nous attaque depuis quelques années. Ce film est en quelques sortes dans la droite ligne des castings de La Nouvelle Star, du buzz autour de Cindy Sanders, ou encore d’autres émissions comme Super Nanny… On assiste à la mise en valeur, non-plus de ce qui mériterait d’être cité à titre d’exemple, mais au contraire, on enfonce bien le clou en se gobergeant de la nullité.
En fait, et c’est là où je voulais en venir depuis le début car c’est un sujet qui m’interpelle depuis un bout de temps, en fait donc, nous sommes en train de nous faire manipuler de la plus belle manière… Et c’est un peu grâce à Franck Lepage (voir article précédent), que j’ai plus ou moins réussi à mettre des mots sur mon questionnement… Autant Lepage, et Herbert Marcuse avant lui, nous avertit que l’on est en train de nous enlever des mots pour ne plus pouvoir critiquer un système, autant dans ce cas d’a-culturation, ou de paupérisation intellectuelle si vous préférez, on est en train de vouloir changer notre perception des choses pour ne plus pouvoir imaginer être autre chose que ce que nous sommes.
Je m’explique. Lorsque l’on montre ou cite en exemple quelqu’un de formidablement doué, ou quelqu’un ayant fait de grandes choses, l’exemple prend alors une signification positive. Il nous sert de curseur sur notre échelle de valeur. Curseur que nous avons en ligne de mire et que nous chercherons donc à atteindre.
Seulement, depuis quelques temps, on assiste à la mise en valeur non-plus de ce qui se fait de mieux, mais plutôt de ce qui se fait de pire. Le résultat en est que, petit à petit nous n’avons plus en ligne de mire un « état supérieur » à atteindre, mais plutôt un « état inférieur » qui n’est là que pour nous rassurer. Car en effet, qu’elle peut être la réaction de celui ou celle qui n’a constamment sous les yeux que des exemples d’échecs pires que les siens ? Tout simplement, celui-ci se rassure en se disant qu’il existe bien pire dans le monde que sa propre vie, et il ne cherche donc plus vraiment à l’améliorer…
Voilà donc ce que nous préparent ces médias de masse : Une génération de gens contents de leur sort, qui se contente de railler des sous-exemples et qui, quoi qu’il arrive, n’auront même plus ni l’idée, ni l’envie de progresser par quels moyens que se soient… La plèbe idéale, silencieuse et satisfaite d’elle-même. Incapable d’imaginer vouloir autre chose que ce qu’elle a déjà… Incapable d’avoir des désirs autres que ceux qu’on leur proposera alors, clef en main.
Un autre exemple, qui a commencé je crois avec le premier Lof Story, ou Big Brother si vous préférez. C’était en 2001. Avec ce genre d’émission est apparue une nouvelle façon de faire progresser quelqu’un dans un jeu… Pour la première fois (en tous cas en France), on ne récompensait plus les meilleurs ou les plus méritants, mais on éliminait les plus mauvais… Le candidat se retrouvait dans l’obligation de progresser, non plus pour être meilleur que les autres, mais plutôt pour ne pas être le pire… Griotte sur le clafoutis, l’échec est alors mis en valeur. L’humiliation, somme toute relative, est orchestrée, et le public se gave de voir le candidat éliminé.
Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, je trouve que ça change quand même pas mal de chose… Surtout sur l’image que l’on a de soi-même et des autres. Ce n’est plus l’attraction de l’excellence qui fait progresser l’individu, mais la peur de l’échec. L’émulation du candidat n’est plus guidée par le fait d’arriver le premier au bout du bassin olympique, mais simplement de se maintenir à flot. Ce ne sont plus les qualités d’une personne qui font d’elle une gagnante, mais ce sont les défauts des autres qui les éliminent.
Vous avouerez que c’est un bien drôle de concept que celui-ci…
Et c’est là que j’ai le palpitant qui s’emballe et la tension qui grimpe. Parce que, il n’y a rien de plus qui m’énerve que de voir quelque chose d’évidemment néfaste fonctionner avec autant de redoutable efficacité. Un français sur trois, merde ! Ca ne vous énerve pas un truc pareil ?
Je ne saurais dire si ce processus d’a-culturation est le fait d’une intention délibérée… Je constate simplement son existence, et j’en subodore les effets, c’est tout. Cependant, je ne peux m’empêcher d’y voir quelques références à ce sacré Edward Bernays et à sa manie de vouloir satisfaire les désirs inconscients de la masse dans le but de la manipuler…
Comme quoi, après Bernays et sa manipulation, Lepage et sa critique de la politique culturelle, Bienvenue chez les Ch’tis tombe à pique pour illustrer ce que j’essaye de définir depuis quelques articles… J’ai bien conscience que je n’ai pas encore fini ma réflexion. Il me reste encore pas mal de boulot pour arriver à bien cerner, c'est-à-dire mettre des mots sur, cette satanée tendance qu’on certains à vouloir nous priver de jugement.
