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samedi 24 janvier 2009

Mainmise sur la presse

Tout le monde se souvient des vœux à la presse présentés par Nicolas Sarkozy en 2008. Mais oui ! Rappelez-vous ! Nous étions encore dans la période bling-bling, les réformes n’étaient pas encore tout à fait lancées, et la préoccupation première du public était de savoir si notre PGE allait convoler en juste noce avec la Bruni de service… Laurent Joffrin évoquant la monarchie élective de Sarko s’était fait étrillé sous les ricanements de ses collègues, sans possibilité de se défendre. On annonçait la suppression de la pub sur le service public… C’était il y a un an. C’était il y a un siècle…

Le fait est que l’arrogance présidentielle fit tellement de bruit que son entourage décida de ne pas renouveler l’expérience… Donc cette année, pas de vœux à la presse, pas de jeu question-réponse, la presse est dorénavant une ennemie qu’il convient de contrôler.
D’ailleurs la presse, et la presse écrite plus particulièrement, va mal. Les tirages s’amenuisent, les pertes s’accumulent, et notre Président Glorieusement Elu a décidé qu’il convenait de réorganiser tout ça. Pour ce faire il confia en octobre à la controversée Emmanuelle Mignon, la rédaction d’un Livre Vert des États Généraux de la Presse Écrite. Notre président, se trouvait donc hier devant un parterre de journalistes muets, pour rendre compte des travaux de ces États Généraux et de ce fameux Livre Vert.

Pourquoi vert ? Je ne sais pas. D’habitude on parle de livre Blanc quand il s’agit de faire un état des lieux de quelque-chose, mais là, il est vert. La rupture, même dans les codes couleurs, ça c’est notre Président à nous !

Dès le début de son discours, Sarkozy commence fort, en balançant un direct du droit dans la bouche des journalistes présents : « Si vous le permettez, je ne prononcerais pas la formule rituelle « chers amis » pour maintenir l’indépendance de chacun, et qu’il n’y est pas d’ambigüité… ». Léger brouhaha dans la salle, tellement léger qu’on ne saurait dire si l’ironie du propos est appréciée ou encaissée, mais il n’empêche que ça commence bien !

Sarko justifie alors l’intervention de l'État dans le domaine de la presse. Avec ces 100 000 salariés, la presse écrite est un secteur économique et il est légitime pour l'État de s’en mêler comme il se mêle du secteur automobile…
Pour le Président une presse se doit d’être avant tout indépendante… Ah ça ! Qu’est-ce qu’on va l’entendre ce mot ! Ce qui montre bien que Sarko a parfaitement comprit que c’est là une des principales préoccupations de son public. Car, à force, on le connait le Sarko ! C’est donc un peu légitime que l’on s’inquiète lorsqu’il décide de mettre son nez dans le moteur de la démocratie. Sauf que, comme vous le verrez, son approche de la conception d’indépendance est quelque peu différente…
Car pour notre PGE, la première condition de l’indépendance et de la pluralité, c’est bien la viabilité financière. Face à « l’effondrement des perspectives publicitaires pour 2009 », la presse française est en mauvais état certes, mais elle est également minée par une structure désuète qu’il convient de réformer.
Pour l’établissement de cette réforme, et bien le gouvernement va mettre sur la table, quelques 600 millions d’Euros sur trois ans. Les mauvais esprits pourraient bien sûr se demander d’où peut bien sortir cet argent, mais comme je n’en suis pas un, je ne me poserais donc pas ce genre de question…

Alors, qu’est-ce qui va se passer ? Et bien, mes chers amis, le Livre Vert sort la grosse artillerie et arrose tous les pans de l’économie liée au journalisme.
Je vous livre ça en vrac, brut de décoffrage :
Et ça commence bien sûr par la nouvelle économie numérique. Les sites d’information sur internet se verront dotés d’un statut d’éditeurs de presse en ligne, accompagné d’une exonération de taxes professionnelles et d’une réduction de la TVA de 19,6 à 2,1%, comme pour la presse écrite (c’est La TéléLibre qui va être contente !).
Le régime des droits d’auteur sera modifié et non-plus accès sur un support unique, mais plutôt sur un temps d’exploitation. On parle de 24 heures pour l’instant, mais cela reste encore à préciser…
Les entreprises de portage se verront exemptées de charges patronales et l’emploi des étudiants et des retraités sera encouragé et facilité. Les points de vente auront un « paquet » d’aide à la modernisation soit environ 4000 Euros par points. Les imprimeries de presse devront être modernisées et rationalisées… Le sureffectif qui est le leur, supprimé. (Ouille !)
Un abonnement gratuit sera offert aux jeunes de 18 ans à un journal de la presse écrite pendant une année, pour les habituer à lire… (Mouais… Ça c’est limite démago !)

