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samedi 20 février 2010

Phillips, des télévisions jetables et des employés jetables…

Le tribunal de grandes instances de Chartres vient de suspendre le plan de licenciement de l’usine Philips de Dreux et a ordonné la reprise du travail dès lundi, sous peine d'une astreinte de 25 000 euros par jour, et la «suspension du projet de licenciements collectifs».

J’aime assez quand la justice se prononce pour les travailleurs contre les patrons. On a vraiment une impression de justice justement et c’est bien ça qui compte… Le problème c’est que nous savons bien que cela n’est que partie remise et que le groupe industriel, au final, mettra à la porte ces 212 employés quoiqu’il arrive…

C’est honteux, c’est immoral, c’est violent, c’est tout ce qu’on veut, mais en même temps… C’est logique.

Une logique de merde, je vous l’accorde, mais une logique quand même.

Je ne sais pas si vous avez vu Envoyé Spécial ce jeudi, mais il y avait un reportage sur les méthodes de constructions et de ventes des appareils d’électroménager… Vous l’avez vu ?
Et dans ce reportage justement, à un moment (48ème minute) on parle de Philips et de la façon dont ce groupe fabrique ses téléviseurs pour que ceux-ci tombent en panne au bout d’un certain temps.
Bon, personnellement je n’ai rien appris de nouveau sur ce sujet, je trouve simplement normal qu’on ose enfin en parler sur une chaine publique lors d’un programme de grande écoute.

Mais au regard de ce qu’il se passe avec cette usine à Dreux, je ne peux m’empêcher de voir une espèce de continuité dans cette logique ultralibérale…
On fabrique des télés irréparables, donc jetables, à des coûts dérisoires pour être vendues à des prix prohibitifs, dégageant ainsi des marges colossales. Et pour que la crise n’impacte pas ces marges, l’employé devient jetable lui aussi.

Alors c’est vrai que la décision du tribunal fait plaisir, mais elle ne sanctionne en fait que la privauté avec laquelle l’entreprise s’est comportée, pas sa logique détestable. Car soyons lucides, cette privauté, ce déni des règles les plus élémentaires du droit du travail, ne pouvait qu’être sanctionné. C’était inévitable.
La question qu’on doit se poser, selon moi, c’est sachant probablement cela, pourquoi la direction de Philips c’est-elle comportée ainsi ? Car ne me dites pas qu’un grand groupe comme celui-ci ne dispose pas d’un bataillon entier de spécialistes ad-hoc capable de dire le droit et de prévenir la boulette ! Alors pourquoi ont-ils cru pouvoir passer outre ? C’est ça qui est important.

La réponse à cette question, je ne la connais pas encore, je ne peux que la subodorer. J’y vois comme un test, une attaque en vue de tester la réactivité des travailleurs d’une part, et de la justice d’autre part. Je ne suis pas un adepte des complots, vous le savez, cependant cela ne m’étonnerait pas outre-mesure si ces accrocs répétés aux règles de licenciements n’avaient pour seul but que de créer un maximum de conflits de façon à amener les pouvoirs publics à entamer une révision du code du travail…
De là à imaginer une espèce d’entente chaperonnée par le MEDEF, il n’y a qu’un pas que je suis prêt à franchir allègrement.

Car quoiqu’il arrive, les employés de Philips ont déjà perdu. Ils mènent un ultime combat, un baroud d’honneur pour ne pas crever en silence. La seule chose qu’ils peuvent retirer de ce combat, c’est de partir après avoir soutiré le maximum de pognon de leur employeur…

Mais cette dernière bataille, pour dérisoire qu’elle soit, elle n’en n’est pas moins digne. Elle est digne des 300 des Thermopyles, de Fort Alamo ou de Cameron. Elle a du sens. Elle a de la gueule.