Aussi, je vais continuer à réfléchir à tout ça, et dès que j’ai récupérer quelques pierres à rajouter à l’édifice, on en reparle ! D’ailleurs, je compte aussi sur vous et votre jugement pour me fournir de la caillasse ! *
* : Un peu de flatterie ne fait pas de mal…
18 commentaires:
Un peu long mais fort intéressant comme d'hab! Bravo encore une fois Gwen!
Pour ajouter à ta réflexion (mais tu connais peut-être déjà) :
"L’homogénéité de la presse, cette impression d’eau tiède que tout lecteur en retire, serait-elle une question de langage ? De mots creux en expressions prêtes à penser, toute une panoplie sert à endormir la vigilance du citoyen. Pour l’écrivain et éditeur Eric Hazan, cette langue est à la fois le reflet et la cause de la « pensée unique », qu’il appelle carrément « la propagande du quotidien ». Et qu’il analyse dans un petit livre cruel: “langue de la Ve République” ou la LQR"
Ce sont des consanguin pédophile chomeur dégénéré…
Apres cette blague d'intro.
Voila, je n'ai pas vu ce film et ne le verrais jamais, pour la simple et bonne raison que je n'aime pas perdre mon temps et que tout comme toi gwendal, quand je vois passer un troupeau, j'evite de le re joindre, et si j'y suis je tente d'en sortir.
Je pense que c'est vraiment toute la pub qui a ete faite pour cette daube qui a permis ce "succes", sans dec le boon il est passer combien de fois a la tv pour son film hein?
sans parler de al pub indirecte, présentateur tv abrutis ou autre ne pouvant s'empêcher d'y faire référence par exemple.
Donc effet mouton, mais question, sur tout ceux qui sont aller le voir, combien l'ont réelement trouver bien?Voir excellent puisque on nous a répété que c'etait le film du siecle…
A mon avis pas tant que ca, combien sont simplement aller le voir parceque leur femme/amis/enfants et autre connerie les ont poussé a y aller, et puis avec l'argumentation sous-jacente qui fait que si t'es pas aller le voir, han mon dieu t'es un ringard, ou presque.
Vous savez, on en connais tous je pense des "haannn mais tu l'a pas vu?" ou "hannn tu connais pas ca?" "hannn t'a jamais fais ca" avec l'air choqué et presque méprisable, voyez?
Et bin ce genre de film a la con c'est ca.
Dans le même genre y'avait brice de nice avec toutes les putain de répliques qui te font sourire 1 fois ou 2 et qui te donne plutot envie de trucider le type en face de toi qui les re prend en boucle.
Ton analyse me semble juste gwen, je rajouterais que pour le loft, ya la grosse parti non négligeable qui réside dans le fait de s éliminer et d'etre le plus faux cul possible, ce qui colle parfaitement avec la logique capitaliste.
Je te conseil donc au passage l'emission ce soir ou jamais du 30 avril ou vincent cespedes dis de tres belle choses avec ses amis.
http://ce-soir-ou-jamais.france3.fr/index-fr.php?page=emission&date=2009-04-30
Bon par contre je ne sais pas comment la revoir, on dirait que passé une date elle ne sont plus accessible :/
@Cécile : Désolé pour la longueur, mais il y a tellement à dire sur le sujet que je n’ai pu me résoudre à en couper plus que je ne l’ai déjà fait. Quelques 500 mots sont passés à la trappe quand même… Mais malgré tout, il y a peut-être encore quelques longueurs de-ci-delà… Mais bon, ça va ? Vous commencez à avoir l’habitude, non ?
Hélas non, je ne connais pas Eric Hazan. Ma culture est peut-être un cran au de dessus de la moyenne, mais elle reste néanmoins extrêmement limitée dans pas mal de domaine… Tu as des exemples de ces mots creux, en attendant que je me dégote quelques écrits de ce monsieur ?
