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jeudi 6 mai 2010

Quand le MEDEF fait la loi

Vous vous souvenez tous de cet article que j’avais écris il y a deux ans, presque jour pour jour, relatif à ce que j’appelais Le salaire de l’exil ?
Mais si ! Souvenez-vous ! Il s’agissait de cette proposition carrément indécente qu’une entreprise d’informatique, via les services de l’ex-ANPE, s’était permise de faire auprès de ses salariés : Un poste d’informaticien débutant à 159 € par mois ?

Ça-y-est, vous vous rappelez ? Parfait...

Bon, depuis cette époque, ce genre d’insanité n’étonne plus personne. On ne compte plus le nombre d’entreprises qui délocalisent et se voient « obligées » de proposer un reclassement dans un pays étranger à ses futurs-ex-employés. C’est la loi, qu’ils disent pour se justifier.
Oui, effectivement c’est la loi. Ou plutôt, si on veut être plus précis, un effet pervers de la loi qui, s’il part d’un bon sentiment, met surtout en lumière le cynisme des patrons.

Au final donc, on se retrouve avec une obligation légale qui a deux effets indésirables : Insulter les salariés et faire de la mauvaise presse au patronat.

Il fallait donc changer dare-dare cette loi débile aux effets si pervers.

Aussi, un député, en l’occurrence François SAUVADET du Nouveau-Centre (Arf !), a déposé en mai 2009 un projet d’amendement à la loi, histoire de supprimer du code du travail cette obligation ubuesque. Amendement qui fut voté en juin de la même année par les députés et hier par les sénateurs.
C’est bon ? Jusque-là vous suivez ?
Bien...

Que dit cet amendement

Le code du travail est ainsi modifié :
1° La première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 1233-4 est complétée par les mots : « assorti d'une rémunération équivalente » ;

2° Après l'article L. 1233-4, il est inséré un article L. 1233 4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1233-4-1. – Lorsque l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l'employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s'il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation.

« Le salarié manifeste son accord, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l'employeur. L'absence de réponse vaut refus.

« Les offres de reclassement hors du territoire national, qui sont écrites et précises, ne sont adressées qu'au salarié ayant accepté d'en recevoir et compte tenu des restrictions qu'il a pu exprimer. Le salarié reste libre de refuser ces offres. Le salarié auquel aucune offre n'est adressée est informé de l'absence d'offres correspondant à celles qu'il a accepté de recevoir. »

Bon, le 1° s’ajoute donc à l’article préexistant qui disait : « Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. »
A première vue, l’ajout me semble explicite et va dans le sens des salariés. Il indique donc que l’offre de reclassement doit être équivalente à ce que le salarié faisait avant, aussi bien en termes de qualification que de rémunération.

Vous me direz qu’on aurait pu s’arrêter là... Et bien non ! Il a fallu qu’un petit malin, sans doute appointé par le MEDEF, se croit obligé de rajouter un alinéa qui pour le coup vide complètement de son sens l’ensemble de l’article.
En effet, si on lit bien cet alinéa si joliment intitulé L. 1233 4-1, on remarque que le cas de l’entreprise qui délocalise y est pris en considération. Ok, mais ensuite que lit-on ?

« L'employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s'il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. »

En clair et pour traduire ce langage juridique, cette phrase ne dit rien de moins que dans le cas ou l’entreprise possède des succursales à l’étranger, l’employé a le choix d’accepter, ou pas, de se voir proposer des postes dans ces pays... Mais que s’il accepte ces offres de postes, il accepte aussi les salaires locaux qui vont avec...

En encore plus clair, ce n’est plus le patron qui encule le salarié, c’est le salarié qui décide si oui ou non, il accepte de se faire enculé.

C’est beau la liberté, hein ?

Il ne reste plus qu’un petit vote à l’Assemblé Nationale et cette loi scélérate sera définitivement adoptée. Ce qui devrait être fait avant l’été.

Bon, l’avantage, c’est que dorénavant on ne devrait plus voir le grouillot s’offusquer dans les médias devant une offre de reclassement à pétaouchnoque payée avec un lance-pierre. Il ne pourra plus râler car dans les faits, c’est lui qui aura demandé ces propositions...

Sont futés au MEDEF quand-même...