
Ce matin je me suis réveillé en sursaut vers quatre heures. Quatre heures et des poussières de minutes. L’esprit étrangement alerte malgré l’incongruité du moment, j’ai entrepris les petits rituels qui accompagnent mon début de journée… Café, télé, Ordi, re-café, clope…
J’ai consulté mes mails et les commentaires laissés pendant la nuit. J’ai jeté un œil sur ce que les autres avaient publié depuis hier et mis de côté ceux qui allaient peut-être m’inspirer une réponse… Et puis je suis allé sur le site Là-bas.org écouter la suite du reportage de Mermet sur les vieux.
Déjà hier, la première partie avait provoquée chez moi un certain malaise. Un sentiment de tristesse mêlé de culpabilité, le tout mâtiné d’un soupçon de peur et de révolte. Je me disais que je ne voulais pas finir comme ça. Amoindri, incapable de ma torcher le cul seul. Incapable de penser, à la merci des défaillances de mon corps.
Je me disais surtout que j’avais de la chance de ne pas avoir de vieux à ma charge, et que je ne voulais pas en avoir… La solidarité que je prône à longueur d’articles trouvait là sa limite, juste devant ma propre porte. Je ne voulais pas être obligé de me saigner au quatre veines pour entretenir un vieux.
Je sais, dis comme ça c’est moche. Mais c’est bien comme ça que cette pensée m’est venue, ce qui prouve bien que je n’ai pas que de belles pensées.

La restriction des coûts publics imposée par le système libéral réduit le personnel et les prestations, et donc l’attention minimale requise à un être humain. Dans le privé, l’obligation de satisfaire les actionnaires à hauteur de 25% de bénéfices par année produit exactement le même effet…
Dans les deux cas, nos vieux ne sont plus des êtres humains, mais des données dans une gigantesque équation. Des vaches à lait, au portefeuille bien garni. Et quand ce n’est plus le cas, on compte bien sur la culpabilité des enfants et petits enfants pour continuer à payer… 1600 €/mois pour une maison de retraite publique de base, et jusqu’à 6500 € pour une maison de retraite privée.
Et je ne veux pas entrer dans ce jeu-là. Je ne veux ni en faire partie, ni le cautionner. Je crois que je préfèrerai encore crever vite et bien…
Alors, ce genre de reportage est comme un miroir. Il vous renvoie à votre propre histoire, à votre propre conception de la famille, et à vos peurs.
Certains ont le sens de la famille et n’envisage même pas un seul instant de ne pas s’occuper de leurs parents ou grands-parents lorsque l’impotence viendra frapper à leur porte. Moi si.
De savoir que je vais probablement devoir accompagner la déchéance de mon père lorsqu’elle viendra me terrifie. Je ne veux pas avoir à faire ça, et je ne veux pas avoir à imposer la mienne aux autres.
C’est peut-être dû au fait que j’en ai peur… Sans doute même. C’est aussi probablement lié au fait que ma propre conception de la famille en a pris un coup dans l’aile au fil des années.

En tous cas, en ce qui me concerne le problème ne se pose pas et ne se posera peut-être jamais. Et vous voulez que je vous dise : Ça me rassure.
Coïncidence troublante, mon père fête aujourd’hui ses soixante-dix-huit ans. Il faut que je l’appelle…
A lire le livre de William Rejault : Maman, est-ce que ta chambre te plaît ?
NB : La troisième partie de l’émission est disponible ici. A noter l’illustration musicale « Miss Alzheimer » d’un groupe que j’adore, les Elles. Si vous savez où je peux trouver leurs albums en libre écoute sur le web, je suis preneur !