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mardi 22 juillet 2008

Le geste serbe

Qu’apprends-je ce matin alors que je sirotais mon premier mug de café ? L’on vient d’arrêter Radovan Karadzic à Belgrade. Comme ça, tranquillement, alors qu’apparemment il prenait le bus, les services secrets serbes aurait appréhendés l’ex-leader des serbes de Bosnie dans la matinée de vendredi dernier. Personnellement, je n’y croyais plus, et le procureur du TPI Carla Del Ponte non-plus. Et je vais même aller plus loin, je suis étonné que l’on est enfin arrêté cet homme. Et voici pourquoi :
Tout le monde se souvient un peu, quand même, de la guerre qui a déchiré l’ex-Yougoslavie dans les années 90. Le massacre de Srebrenica (8000 morts), le siège de Sarajevo (10000 morts), l’épuration ethnique à l’encontre des populations musulmanes de Bosnie et de Croatie, les camps de détention, bref, les accusations ne manquent pas à l’encontre de ce sinistre personnage. Karadzic est donc inculpé de crime contre l’humanité par le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY, voir l’article sur le CPI du 15.07.2008), de génocide, persécutions, exterminations, meurtres, déportations, actes inhumains et prises d'otages. Joli CV, à n’en pas douter, et malgré le nombre de charges pesants contre lui, ce bourreau continuait à vivre tranquillement en Serbie, pratiquement pas inquiété par le gouvernement et très peu recherché par les forces de l’ONU. Cette cavale aura durée 13 ans sur fond de bisbille entre Europe et Etats-Unis, et aurait pu se prolonger, car c’était prévu comme ça dés le début. Je m’explique :
A la fin de la guerre, il a bien fallut constater que la Yougoslavie, cette entité artificiellement maintenue en vie par Tito et le régime communiste pendant des années, n’existait plus. Le pays fort de la région, la Serbie, venait de se faire taper sur les doigts par les forces combinées de l’OTAN et de l’ONU, et ne demandait qu’à se faire oublier un peu. Le problème est que les idées radicales de Karadzic étaient, et sont peut-être encore, largement répandues dans le pays et le bonhomme, ainsi que ses sbires, considérés comme des héros. Lorsque le temps fut venu de reconstruire le pays, les serbes se tournèrent donc dans un bel ensemble communautaire vers Karadzic et sa flamboyante chevelure… Malheureusement pour lui, ce fidèle allié des USA c’est retrouvé en disgrâce vis-à-vis du l’opinion public européen, et avec un mandat d’arrêt international aux fesses, ça fait plutôt désordre pour un futur président de la république Serbe. Un deal fut donc mit au point par les américains pour calmer, autant que possible, la situation dans la région. Radovan Karadzic acceptait de se retirer définitivement de la vie politique, et en échange les Etats-Unis s’engageaient à ce qu’il soit recherché « mais jamais trouvé »… Ce sont les propres termes d’un des représentants du Département d'Etat. Recherché, mais jamais trouvé… C’est dingue, et pourtant ça a marché pendant 13 ans ! Le leader serbe se baladait au nez et à la barbe de tout le monde, mais n’était jamais appréhendé… Carla Del Ponte en était toute énervée, et elle quitta son poste de procureur l’année dernière en ayant un seul regret : Ne pas avoir mis Karadzic sous les verrous.C’est chose faite aujourd’hui. L’ex-leader serbe devrait être transféré dans les prochains jours vers La Haye où il sera jugé.
La question est donc de savoir ce qui à bien pu changer depuis ce fameux deal. Qu’est-ce qui a fait que la Serbie a changé son fusil d’épaule et décidée d’arrêter Karadzic ? Et bien tout simplement, un nouveau gouvernement vient d’être nommé il y a à peine dix jours, pro-européen, qui a bien entendu les conditions énoncées pour un rattachement à l’UE : Livrer les criminels de guerre. Comme quoi, si on doutait de la non-volonté politique d’arrêter ces monstres, cette subite réussite démontre bien qu’il s’agissait de cela : une protection tacite et organisée d’un criminel de guerre. La donne a changée donc pour les Serbes qui espèrent rapidement intégrer l’union et pour ce faire doive montrer des signes de bonne volonté. Quid d’une éventuelle réaction américaine ? Rien pour l’instant. En attendant, ce qui est sur, c’est que du côté de Washington on doit faire la gueule et espérer que certaines accointances serbo-américaines resterons secrètes…
N’oublions quand même pas que sur la liste des personnes « activement » recherchées, se trouve également Ratko Mladic, bras armé de Karadzic, qui lui court toujours… Mais pour combien de temps ?