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samedi 21 novembre 2009

Une histoire de lynx

Il y a quelques années, dans une autre vie, j’étais un gardien d’arbres. Un simple gardien d’arbres.
Les arbres, c’est assez facile à garder. Ils ne sont pas du genre à se faire la malle en douce le soir venu. Ils sont du genre contemplatif. Du coup ceux qui les gardent le deviennent un peu eux aussi. Et croyez-moi quand je vous dis que contempler les montagnes du Jura, c’est cool. Méga-cool.

Tout ça pour dire que le soir venu, alors que d’autres ne pensent qu’à rentrer chez eux pour jouir d’un repos bien mérité, moi et quelques-uns on était du genre à en redemander sans problème. Le travail à ce niveau-là, c’est du bonheur en barre et comme le bonheur est quelque chose qui passe, on ramasse tout ce qu’on peut, tant qu’on peut.

Mais peut-être devrais-je commencer cette histoire par le début… Le début, c’est quand à l’occasion d’une conversation avec le garde de l’ONC du coin (l’ONC c’est l’Office National de la chasse), j’ai appris que sur les bords du lac Léman, le long d’un petit cours d’eau nommé le Boiron, résidait une famille de castors
Une vraie famille avec le papa, la maman et les bébés castors. Ils vivaient tranquillos dans leur maison à castors, au milieu des fermes et des champs. Parfois ils s’en allaient bouloter les pommiers du voisin, mais bon globalement on les laissait en paix.
Je n’avais jamais vu de castors… Enfin pas en vrai je veux dire. Et franchement, je ne me doutais pas que l’on pouvait en observer encore en France. Aussi, lorsque le garde chasse nous proposa à mon collègue et à moi de participer à un affut nocturne histoire de vérifier si tout allait bien pour eux, nous avons sauté sur l’occasion.
Rendez-vous fut donc pris pour un soir de la semaine suivante.

Le jour venu, mon pote et moi étions tout excités par notre prochaine rencontre. Aussi, nous avons un peu fait la gueule lorsque le garde chasse vînt nous annoncer dans l’après-midi que nous ne pourrions pas aller voir les castors. Devant nos mines déconfites, il sourit et nous demanda alors si nous étions intéressés par quelque chose de mieux. Quelque chose de mieux ! Qui avait-il de mieux que d’observer des castors dans leur milieu naturel ?
En effectivement le garde avait mieux à nous proposer, beaucoup mieux.
En fait, s’il avait du décommander notre escapade c’était parce qu’il devait accompagner un groupe de chercheurs Suisses sur le territoire de la réserve. Et pas n’importe quels chercheurs, des types chargés du suivi de réintroduction du lynx sur le territoire de confédération, venus procéder à des captures et à des marquages chez nous en France. Et il nous proposait, si notre directeur était d’accord bien sûr, d’être présents lors de l’une de ces opérations en tant qu’observateurs de la Réserve Naturelle…

Comment ? Nous allions assister à la capture d’un lynx ! Des lynx, c’est quand même autre chose que des castors !

Heureusement le directeur ne fut pas difficile à convaincre. Il serait bien venu lui-même, mais une méchante réunion administrative le retenait. Il nous chargea cependant de bien faire notre boulot d’observateur et de lui pondre un compte rendu circonstancié.

Ah oui, faut quand même que je vous dise pourquoi ces Suisses étaient venus chez nous…

Nos amis suisses sont de grands défenseurs de l’environnement. Ca on le sait. Et donc, au début des années soixante-dix ils décidèrent de réintroduire un des plus beaux grands prédateurs que l’évolution nous ait laissé, le lynx d’Europe, ou lynx Boréal, ou encore Lynx Lynx pour les intimes.

Le problème, voyez-vous, c’est que non content de se reproduire assez facilement dans un environnement protégé, le lynx a également une très piètre connaissance des frontières ainsi qu’une énorme propension à prendre ses aises. Trente ans plus tard, nos amis les félins ont donc essaimé un peu partout et quelques-uns sont venus s’installer directement sur les plates bandes des voisins Français, Allemands et Italiens. Ajoutez à ça le fait que le territoire de chasse d’un lynx est au minimum de 10 000 hectares, et vous comprendrez que la rencontre entre le jurassien et la bête avec du poil sur les oreilles était inévitable.

Et c’est donc ce qu’avait fait une femelle, elle avait décidé de venir chez nous pour trouver un endroit sympa et pouvoir mettre au monde ses petits.
Il faut savoir que le lynx n’est pas vraiment casanier comme animal. Nous avons vu que son territoire peut être grand comme la moitié d’un département, et le félin passe donc son temps à arpenter ses terres pour se nourrir. Il ne dort au même endroit que le temps nécessaire pour lui de dévorer son chevreuil dominical. Aussitôt fait, il reprend la route à la recherche d’autre proies et peut ainsi parcourir des distances énormes.

La femelle dont nous parlons était équipée d’un collier émetteur, ce qui fait que les Suisses savaient en permanence où elle se trouvait. Lorsqu’ils se rendirent compte qu’elle ne s’éloignait plus de la forêt du Turet, au pied du col de la Faucille, ils supposèrent donc qu’elle devait avoir mis bas.
Une opération fut organisée afin de capturer le ou les petits, et de procéder éventuellement à des marquages et des examens. Et c’est à ça que le garde chasse nous proposait d’assister !

Du coup bien sûr, l’observation d’une bête famille de castors perdait son intérêt, vous en conviendrez…

Et donc, à la nuit tombée, nous voilà partis à la chasse au lynx !

A suivre…