@Pseudo : Je persiste à croire que pour que le bouche-à-oreille fonctionne, il faut au moins une base consensuelle. Une plateforme bien basique qui parle à tout le monde… Et je pense que si cette plateforme existe, elle fait appel à comportement simple qui consiste à se moquer des autres pour ne pas avoir à se remettre en question soi-même…
Prochaine étape de ma réflexion : Arriver à démonter comment cette acculturation s’inscrit dans la démarche capitaliste et libérale… Car je reste persuader d’une chose. Tout ça est lié. Le libéralisme, les Ch’tis, le Loft, Jean-Luc Delarue, l’apologie du misérabilisme… Tout ça participe à une même a-culturation.
Je dis pas le contraire, mais pour que ces gens soient attiré par le produit, faut bien leur en montrer un aperçus et surtout bien leur rabâché ce qu'il faut.
La plus part des gens croient ce qu'on leur dis, surtout lorsqu'on leur répète.
La plus part des gens croient ce qu'on leur dis, surtout lorsqu'on leur répète.La plus part des gens…
Comme le dit notre bon alévêque :)
Quand a la liaison, elle est certaine oui, écraser son prochain, le ridiculiser etc etc
Ah, bonne chance quand même :)
Bonsoir (bonjour?)
Vivant en Asie, je visite regulierement (je n'ai pas dit tous les jours, mais regulierement :-) )votre site. Je ne partage pas toujours vos idees (je pense l'avoir indique dans un de mes precedents commentaires) mais j'ai toujours un TRES grand plaisir a vous lire et ce, pour 2 raisons: vos sujets sont toujours interessants et... votre prose est tres agreable a lire: juste, et sur le plan de la grammaire et de la syntaxe, un plaisir pour le lecteur.
Mais pour CE "post", il faut avouer qu'il y a pas mal d'erreurs.
Il est vrai que je pourrais aller sur d'autres sites pour retrouver mon francais. Mais ils sont tres souvent "chi**ts".
Je suppose que c'etait l'heure du pastis :-) comme pour moi, le temps du whiskey, maintenant :-) - mais j'adore le pastis et j'ai trouve un fournisseur ici, via Carrefour!
Et je suppose que mon commentaire avec sa syntaxe, ne sera pas un ajout au dictionnaire.
Cela dit, j'ai (encore une fois) beaucoup aime votre post (desole, l'equivalent en francais de "post" ne saute pas sur mon clavier - L'effet du whiskey ou du manque de "practice").
Mais je me souviens d'une phrase du "general": les francais sont des veaux".
Manifestement, vous n'en n'etes pas.
Je pense que cela illustre parfaitement votre post.
Que dire de plus?
Continuez, s'il vous plait!
Bonjour Franck !
Eh bien ! J’avoue que je ne sais trop quoi dire là… Il est vrai que j’attache une grande importance à vouloir m’exprimer correctement, et s’entendre dire que l’on vient exprès me lire pour la qualité de mon français, est un compliment que j’apprécie. Le français est une langue exigeante et je reconnais bien volontiers que je n’en maitrise pas forcément tous les arcanes… Sans doute est-ce parce que je ne suis pas un littéraire de formation mais plutôt un scientifique.
En tous cas, merci beaucoup, et je vais de ce pas me relire pour voir où j’ai bien pu faire quelques erreurs…
T' embêtes pas , Gwen,je te les corrigerai, tes erreurs de syntaxe !
Nous avons eu le même sentiment que toi, Gwen, JC et moi, quand nous l'avons vu aussi à la télé, juste pour se faire une idée du "film de l'année"...misère, quel niveau!
L'apologie du beauf de base, bien chauvin, bien picoleur, bien menteur..les caricatures grossières des gens du Nord...
Tout ce qui flatte le pékin de base, en lui foutant bien la tête dans son caca, dès fois qu'il aurait envie de regarder par dessus la cuvette des chiottes!
Tu remarqueras que ce sont toujours les extrémités du pays France qui sont ridiculisées...combien de films sur les marseillais ou les gens du sud en général sont sortis ( avec moins de succès) qui faisaient passer les sudistes pour des lobotimisés..?
On remet une couche sur les petites différences intra-culturelles...afin de mettre en évidence les différences extra-culturelles..
Arrêtez, on va trouver du pétrole !!!
Pétard, j'ai regarder ta video avec gabin hier, impressionnant, le gars qui a ecrit le texte avait soit une bonne intuition soit connaissait du monde…
Hé Pseudo ! Selon Wiki, c’est adapté d’un roman de Simenon, mais les dialogues du film sont de…. Audiard !
Le coup des poissons volants « qui ne constituent pas la majorité du genre », me l’avait fait subodorer…
Moi aussi Gwen, j'ai vu les ch'tis, sur canal, pour me faire une idée de ce qui avait bien pu faire déplacer autant de monde...
