Je voulais vous dire…


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jeudi 1 octobre 2009

Mon petit bureau de poste

Comme vous le savez, hier je me suis un peu planté lorsque j’ai voulu participer à la votation citoyenne contre la privatisation de la poste. Bon, en fait, ce n’est pas vraiment grave car j’y retournerais ce samedi, mais quand-même… Je n’aime pas trop me déplacer pour rien.
Je n’aime pas ça, parce qu’en la circonstance j’aurais dû me renseigner un peu mieux avant de foncer tête baissée. Ce qui revient à dire que je m’en veux pour ce côté enthousiaste, que les fondus d’astrologie attribue au natifs du bélier…
Mais bon, à mon âge il va m’être plutôt difficile de corrigé cela. Et ce, même si cette petite balade a pour conséquence directe qu’aujourd’hui j’ai un mal de chien à mon peton et que je vais passer la journée à regretter cet enthousiasme…

Mais bon, j’arrête là les jérémiades. Ce dont je voulais vous parler ce matin, c’est justement de ce bureau de poste vers lequel j’ai dirigé mes pas, et de l’impression que celui-ci m’a fait.
Je ne vous en ai pas parlé hier, mais en fait j’ai été encore plus perturbé par sa visite que par le fait de ne pas trouver d’urne pour voter… Le genre de perturbation qui nécessite une nuit de réflexion avant que d’être exprimée.

Ce n’était pas vraiment le bureau de poste que j’ai l’habitude de fréquenter. Le mien, il est tout petit et se situe à 500 mètres de chez moi. C’est un bureau tout ce qu’il y a de classique avec son guichet hygiaphonisé et ses préposées pas toujours bien lunées.
Notez que cela ne me dérange pas que les proposées ne soient pas toujours bien lunées. Je sais bien qu’elles ont été maintes fois caricaturées à cause de ça, mais j’ai compris assez tôt que si ces dames ne sont pas toujours aimables, c’est d’abord et avant tout parce qu’elles sont humaines. De même, j’ai également remarqué qu’il suffit d’être soi-même aimable et souriant pour que, comme par magie, la mégère qui répliquait sèchement au client précédent se transforme tout à coup en une femme souriante et désireuse de vous aider.
Quand je vais au bureau de poste de mon quartier, ce qui est quand même assez rare je l’avoue, c’est pour y acheter des timbres ou bien plus rarement faire un virement ou chercher un recommandé… Les trucs classiques que l’on fait dans un bureau de poste en fait. A chaque fois, j’y trouve la réponse à mes éventuelles questions, et lorsque j’y vais j’y croise les habitants de mon quartier et on s’échange des sourires et des signes de tête. Il y a le cabinet de mon kiné juste au dessus et à côté, une petite superette pour faire ses courses. Le haut de la Madeleine est en fait comme un petit village où l’on peut trouver tout ce qu’un petit village peut vous apporter… Une annexe de la mairie pour faire ses papiers. Des commerces de proximité (comme ils appellent ça), c'est-à-dire en fait des commerces tout court. Le boucher, le boulanger, le marchand de presse… Bref, avec tout ça pas besoin de prendre la seule ligne de bus qui dessert le quartier pour aller en centre-ville. On a tout ce qu’il faut sous la main, et franchement, moi ça me plait bien.

Mon bureau de poste, c’est un bureau de poste. Pas une agence. Il est tout petit et un peu vieillot, c’est vrai. Mais il joue à merveille son rôle de bureau de poste. Il est là, avec sa petite salle de tri et sa petite porte cochère d’où sortent les mobylettes pour aller distribuer le courrier. Il rend service au quartier dans une proximité qui fait qu’on n’a pas l’impression de dépendre de la Grande poste, celle de l’avenue Thiers. Celle-là, elle se la pète un peu avec son architecture monumentale. On dirait une église vouée au culte du service public… Je vous jure, là-bas quand on y rentre, les plafonds sont tellement hauts qu’ils vous obligent à baisser la voix. Et quand on s’approche d’un guichet, c’est tout juste si on ne s’excuse pas d’avoir une question à poser… Non, vraiment moi je préfère le petit bureau de mon quartier.

Sauf que le petit bureau de poste de mon quartier, et bien il va fermer.

Oh, peut-être pas tout de suite, non… Mais ça fait tellement longtemps qu’on en parle qu’un jour ou l’autre et bien… ça va lui arriver.

Et lorsque cela arrivera, lorsque j’aurais besoin d’un carnet de timbre, de chercher un colis, ou bien d’envoyer un mandat, il faudra que je me rende au bureau de l’avenue de la Californie. Celui-là même que j’ai visité hier.

Et celui-là, je ne l’aime pas.

