Je voulais vous dire…


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vendredi 6 août 2010

Plan de bataille

Le Président
Le chambellan écarta les deux vantaux de la porte du bureau, et s’effaça pour laisser passer le Conseiller.

- Vous m’avez fait demander Monsieur le Président ?

- Oui mon petit Franck, asseyez-vous.

Le Conseiller se dirigea à petits pas rapide vers le fauteuil que lui désignait l’illustre personnage, et s’assit du bout des fesses. Les jambes serrées, les mains jointes, il attendit que le Président daigne s’intéresser de nouveau à lui.

Au bout d’un moment, le Président éteignit sa console, la rangea dans le tiroir de son bureau, et leva alors les yeux vers son interlocuteur.

- Franck, je vais avoir besoin de vos talents en matière de communication...

- Ça tombe bien, l’interrompit son conseiller, c’est pour ça que vous me payez !

La mâchoire du Président se crispa et un tic nerveux agita son épaule droite. La désinvolture avec laquelle son Conseiller prenait leur relation ne cessait de l’irriter... Mais le bougre était balaise dans son domaine, et le Président aurait eut du mal à s’en passer. Il faisait donc avec, mais cela lui en coûtait visiblement.

- Franck, vous avez eu beau faire, mais mon message et les mesures que j’ai prises à Grenoble ne sont pas suffisamment relayés dans les médias. Je vous rappelle tout de même que si je me suis pointer chez les ploucs au lieu de partir en vacance avec Carlita, c’était sur vous conseils et afin de faire oublier les conneries de cet abruti de Woerth.

- Monsieur le...

- Ta gueule, j’ai pas fini !

Le visage du conseiller devint livide et les paumes de ses mains commencèrent à devenir moites.
Satisfait de son effet, le Président repris sur un ton plus calme.

- Alors c’est bien simple, vous allez vous sortir les doigts du cul et faire votre boulot. D’ici la fin des vacances j’exige que chaque Français n’ait qu’une chose en tête, la trouille des immigrés. Vous vous démerdez comme vous voulez, mais je veux qu’ils chient dans leurs frocs ! Est-ce que vous m’avez compris ?

- Oui Monsieur le Président...

- Parfait. Donc, je vous écoute.

-Heu... je vous demande pardon...

- Je vous écoute. Qu’est-ce que vous me proposez comme plan d’action ? Et magnez-vous parce que j’ai un massage dans cinq minutes.

-Hum... Et bien je pense que nous pourrions lancer une campagne médiatique de grande ampleur...

-Bien. Ensuite ?

- Reprendre les fondamentaux, envoyer les hommes au feu et distiller un message anxiogène et répétitif...

Le Conseiller
Au fur et à mesure que son cerveau se mettait en branle, le visage du Conseiller reprenait des couleurs. Ses mains s’agitaient dans les airs comme si elles dessinaient des plans imaginaires. Un début d’érection commença à se faire sentir au creux de son pantalon.

- Nous pourrions, par exemple, nous appuyer sur un sondage et démontrer, chiffres à l’appui, que les Français supportent massivement votre politique. Si on leur dit que c’est ce qu’ils veulent, ces cons croiront que c’est vrai et...

- Vous allez faire comment pour bidouiller les chiffres ? Je sais bien que la plupart des instituts de sondage bossent pour nous, mais là il faudra quand même qu’ils fassent un gros effort...

- Heu... J’avais pensé demander à Laurence...

- Parisot ? Ouais, bien vu. Cette connasse ne pourra pas refuser. Si elle se fait tirer l’oreille, dites-lui bien qu’elle n’a pas le choix. C’est ça ou bien sa réforme des retraites passe à la trappe.

Le Conseiller qui maintenant bandait comme un serf, se trémoussa de plus belle lorsque le Président repris.

- Qu’elle se démerde comme elle veut, mais je veux du lourd cette fois-ci. Pas un petit sondage à la mord-moi-le-nœud avec des petites tendances de tapettes. Je veux un plébiscite !

Le Conseiller nota nerveusement sur son bloc.

- Un plé-bi-sci-te, très bien Monsieur le Président. Donc, si je vous suis bien, cette fois-ci on sort la grosse artillerie... Propagande intensive et désinformation... Mais...

- Mais quoi ?

- Vous ne craigniez pas que les médias ne trouvent la ficelle un peu grosse ?

Les boucs émissaires
-Ça mon petit Franck, c’est votre boulot. Et ne comptez pas sur moi pour le faire à votre place. Vous me muselez tout ça. Je veux du carré, de l’unanime. Et le premier qui me chie dans les bottes, vous me le clouez au mur. Est-ce que je me fais bien comprendre ?

- Oui Monsieur le Président. Cependant, si je puis me permettre, on ne maitrise pas encore très bien la blogosphère.

- La quoi ?

- La blogosphère Monsieur le Président. Les blogs. Même si les médias mainstream nous suivent sur ce coup, je doute que les blogs d’opposition se laissent bananer de la même façon...

-Putain ! Font chier ces gauchistes de merde ! Vous croyez qu’il y en aura d’assez intelligents pour démonter le truc ?

- C’est fort probable Monsieur le Président.

- Bon, pour l’instant on ne peut rien faire tant que la loi sur Internet n’est pas passée... En même temps, la grande majorité de mes électeurs n’ont pas internet, donc on va les ignorer et puis c’est tout. Mais vous me gardez un œil sur tout ça au cas où...

- Je mets le Renseignement Intérieur sur le coup ?

- Ils le sont déjà.

- Ah ? Bien...

Le Président se leva, signifiant ainsi à son interlocuteur que la réunion était terminée.

- Franck, je compte sur vous, ne me décevez pas. Je veux que vous vous défonciez sur ce coup-là.

- Comptez sur moi Monsieur le Président.

Le Conseiller en Communication de l’Elysée s’apprêtait à sortir du bureau présidentiel, lorsque la voix du Président se fit de nouveau entendre.

-Ah, Franck, avant de vous mettre au boulot faite moi plaisir...

- Tout ce que vous voulez Monsieur le Président !

- Changez de futal voulez-vous ?

Le Conseiller baissa les yeux, et aperçut la tâche qui auréolait le devant de son pantalon. Le rouge aux joues, il cacha l’objet de sa honte avec son porte document et sortit.

Resté seul, le Président se fendit d’un petit sourire carnassier. Ce Franck avait beau être une tête à claques, on ne pouvait pas dire de lui qu’il n’aimait pas son métier. Ça non...