Ben, j'suis pas plus avancé... comprends pas!!... et toute analyse rationnelle du processus socioculturel ayant provoqué cet engouement est plus flippante que blair witch project!!!
Dahan, dans son dernier spectacle, a un sketch "les bronzés font du ch'ti" (pas le meilleur) dans lequel il se demande s'il n'y a pas un lien entre le nombre d'entrée et un certain 53%...
Décidément, pourtant j'aime bien rire, mais là, j'assume comme toi ce que d'aucuns désignent par "snobisme intellectuel" (le fait d'avoir deux neurones et de les faire fonctionner ensemble...) même si je sais bien que "non les braves gens n'aiment pas que l'on suive une autre route que...".
Un film où, vraiment, je me suis ennuyé... c'est effectivement "médiocre".
Je vous conseille "le direktor" de lars von trier, pour un humour un peu décalé, ou "j'aurais voulu être un gangster" de benchétrit (en ce moment sur canal).
Moi, j'ai revu ce soir un film qui m'impressionne beaucoup :
"Lord of war"
pas drôle, cynique et utile !
De quelle vidéo parle Pseudo ( avec Gabin ) ?
mob' ( me revoilà anonyme)
EXCUSE moi, Gwen..j'ai vu à quoi Pseudo faisait référence , avant qu'elle ne disparaisse,car j'ai un problème avec dailymotion en ce moment ..je ne peux plus visionner Alévêque non plus...j'ai un blocage au bout de 2 secondes ..(?)
mob'
C'est peut etre dailymotion qu'est en travaux… (ya eu des changement a priori)
Audiard, effectivement, le coup des poissons m'a aussi mis la puce a l'oreille :)
Je plussoie pour Lord Of War, c'est tres bon, a voir et revoir.
Meme si moi je le trouve plutot drole, enfin il y a pleins de passage "drole", mais c'est peut etre assez personnel :)
Eh ! Les poteaux ! Si votre Dailymotion ne fonctionne pas, c’est peut-être tout simplement un problème de mise à jour de lecteur ? A moins que cela ne fasse partie d’un gigantesque complot destiné à vous empêcher de connecter vos deux neurones ? Allez savoir…
J’ai, moi aussi regardé Lord of war sur M6. Du grand cinéma comme je l’aime, qui divertit tout en informant et en procurant un sujet de réflexion.
L’information/réflexion du jour :
Quels sont les plus grands marchands d’armes ? Les USA, la Grande Bretagne, la France, la Russie et la Chine. Les membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU… Cherchez l’erreur.
De même que c'est qui qui fait des menaces et la moral envers l'arme nucléaire et qui pourtant…
Ce film s'est passé à Montréal l'été passé. Et les gens en général l'ont trouvé rigolo.
Moi, je ne l'ai pas vu.
Même si je l'aurais vu je n'aurais été certainement capable de cerner toutes ces particularités qui font à la culture française. Peut-être j'aurais ri comme tout le monde :)
Merci pour le lien en exclusivité!
Moi je suis un peu comme toi. Je me sens un mouton noir dans le tropeau. Mais j'insiste avec mes convictions, si bien des fois il faut payer le prix.
"(...) nous priver de jugement"? Oh oui ! Et aussi, via la déculturation (version Goebbels), nous priver d'outils d'idéation et même de compréhension.
Appauvrir la langue commune par l'omniprésence du vocabulaire limité des média dominants, en nous privant donc du moyen d'exprimer certaines pensées et parallèlement en gênant leur émergence.
Appauvrir nos capacités d'analyse en nous habituant aux "digests" de tout poil, soi-disant "informations" pré-formatées, pré-mâchées, qui ne nécessitent aucune élaboration d'une synthèse personnelle.
Appauvrir enfin, comme s'il en était encore besoin !, notre pouvoir et désir d'égaler un exemple qui nous tire vers le haut, en supprimant soigneusement tout stimulus qui pourrait révéler (et présenter comme repoussoir) notre médiocrité passive.
Niveler par le bas, décérébrer une population (mondiale) pas encore assez soumise pour laisser les "grands" jouer tranquillement leur partie de Monopoly, ce n'est déjà plus très nouveau, mais en arriver à cette entreprise de moutonnisation tous azimuts, ça fait froid dans le dos et me laisse, je l'avoue, un sentiment d'impuissance atterrée...
Evidemment, je meurs d'envie de m'en référer une fois de plus au terrifiant "Meilleurs des mondes" qu'on prétend nous concocter... mais, quant à rester chez Huxley, je me réjouis que quelques trublions salutaires dans ton genre contribuent à laisser entrouvertes les Portes de la perception :)
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