Je ne l’aime pas parce qu’il est loin de chez moi. Un kilomètre six-cent cinquante, c’est énorme quand on a une patte folle et le bus ça coute cher.
Et puis, je ne l’aime pas parce que ce n’est justement pas, ou plus, un bureau de poste avec guichet hygiaphonisé et préposées trop humaines. C’est une agence de La Poste, et ça croyez-moi, ça fait une énorme différence.
Lorsque je m’y suis rendu hier, un premier regard à l’intérieur m’a fait ressortir pour lever les yeux histoire et vérifier que l’enseigne jaune était bien là…
C’était… comment vous dire… Tout de suite à droite en entrant, il y avait un petit pupitre derrière lequel une dame souriante officiait. Sur celui-ci était marqué en gros « Accueil ». De partout devant et derrière le pupitre et la dame souriante, des affichettes s’adressaient directement aux « chers clients » pour leur vendre je ne sais quel service.
Plus loin sur la droite, des portes en verre opaque ouvraient sur de petits bureaux étroits ou des messieurs souriants en costume parlaient avec des clients attentifs. Au fond, un comptoir avec une dame encore une fois très souriante. Au dessus de ce comptoir, était marqué en gros « La boutique ». Derrière ce comptoir, un ensemble hétéroclite d’objets divers n’ayant, à première vue, aucun rapport avec la poste… Des maillots de l’OGC Nice dont la taille devait convenir à un enfant de trois ans. Des jouets, des bandes dessinées, des cartes téléphoniques SFR et Bouygues…
Au milieu de la salle trônait sur un support un rayon complet dédié à l’enfance… A gauche en entrant, quelques machines automatiques : Affranchisseuse, photocopieuse, distributeur jaune à la fonction inconnue… Plus loin, enfin, un dernier comptoir sur lequel était marqué « Guichet ». Un seul comptoir avec, encore et toujours, une dame souriante.

Je suis resté là, un peu ébahi. Je me demandais où j’avais bien pu mettre les pieds. Encore une fois, je suis ressorti pour voir si par hasard je n’avais pas pénétré dans une annexe au bureau de poste. Une annexe dédiée au commerce en tout genre… Mais non, j’ai eu beau faire quelques pas à gauche et à droite de la porte pour vérifier s’il n’y avait pas d’autres entrées, il n’y avait rien.

Vous savez à quoi j’ai pensé alors ? Et bien je me suis souvenu du passage de la bible qui parle des marchands du temple (Évangile selon St Marc, Chapitre 11, verset 15)…
Je sais, on a les références culturelles que l’on peut, mais c’est réellement à ça que j’ai pensé… J’étais choqué, mal à l’aise. Et puis tous ces sourires me rendaient nerveux et m’intimidaient en même temps. Ces sourires-là, je ne les connais que trop bien. Ce sont ceux du vendeur (ou de la vendeuse) qui ne pense qu’à une chose, vous refiler ce que vous n’êtes absolument pas venu chercher. Ce sont des sourires de façade, des sourires qui pour moi ne me disent qu’une seule chose : Fais gaffe le Gwen, tu vas te faire entuber.

Finalement, après avoir fait mon tour à la recherche d’une urne que je n’ai pas trouvé, je me suis rabattu sur l’accueil pour demander à la dame ce qu’il en était exactement…
Son sourire c’est un peu crispé, mais elle m’a quand-même expliqué que « Ils » étaient venus en début de semaine, et que « Ils » reviendraient samedi matin pour recevoir les votes.

« Ils » ? Qui étaient ces « Ils » ? Apparemment pas des gens comme elle. Pas des vendeurs au sourire accroché au visage avec de la super glu.
Je lui ai répondu avec politesse qu’elle me reverrait donc samedi… Et je suis sorti. Mais juste avant de tourner les talons, j’ai bien cru déceler dans son regard comme une trace d’ironie…

Comme je vous l’ai dit, cette histoire m’a trotté dans la tête bien plus que le fait de m’être planté quant aux dates de vote… Je me disais que moi, avec mon désir de votation pour empêcher la privatisation de la poste, j’avais dû avoir l’air d’un con devant cette dame. Car, c’est vrai quoi, qu’est-ce que je venais de voir là ? Ni plus ni moins que ce que je n’ai absolument pas envie que la poste devienne ! C'est-à-dire un magasin destiné à la vente de produits commerciaux.
Et c’était déjà là… Avant même que la Poste ne soit privatisée. Peut-être est-il trop tard ?

Et puis, après vous avoir écrit toutes ces lignes (y’en a beaucoup, je sais…), je me dis que finalement il n’est peut-être pas trop tard. Peut-être que si on arrive à mobiliser suffisamment de monde je vais pouvoir garder mon petit bureau de poste. Même s’il est vieillot et que les dames ne sourient pas toujours, c’est le mien. Et je ne veux pas qu’il devienne comme ces boutiques où l’on ne fait plus qu’essayer de vous vendre des choses et ou l’on oubli que dans le terme Service Public, il y a service…

Et un service, ça se rend. Ça ne se vend pas.