Je voulais vous dire…


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jeudi 22 mai 2008

Joli mois de mai

Belle journée que ce jeudi 22 mai 2008. Un beau soleil, une température clémente tout est propice à une bonne manifestation bien revendicatrice.
Comme promis donc, me voilà parti vers la place Masséna lieux de départ du cortège. Les rues de Nice sont particulièrement roulantes, en quinze minute ma voilà à pied d’œuvre, en avance d’une demi-heure sur l’horaire de rendez-vous. Pas de problème, j’en profite pour rendre visite à un de mes amis qui tient un magasin d’optique au coin Masséna-Gioffredo. On s’embrasse et nous nous mettons à parler de cette journée qui s’annonce. Lui est obnubilé par le fait que son fils ne veuille pas aller au collège, qu’il n’y a pas de bus (ce qui est faux, la preuve, je suis là !). Bref, mon ami est un patron de chez droite, du genre à penser que les centaines de personnes déjà réunies devant sa boutique ne sont que des paresseux qui mériteraient de perdre leur emploi. D’ailleurs, en tant que patron, il n’en aura pas de retraite lui ! Alors celle des autres, il s’en tamponne.
J’abrège la conversation d’une bise et me taille prétextant que j’ai du boulot. « Tu comprends, mon blog… J’ai promis… » Bref, comme d’hab, je n’argumente même plus avec lui.
D’autant que la place commence à se remplir. Deux cents, trois cents, de minutes en minutes des gens arrivent. Seuls ou bien en groupe. Les drapeaux se déroulent, les clans se forment. Chacun sous sa bannière, et pas question de se mélanger avec les autres. Un groupe d’une cinquantaine de joyeux lycéens descend l’avenue Jean Médecin en provenance de la gare. Ils viennent de Cannes et d’Antibes. La sono à fond balance du AC/DC. Ca y-est, l’ambiance monte d’un cran.
La police est là, bien sur, mais plutôt détendue. La tenue d’été et la casquette donnent comme un air de vacance. Ils n’ont pas l’air sur la défensive. D’ailleurs tous ces gens ne sont pas dangereux. Des militants bien disciplinés, la cinquantaine joyeuse. Ce n’est pas avec eux qu’on risque de jouer de la matraque. On se salue, on s’embrasse, tout le monde semble connaitre quelqu’un. J’ai la vision fugitive d’une sylphide en robe blanche, belle comme Marianne avec son drapeau orange. Je la capte d’un geste de semeur… Les bouddhas de la place Masséna, bienveillants et silencieux, observent cette assemblée hétéroclite et sage.

10H30 : C’est parti mon kiki. Direction le port, via la place Garibaldi. Je suis un peu déçu, car c’est plutôt court comme trajet. Et pas trop perturbateur. Le cortège n’avance pas vite, ce qui me permet de le précéder malgré ma patte folle et ma canne. Il faut vous dire que j’ai triché ce matin. Je me suis dopé aux analgésiques pour pouvoir accomplir cette mission.
J’ai envie de faire des photos d’un point haut, histoire d’appréhender l’ensemble de l’événement. Euréka ! La Promenade du paillon me fera un excellent point d’observation. Je grimpe les marches et me positionne, l’appareil photo à la main. A mes côtés un journaliste avec une caméra numérique, un photographe amateur, un couple d’amoureux… J’engage la conversation avec le photographe, combien sont-ils ? Il ne sait pas. La foule me semble interminable et fournie. J’ai une impression de masse en branle. Je regarde ma montre. Top ! Le cortège passe à ma hauteur, il est 10H40.