Notre petit Naboléon insiste bien sur le fait que la presse n’est pas assez rentable. Elle n’attire donc pas les investisseurs autres que les mécènes. Il faut donc augmenter la rentabilité pour attirer les investisseurs… Pour cela, toujours d’après le petit Nicolas, il convient de mettre en place un code de déontologie et une charte éditoriale.
Si vous le voulez bien, on va s’arrêter deux minutes et examiner un peu cette dernière proposition. Vous vous demandez certainement quel rapport il peut y avoir entre la rentabilité et la déontologie ? Et pourtant, même si cela ne saute pas aux yeux du non-initié, je peux vous dire que dans la logique Sarkozienne, le rapport existe bel et bien. Une charte éditoriale est, toujours d’après notre Président Omniscient, un engagement nécessaire qui doit lier la rédaction d’un journal avec son éditeur. Il est indispensable que l’éditeur, comprenez l’actionnaire, ait un droit de regard sur le contenu rédactionnel… « Sinon, comment voulez-vous attirer des investisseurs ? » S’interroge Sarkozy. « C’est une question de confiance et de bon sens ».
Quid de l’indépendance de la rédaction et donc du journaliste ? Ça, il n’en parle pas, puisque l’indépendance, on vous l’a déjà dit, se situe au niveau de l’équilibre financier, et pas ailleurs. Vu ?

Nicolas Sarkozy conclu enfin son discours en faisant un parallèle douteux don-il s’excuse lui-même : Pour lui, une presse se doit d’être puissante à l’image des partis politiques, et de s’adresser au plus grand nombre. « Ce qui évite de s’adresser à des lectorats de plus en plus fermés, repliés, petits, et qui finit par concerner tellement peu de monde… ».

Bien-bien-bien… Je ne vais pas prétendre vouloir vous expliquer les tenants et les aboutissants de chacune de ces propositions (n’oubliez pas qu’en Sarkoland, proposition fait loi). Non, je ne suis pas assez calé pour ça. D’autres seraient à même de le faire, et je pense notamment à une ou deux amies lectrices dont la chose journalistique n’est pas inconnue (Monique, Cécile D, votre avis sur la question serait le bienvenu !). Particulièrement en ce qui concerne les questions de portage, de distribution, de gestion des invendus, dont je ne comprends goutte, si ce n’est que ça a certainement un rapport avec le fait que mon Tabac-Presse en bas de chez moi ne vende pas l’Humanité…

Non, sur ces questions là, je préfère me taire. Par contre, en ce qui concerne le fond du travail journalistique et sur la presse en ligne, je crois pouvoir m’autoriser à ouvrir ma bouche.
La presse en ligne, c’est mon pain quotidien. Sans elle, ce blog n’existerait pas. Sans elle, je serais contraint de me contenter des avis édulcorés fournis par une télévision, ou une radio, empêtrée dans des formats régis par la publicité. Sans elle, je deviendrais un citoyen sous-informé, et par là même, un citoyen manipulable. Ce que je me refuse de devenir, bien évidemment.

Bon, on ne va pas se leurrer, nous savons bien que les propriétaires de journaux ont toujours plus ou moins eus la mainmise sur leur personnel, et donc sur le contenu rédactionnel. Ainsi, si demain une quelconque entreprise de maçonnerie, ou encore un groupe gérant des fonds de pensions américains, décide de racheter un journal, on retrouvera bien vite dans ses colonnes des avis étonnamment conformes aux idées dudit maçon, ou desdits retraités… On le sait, mais que voulez-vous, c’est ainsi. C’est la loi du marché et tous les acteurs économiques doivent s’y conformer.
Sauf que, dans ce milieu ultralibéral de l’investissement. Les acteurs ont tous une même idée de monde et de sa façon de fonctionner… Et là, franchement, je ne vois plus trop ou se trouve le respect de la pluralité et de l’indépendance des médias.
Pour Sarkozy le mécénat c’est bien gentil, mais ce qu’il veut voir à la tête des journaux se sont des investisseurs, et des rédactions assujetties à ces mêmes investisseurs. Et moi je crois que cela ne serait pas bon pour la démocratie que tous nos journaux soient dirigés par les mêmes personnes soucieuses de leurs investissements.
L’information, garante de notre démocratie et de nos libertés, serait par trop uniforme et encline à peser dans le sens qui lui convient le mieux. C'est-à-dire dans le sens du consensus public, le sens de l’état.

Voilà. Pour le reste, ma foi, je vous laisse juge. Mais concernant ce point précis, je peux vous dire que les choses s’annoncent mal.

Pour finir, je vous dirais que contrairement à ce que l’on pourrait penser, la presse dont on vient longuement d’évoquer le sort, fait peut écho de ce discours. Le Monde.fr fait état de quelques réactions syndicales hostiles aux propositions du président. Libération.fr retient essentiellement l’abonnement offert aux jeunes de 18 ans, et enfin, Le Figaro.fr insiste sur les moyens mis en œuvre… Aucun de ces médias ne se pose les questions que je me suis posé. Ce qui me laisse à penser que : Soit je perds la tête et je vois des conspirations Sarkoziennes partout. Soit, qu’ils ont autre chose de plus important à traiter…

Allez ! Bon week-end !