
En fait, maintenant que je ne suis (presque) plus un petit garçon, je me rends compte que ce que je recherchais dans les dictionnaires et dans les encyclopédies était complexe.
Je voulais rêver pour oublier ma vie de tous les jours, mais je cherchais également à apprendre des choses.
Je sais, ça peut vous paraitre bizarre que lorsqu’on a dix-douze ans on ait envie de faire autre chose que de jouer ou de regarder la télé… Sauf que chez moi, la télé était rigoureusement réglementée et que je me suis vite aperçu que la lecture comblait bien plus efficacement l’ennui que les légos ou les petits soldats… En plus, après faut ranger et c’est chiant !

Bon, tout ça pour vous dire que je suis curieux d’apprendre et que j’aime les dictionnaires… On va encore dire que je suis un spécialiste des entrées en matière qui n’en finissent pas, mais que voulez-vous… Au départ je veux vous parler d’un truc, qui me fait penser à un autre truc, qui demande que j’explique encore un autre truc… Et moi, je me laisse embarquer dans l’onanisme littéraire et comme toujours, j’en fais des tonnes… mais bon, à force vous devez avoir l’habitude, non ?
En fait, au départ, je voulais vous raconter une histoire.
L’aspect défraîchi de sa couverture, la couleur jaunâtre de ses pages, la finesse de ses gravures, tout cela fit que je craquais littéralement pour ce dictionnaire, et il m’en coutât 30 francs. (Vous vous souvenez de notre monnaie nationale ? Elle ne vous manque pas un peu ? A moi si…)
Sitôt revenu chez moi, j’ai commencé à farfouiller un peu dedans à la recherche d’une information sur la date d’édition… Et bien, j’ai eu beau chercher partout, impossible de dégoter une date quelconque ! Rien dans les pages intérieures, rien nulle part…
Sur le coup j’étais bien embêté je vous l’avoue… C’est alors que j’ai eu l’idée de prendre le problème à bras le corps et d’enquêter. J’ai tracé sur une feuille de papier la ligne du temps en y notant les dates qui me semblaient importante.
La première chose qui m’a sauté aux yeux, c’est qu’en regardant une carte au hasard, j’y vis l’Empire des Indes. Diantre ! C’est donc que mon dico était antérieur à l’indépendance, c'est-à-dire 1947… 47 c’est après la deuxième guerre mondiale, donc je cherche à guerre… Rien concernant un conflit mondial ! Même pas la Grande Guerre ! Serait-il possible que ces deux bouquins miteux soient antérieurs à 1914 ? Je continus donc en cherchant des indices sur les cartes du monde J’y découvre avec une joie enfantine des noms aussi bizarres que lointains : Les Empire Allemand, Russe, Chinois, Austro-hongrois, l’Indochine, l’AOF, l’AEF…
Avec ce Larousse, j’ai non-seulement l’impression de voyager dans l’espace, mais aussi dans le temps. C’était génial !
Finalement, c’est en regardant à Aviation que j’ai eue ma réponse. En effet, le dernier modèle présenté était le monoplan Blériot qui datait de 1913… Le mystère était donc résolu. J’avais donc entre les mains l’édition d 1913 du Larousse pour tous !
Je ne vous cache pas que ces deux tomes sont pour moi les deux bouquins les plus précieux de ma bibliothèque… Je ne les lis pas souvent, un peu comme si je voulais économiser mon plaisir, mais à chaque fois que je le fais, je voyage.
Je voyage, comme je vous l’ai déjà dit, dans le temps et l’espace. J’ai sous les yeux la preuve évidente que la connaissance est une chose en perpétuelle évolution. Que bien finaud serait celui qui peut dire de quoi demain sera fait…

A la page 250 du deuxième tome, alors que la lettre R magnifiquement ornée annonce les définitions des mots commençants par elle, un énigmatique feuillet violet plié en deux me laisse perplexe. Il s’agit d’un plan tracé au crayon noir, indiquant comment se rendre de Grenoble à Aix les Bains par le tramway, le train et la route… l’écriture est soignée, bien qu’apparemment malaisée. Je me demande pourquoi la lettre R…
J’aime ce dictionnaire. J’aime voyager avec lui, dans lui, à travers lui. Il me fait rêver…
Voilà ! J’ai fini ! Je voulais vous parler de ce livre parce que je l’aime, et je voulais que vous l’aimiez vous aussi. Oh, peut-être pas exactement celui-là, mais en tous cas que vous sachiez apprécier les mystères et les enseignements qui résident parfois dans les vieux bouquins tout défraichis qui sentent le moisi… Ils sont beaux ces bouquins. Beaux et riches à la fois.