En face de moi une école maternelle. Les bambins sont tout excités de voir autant de monde. La sono proclame que c’est pour eux que les gens sont dans la rue.
Passé le bruyant groupe de lycéens qui ouvre la marche, les confédérations se suivent. Les agents des Impôts, les Douanes, les cheminots, Air-France, l’Enseignement, le personnel hospitalier… Des camions d’EDF aux plaques masquées sont aussi de la partie. Tout le monde est sage et les slogans sont rares. Une sono diffuse un texte que je note au passage : « Nous refusons de travailler plus pour mourir plus vite. Nous voulons travailler mieux pour vivre mieux. »
Les calmants ont un effet limité et je m’assois sur les marches pour regarder passer la foule. Je réalise soudain que les deux amoureux que j’avais remarqués un peu avant sont en fait des compteurs. Je prends une photo discrète. La fille a à la main un autocollant de la CGT. Je me dis que j’ai décidément du bol et que je vais pouvoir enfin savoir combien de manifestants se sont réuni aujourd’hui. Je les observe du coin de l’œil. La fille me semble concentrée et compte les gens qui passent sous sont nez. Elle donne les chiffres à son compagnon qui note le tout sur une feuille de papier. De temps en temps, elle site tel ou tel groupe de manifestants et le nombre de personnes qui semble y être associé. Le type me semble moins assidu, il téléphone en même temps et me semble noter un chiffre sur deux. Tout cela n’est pas très sérieux comme méthode…
Les derniers viennent de passer, il est 11H25. La jeune femme annonce alors à son compagnon « L’UNSA, 54 personnes ! ». Moi, j’aurais dis un peu plus.
Je m’approche alors de la fille et je la questionne. « Alors, combien ? » Elle me répond que cela fait entre 2000 et 2500 personnes. Je suis déçu, je n’y crois pas. Je lui demande alors qu’elle méthode elle utilise pour pouvoir affirmer ce chiffre. Elle me répond que sa méthode est la plus précise puisqu’elle compte les gens par paquets de 30 ou 40, un par un. Ah bon ? C’est aussi simple que ça ? Nous continuons à discuter et elle me dit qu’elle estime qu’elle peut faire une erreur de 10% par groupe de 30 ou 40. Ce qui nous fait 3 ou 4 personnes de plus ou de moins. Son compagnon qui s’était éloigné un instant pour téléphoner se rapproche et lance : « De toute façon, les syndicats annonceront le double dès demain ! ».
Ingénument, je demande alors pour qui ils effectuaient se comptage. « A votre avis ? » me répond-t-il… Et là, je réalise soudain que ces deux jeunes gens sont en fait des fonctionnaires de police. (Avec le recul, je me dis qu’il faisait un peu chaud pour porter un blouson en jean…).
Nous continuons cependant à discuter. Selon eux le mouvement s’épuise, car la semaine dernière il y avait près de 4000 personnes dans les rues pour soutenir les enseignants. 2500 aujourd’hui pour les retraites. Pour eux, c’est dans la logique des choses… Un charmant monsieur s’est joint à nous et nous continuons à papoter alors que la rumeur du défilé s’éloigne peu à peu. Les deux flics s’en vont, je reste avec le monsieur (Salut LPG !) qui se révèle être un internaute assidu, nous échangeons nos points de vue. Il est temps de rentrer, la fête est finie.
De retour à la maison je commence à rédiger cet article et je continue de m’interroger sur les méthodes de comptage des manifestants. En fait, il en existe deux.
La méthode des organisateurs : a. On chronomètre le temps de défilement du cortège. b. On en déduit la longueur du cortège, en faisant une hypothèse sur la vitesse moyenne de défilement (2 km/h pour la CGT, ce qui semble assez lent donc assez prudent). c. On estime le nombre de manifestants par mètre de cortège (plusieurs estimations sont effectuées sur différents tronçons puis moyennées), ce qui dépend grosso-modo de la largeur des voies empruntées. d. On peut alors faire le calcul suivant : nombre de gens dans le cortège = longueur du cortège en mètres × nombre de gens par mètre.Avec cette méthode et ma propre estimation, (1500m x 7 pers/m) j’arrive à un nombre approchant les 10 500 manifestants.
La méthode de la police pour les manifs pas trop importantes : a. On se place en un (ou deux) point(s) du cortège, pas trop près du début ni de la fin, et on compte les rangs qui passent.
b. On mesure la largeur de la voie en ce(s) point(s), ce qui donne une assez bonne mesure de la largeur de la rangée. c. On en déduit le nombre de gens par rangée, en appliquant un barème (lequel ?) déterminant le nombre de gens par mètre de rangée. d. On peut alors faire le calcul suivant : nombre de gens dans le cortège = nombre de rangées du cortège × largeur d’une rangée en mètres × nombre de gens par mètre de rangée.
Sauf qu’avec cette méthode, une rangée se doit d’être cohérente. Alors que dans une manif, cela va du gars tout seul, à l'équipe de rugbymen se tenant par les coudes…
Bref, rien à voir avec ce qu’ont fait nos deux petits poulets… La jeune fille était peut-être consciencieuse mais son acolyte ne reportait pas tout les chiffres !
Je vous laisse juge au regard de cette photo ci-dessus. Sachez que cela ne représente que la moitié du défilé. Comptez les, et dites moi ce qu’il en est !

En conclusion, je dirais que c’était une belle journée pour défiler. Une très belle journée. Même si je n’étais pas là jusqu’à la fin, je ne pense pas qu’il y est eu des débordements. C’était de la manif de pros, faite par des gens concernés et responsables. J’espère seulement que la manifestation niçoise, qu’elle soit de 2500 ou de 10 000 personnes, viendra s’ajouter à toutes celles qui de par la France se déroulent aujourd’hui. La lutte est longue, ne perdons pas espoir.
J’attends vos commentaires et vos expériences des quatre coins de la France.
Addenda le 23 mai 2008 à 06H10.
Nice-Matin titre aujourd’hui : Sur un parcours inhabituel entre la place Masséna et le port de Nice, de 10 h 45 à 13 heures, la police a compté 2 500 participants quand plusieurs syndicats situent la barre autour de 7 000 et même 10 000 selon la FSU.