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samedi 8 mai 2010

Le tabou de la rigueur

Je vous parle souvent, du moins aussi souvent que je le peux, des éléments de langage qui ponctuent le discours de nos politiques. Ces petites formules toutes faites qu’il convient de distribuer à l’envie afin de faire passer un message, ou de changer l’optique que l’on peut avoir sur un événement...
En fait, vous et moi savons qu’il ne s’agit rien de moins que de travestir la vérité en ne la nommant pas. Et lorsqu’on ne peut plus nommer quelque-chose, on ne peut alors plus la critiquer. C’est aussi simple que ça, et ça marche très bien, même auprès des esprits les plus instruits.

Les éléments de langage s’utilisent d’autant plus que dans la bouche de nos gouvernants il y a des mots qu’il ne faut jamais, mais alors jamais, prononcer... Sous peine de déchainer je ne sais qu’elle justice divine.

On pourrait appeler ça des tabous verbaux.

Et parmi ces tabous, il en est un qui domine tous les autres de la tête c’est le mot rigueur.

Ah, la rigueur... Que de sens négatifs s’attachent à ce simple mot ! Ce mot, c’est du concentré d’hiver à lui tout seul ! Cela nous ramène à des époques que la droite comme la gauche veulent à tout prix nous faire oublier !

La rigueur, c’est ce mot tabou qu’il ne faut surtout jamais prononcer sous peine de passer pour un sinistre corbaque de mauvais augure. Dire ce mot honni c’est réveiller des souvenirs cuisants dans la tête des gens, des trucs pas beaux comme le choc pétrolier sous la gouvernance de Raymond Barre, ou encore le virage libéral de Mitterrand... La Rigueur, et son corollaire le Plan de Rigueur, ça pue comme un gros mot vulgaire.

D’ailleurs, si nous n’étions pas convaincu de la malfaisance qui entoure ce mot, la vigueur avec laquelle nos politiques se défendent de l’utiliser devrait pour le moins nous mettre la puce à l’oreille. Ainsi, le Premier Sinistre Fillon c’est empressé de déclarer hier : «La rigueur, c'est quand on réduit les dépenses et qu'on augmente les impôts. Nous, nous avons choisi, le plan de relance mis à part, de réduire la pression fiscale lorsque c'était possible et de diminuer la dépense publique. Nous sommes donc dans une gestion qui n'est pas celle d'un plan de rigueur.»

C’est cela oui... Le gouvernement n’a pas augmenté les impôts, mais les taxes (ce qui n’est aaaabsolument pas pareil vous en conviendrez), et a sérieusement obéré le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Résultat, on en revient exactement au même.
Mais non, jamais au grand jamais il ne faut dire le mot tabou... Même si ce faisant on passe pour un con.

M’enfin, vous me direz que c’est pas grave si c’est Fillon qui passe pour un con, vu qu’il est payé pour ça. Son chef lui, se contente enfin de prendre de la « hauteur » après trois ans de... De quoi d’ailleurs ? De petitesse ?
Pensez-donc, son nouveau truc c’est de vouloir « moraliser les agences de notation » ! Comme moraliser le capitalisme ça n’a pas marché, il s’est dit qu’il fallait dorénavant moraliser ceux qui notent le capitalisme...

Confondant n’est-il pas ?

Allez ! Faut pas vous laisser abattre les gens ! Demain les agences de notation jugeront que la France n’est plus en mesure de payer sa dette, et nos guignols n’auront alors « plus d’autre choix » que de nous imposer le libéralisme mondialisé !
Et comme il faudra alors appeler ça avec un élément de langage adéquat, ils trouveront sans doute une formule de derrière les fagots propre à enfumer les grouillots que nous sommes....

Je ne sais pas moi, ça pourrais s’appeler un plan de relance amélioré pour plus de justice économique... ou un truc dans le genre.

De toute façon, on s’en fout un peu puisqu’au final c’est le populo qui aura mal au cul.

PS : Alors que je m’apprête à publier ces mots, je me rends compte avec une petite satisfaction ironique que Là-bas si j’y suis dans son émission de jeudi a traité peu ou prou du même sujet. C’est beau les coïncidences, hein ?