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jeudi 27 mai 2010

La pensée doit-elle être anonyme ?

Cinq jours maintenant que je n’ai rien publié.
Je sais, c’est long... et je m’en excuse. Mais pour ma défense je vous avouerais que j’ai été pas mal occupé, d’une part. Et d’autre part, l’article que vous allez lire aujourd’hui m’a demandé un peu plus de réflexion que d’habitude.

Super... Je m’aperçois en même temps que je fini cette introduction que je viens de me mettre un surcroit de pression quant à la qualité de ce qui va suivre... C’est pas malin.

Bien, attaquons.

Le sujet qui fait la Une des blogs depuis une semaine. Celui qui enflamme la blogosphère, pour parler avec emphase, c’est la proposition de loi d’un Sénateur UMP, jusqu’alors inconnu de moi, nommé Masson.
Celui-ci, emboitant le pas à la polémique à propos des apéros Facebook, et qui avait mis en avant l’impossibilité pour les pouvoirs publics de trouver face à eux des « interlocuteurs » précis, propose de s’en prendre à l’anonymat des blogueurs.

Enfin... C’est un peu plus compliqué que ça. Si quelques-uns d’entre vous en entravent plus que moi à l’argutie juridique, ils peuvent toujours essayer de décrypter le texte de loi original et l’amendement proposé, mais voici pour ma part ce que j’en ai saisi :

Afin de faciliter le droit de réponse (c’est l’argument principale mis en avant), le blogueur devrait mettre à disposition du lecteur de base ses noms et prénoms, ainsi qu’une adresse électronique. Pour certains, le texte va même plus loin puisqu’il s’agirait d’élever le blogueur au rang de directeur de publication et de l’obliger à fournir publiquement son adresse postale ainsi qu’un numéro de téléphone.

En clair, s’en est fini de l’anonymat du blogueur.

Enfin, c’est comme ça que la pluparts des blogueurs concernés ont interprété cette proposition de loi. Mais on pourrait tout aussi bien dire que cette nouvelle disposition pourrait ouvrir une nouvelle ère : Celle du blogueur responsable.

Cela fait longtemps que pour ma part je réfléchis sur cette notion de responsabilité. En effet, un de mes tous premiers textes (il y a deux ans !) parlait de la réputation numérique et suggérait qu’au lieu de crier au loup et de pourfendre ceux qui utilisent internet pour rechercher des infos sur vous, la technologie allait, peut-être, inciter les utilisateurs à être un peu plus responsables. Responsables juridiquement bien sûr, mais surtout responsables vis-à vis d’eux même.

Mais bon, j’y reviendrais.

Pour moi, les questions que soulève cette polémique sont celles-ci. A quoi sert l’anonymat ? En quoi est-ce utile, ou pas ? Et enfin, l’anonymat est-il une liberté ?
Car avant même de hurler à la mise en danger de la liberté d’expression (pétition à l’appui), il conviendrait peut-être de savoir si oui ou non, l’anonymat en est une... Non ?

Parmi mes collègues blogueurs, la plupart d’entre eux écrivent sous un pseudonyme. Ils le font pour des raisons diverses, et souvent personnelles, mais je crois que l’on peut dire que dans tous les cas il s’agit de se préserver, ou de préserver leurs proches.
Se préserver de quoi me direz-vous ? Et bien j’imagine que lorsqu’il s’agit de blogs politiques on peut raisonnablement penser qu’afficher son opinion peut être nuisible quelque part... D’un point de vue professionnel ou personnel, voire pénal.

Enfin, je dis bien que j’imagine, car en ce qui me concerne j’ai besoin d’imaginer à défaut de comprendre ou même d’accepter.

Cela est sans doute dû à ma condition particulière, ou à ma conception de l’engagement politique qui est plutôt radical je le reconnais, mais lorsqu’on a des opinions et que l’on fait œuvre de vouloir les exprimer, les cacher derrière un pseudonyme me paraît décrédibilisant. J’irais même plus loin si vous me le permettez, et utiliserais le terme d’infantilisant.

En effet, je ne peux m’empêcher de faire un parallèle entre cet anonymat et le statut juridique de l’enfant mineur...

(Ca-y-est, là vous vous dites que jusqu’à présent j’ai été plutôt sympa et que je vais commencer à être vachard. Détromperez-vous, je suis sérieux et je ne veux en aucun cas jeter la pierre à qui que ce soit. Je m’interroge, c’est tout.)

Donc, je disais que les blogueurs anonymes me faisaient penser aux enfants... Dans le sens où ceux-ci s’expriment un peu comme ils veulent mais ne sont pas considérés comme responsables. Et c’est un peu, à mon sens, ce que provoque l’utilisation de l’anonymat lorsqu’on blogue. On en vient à ne pas réellement assumer ce qu’on écrit vis-à-vis des autres, et pas voie de conséquence vis-à-vis de soi-même.
Mais cela reste mon opinion, et je conçois aisément que d’autres ne le partagent pas.

