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mercredi 3 février 2010

Honni soit l’Ordre

Hier, même si tout n’était forcément à la joie (youpi-tralala-tsointsoin !) question inspiration, cela ne m’a pas empêché d’aller lire ce qui ce passait chez les autres. Et j’ai bien fait.
En parcourant le dernier billet de la naïve et chimérique Isabelle, j’ai découvert un truc énorme. Oui ENORME !

Vous saviez, vous, que la profession d’infirmière était en pleine guerre civile ? Non ? Si ? Et bien moi je ne le savais pas…
Je savais que les hôpitaux étaient mis à mal par la réforme de la carte hospitalière. Je savais que l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris prévoyait de se débarrasser de 3 à 4000 de ses employés, mais je ne savais pas que la création d’un Ordre Infirmier foutait le bordel dans la belle et noble profession des petites mains de la santé.
D’ailleurs, ce qui me rassure c’est qu’Isabelle n’en sait guère plus sur le sujet.

Tout a commencé en 2006 par la création d’un Ordre National Infirmier (ONI) à l’image de celui des médecins. Cet ordre était/est sensé « Représenter et promouvoir la profession d’infirmier (privé, public, libéral). Il est chargé par le législateur d'être la voix de la profession sur des sujets comme la réforme de la santé au travail, la réforme de la santé mentale, les réformes des études, et les pratiques avancées. Il a également des missions de santé publique qui lui ont été confiées par la loi. Il maintient l'éthique et la déontologie de la profession d'infirmier en France et établit le premier code déontologie de la profession. »

Bon, a priori quand on lit ça, on peut se dire qu’une organisation professionnelle destinée à défendre les quelques 500 000 infirmiers et infirmières du pays ce ne peut être qu’une bonne chose, et on pourrait même se demander pourquoi cela n’a pas été créé avant. A l’époque, la profession était représentée par une foultitude de syndicats et d’associations, qui bossaient chacun dans leur coin, et l’idée première était donc de fédérer un peu tout ça… Oh bien sûr, tous n’étaient pas forcément d’accord à l’époque. Certaines brebis galeuses, du genre brebis rouge-vif-mangeuses-d’enfants, subodoraient déjà que la création de cet Ordre risquait de faire taire les voix dissonantes en créant une seule et même entité représentative.
Imaginons alors que cette entité représentative soit proche du pouvoir en place, il en devient d’autant plus facile alors de réformer la profession à grands coups de scalpel.

Donc en 2006 le décret portant création d’un Ordre National Infirmier est promulgué. Le temps que tout ça s’organise, il a bien fallu trois ans. Des élections ont eut lieux, et une certaine Dominique Le Bœuf est nommée à la tête de l’ONI. Pour arriver à faire marcher le bouzin, quoi de plus normal alors que de demander aux infirmiers et infirmières de se fendre d’une cotisation annuelle nécessaire et suffisante. Il était prévu lors de la création de l’ONI que celle-ci ne dépasserait pas les 30 € …

Mais quelle ne fut pas la surprise des professionnels de la profession, lorsqu’ils découvrirent en 2009 que ladite cotisation devait être de 75 € ! Et, griotte sur le clafoutis, cette cotisation devint même obligatoire pour avoir le droit d’exercer !

Alors bien sûr, ça a commencé à gueuler sérieux dans les rangs. Plusieurs membres de ce qui était en train de devenir une gigantesque pieuvre, démissionnèrent. Les mouvements qui étaient au départ contre la création de cet ordre, retrouvèrent un second souffle en voyant arriver de plus en plus de sympathisants, et la grogne générale commença à s’installer.

Une étape supplémentaire dans le bordel fut franchie à la fin 2009 lorsque les infirmiers et infirmières commencèrent à recevoir des lettres recommandées leur intimant l’Ordre (si, c’est drôle !) de s’inscrire sur des listes et de s’acquitter de leur cotisation sous peine de se voir refuser de pratiquer leur métier. Des lettres bien flippantes du genre : « T’as intérêt à raquer bébé, parce que si tu ne le fais pas, ton boss il va te virer et tu ne pourras plus exercer nulle part ».
Il a même été prévu dans une circulaire à l’intention des conseils départementaux de l’ONI de mettre en branle un arsenal offensif contre les retardataires comprenant : Des lettres de rappel, des relances téléphoniques, des mises en demeure, des majorations de cette cotisation, le recouvrement par voie d'huissier, voire carrément des plaintes pour exercice illégal !

Hein ? Ça ressemble à du chantage ? Et bien oui, s’en est. De bon gros chantage des familles, du racket institutionnalisé, avec des méthodes d’intimidations que la mafia ne renierait pas.

Alors comme je vous l’ai dis, ça gueule. Et parmi ceux qui gueulent, il y a le Contre Ordre Des Infirmiers (CODI). Celui-ci appelle au boycott des cotisations et demande aux personnels concernés de ne pas s’inscrire sur les listes. Initialement la date butoir pour le paiement des cotisations était le 30 septembre 2009. Face à la grogne, l’ONI l’a reculé d’un mois et a accepter de « faire un geste » à l’intention des jeunes diplômés. Ceux-ci ne paieront que 50% des 75 € la première année… Les bonnes âmes !

Nous en sommes donc là. D’un coté une organisation voulue et mise en place par l’UMP et un quarteron de syndicats libéraux, et de l’autre nous avons 500 000 infirmiers et infirmières à qui on demande du jour au lendemain de payer une somme plus de deux fois supérieure à ce qui était prévu pour avoir le droit de faire leur boulot !

75 euros que multiplient 500 000 infirmier(e)s, ça nous fait quelque 37 millions et demi d’euros de budget annuel pour un Ordre auprès duquel la plupart des « adhérents obligatoires » ne se sont pas encore signalés. L’ONI refuse actuellement de communiquer sur l’état de ses inscriptions et cotisation, mais d’après ce que j’ai pu lire un peu partout il semblerait que la fronde soit quasi générale.
Sachant que le salaire net moyen mensuel d’une infirmière est de 2.244 euros dans la fonction publique d'Etat (FPE), de 1.709 euros dans la fonction publique territoriale (FPT) et de 1.997 euros dans le secteur privé, on peut se poser la question de savoir à quoi va bien pouvoir servir tout ce fric.
Deuxième question, de quel droit cet ONI se permet-il d’utiliser des méthodes de soudards pour mettre au pas les récalcitrants ?

La réponse à ces deux questions se trouve, à mon sens, dans les propres mots de Dominique Le Bœuf. Dans un éditorial destiné à présenter l’ONI elle dit : « Cet Ordre que nous allons former tous ensemble, sous le signe du caducée infirmier, nous le voulons fiable et pragmatique, réactif et transparent. »

« Fiable, pragmatique (Grrrr !), réactif et transparent. » Rien que des adjectifs empruntés au vocabulaire de l’entreprise libérale ! On croirait presque lire une plaquette du MEDEF !

Il n’est plus étonnant du coup, que cet honni ONI se comporte alors comme le plus méprisable des patrons voyous…