Car d’autre part il est indéniable que le statut anonyme du blogueur permet à toute une frange de la population de s’exprimer, et que celle-ci ne le ferait probablement pas si ce n’était pas le cas.
Alors à partir de là je pense qu’il peut être intéressant de se poser la question suivante.
Est-il opportun du point de vue de la liberté d’expression, d’interdire à cette population-là de s’exprimer en supprimant l’anonymat du blogueur ?

Clairement, en ce qui me concerne, la réponse est non. Et c’est bien pourquoi je considère que cette loi si elle est votée, et même si son application ne me dérangerait pas outre mesure à titre personnel, créerait plus de mal que de bien.

Le bien étant qu’à mon sens le combat politique gagnerait à être mené au grand jour, ne serait-ce qu’en termes de crédibilité.
Seulement, il semblerait que cette crédibilité ait un coût et que tout le monde ne soit pas forcément prêt à l’assumer. Encore une fois je le précise, il ne s’agit pas là d’un jugement de valeur, mais d’un simple constat.
Lorsqu’il y a deux ans j’ai commencé à m’exprimer sur le net, je l’ai fait en utilisant un pseudo (GD06). Puis au bout de quelques semaines je me suis redu compte que cela ne correspondait pas à ma démarche que de taire mon identité. De même, lorsque j’ai commencé ce blog, une des premières choses que j’ai faite c’est de publier mon CV histoire de jouer franc-jeu avec mes futurs lecteurs.
A partir de là, la conséquence directe de ce non-anonymat, on pourrait même dire revendication, est que j’ai le devoir moral d’assumer mes propos. Je laisse volontairement de côté l’aspect juridique de la chose, car pour moi il coule de source. Et pour être tout à fait franc j’y suis préparé depuis la création de JVVD. J’ai conscience d’avoir plus souvent qu’à mon tour dépassé certaines bornes, mais ne comptez pas sur moi pour faire l’étonné si par malchance quelqu’un venait à me faire un procès.

J’écris en mon nom, donc j’assume en mon nom. C’est aussi simple que ça. Pour moi cela participe à ce qu’on appelle l’estime de soi et à une attitude adulte et responsable.

Cela a été le cas l’année dernière lorsque ma famille n’a pas apprécié mon interprétation des fêtes de Noël, et cela a été le cas très récemment lorsque mes propos ont été utilisés pour nuire à l’un de mes proches.

Je peux évidemment regretter la forme de ces écrits, mais en aucun cas en renier le fond. Et si par malheur mes positions nuisent à autrui, et bien... Tant pis. Je trouve que c’est déjà bien d’assumer ces propos, mais par contre je ne suis en rien responsable de la façon dont les autres les prennent ni les utilisent. Concerné certainement, désolé probablement, mais pas responsable.

Mais bon, revenons au sujet qui nous préoccupe aujourd’hui : Le projet de loi Masson.

Je suis pour que les blogueurs revendiquent haut et fort leurs écrits. Comme je l’ai dis, il s’agit là d’une question de crédibilité et de responsabilité. Mais en même temps j’ai conscience qu’il n’est pas permit à tout le monde de pouvoir assumer publiquement ces propos. Aussi je préférerais que ce Monsieur Masson remette son projet de loi dans son slip.

Surtout que le droit de réponse invoqué pour justifier d’une telle mesure me semble assez fallacieux. S’il ne s’agissait que de cela on ne parlerait pas de l’identité des blogueurs mais plutôt de leur capacité à gérer/censurer les commentaires.
Non, le droit de réponse dont il est question est plutôt le droit de tout un chacun d’identifier clairement l’auteur d’un écrit et de pouvoir si besoin, porter plainte nominativement contre lui.
En fait, cette proposition de loi n’est ni plus ni moins qu’un raccourci juridique. Elle permet de faire plus vite ce qui se fait déjà via une commission rogatoire auprès de l’hébergeur, et elle ouvre le champ aux règlements de comptes de personne à personne. C’est tout.
Car vous l’admettrez avec moi, ce n’est pas bien compliqué de savoir qui est qui et qui fait quoi dans l’internet actuel.

Cela dit, je m’aperçois que cette histoire nous parle de bien d‘autres choses que la simple responsabilité du blogueur. Elle nous parle de liberté d’expression certes, mais de liberté d’expression dans un pays où celle-ci est déjà sérieusement bridée. En effet, si l’on considère les États-Unis où cette liberté est érigée en droit inaliénable, des propos tout à fait innommables peuvent être tenus. Des propos qui en aucun ca ne pourraient être prononcés en France, et heureusement d’ailleurs. A partir de là on peut imaginer que c’est ce « manque » de liberté qui induit des responsabilités... Et que si nous étions plus libres de nos propos, nous serions alors... Moins responsables ?

Donc pour finir, je dirais que ce projet est inopportun, tendancieux et potentiellement liberticide.

Mais de là à en faire une polémique de cette ampleur... Je crois qu’il ne faut pas exagérer. A moins que tout cela ne participe d’une diversion judicieusement proposée alors que l’avenir de nos retraites est en jeu ? Allez savoir...