
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça fait beaucoup… En plus je suis sûr que ce sont des personnes avec un emploi du temps hyper-chargé, et qui ont certainement plein de choses importantes à faire… Donc, vous en conviendrez avec moi, on ne réunit pas le Parlement n’importe où, ni pour n’importe qu’elle raison.
Et effectivement ce n’est pas n’importe où que le Parlement se réunit, mais à Versailles. Versailles mes amis ! Vous vous rendez compte ? Versailles ! Symbole éternel de la puissance gouvernementale française ! Ça a tout de même de la gueule, non ?

Résultat des courses, quelques années plus tard s’élevait dans ce qui n’était précédemment qu’un marais tout pourri, la splendeur architecturale que l’on connait maintenant.
Le château de Versailles ne fut pas qu’une simple résidence royale. Idéalement situé, ni trop loin, ni trop près de Paris, au cas où il prendrait l’idée au bon peuple de se révolter, il permettait à Sa Majesté de garder un œil sur ses courtisans. Louis XIV avait compris que c’est en gardant ses ennemis au plus près de sa personne qu’il pouvait le mieux les contrôler. Muselée par le gîte, le couvert et les divertissements, la noblesse se taisait et ne vivait que pour s’attirer grâces et disgrâces. Pas fou le Louis !
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Versailles, c’était le bling-bling du XVIIème siècle.
Plus tard, le petit fils du grand Louis XIV, Louis le Seizième, décida qu’il serait bel et bon que le parlement siégea au château… A l’époque, le souverain avait encore sa tête et souhaitait, comme son illustre papy, que la noblesse, le clergé et le tiers-état siégeassent près de lui. Mais, cela ne dura pas… Le roi perdit sa tête, et Versailles ne servit donc plus. En plus, la République devait logiquement gouverner par le peuple et pour le peuple, et c’est donc près de lui que ces députés s’installèrent.
Bien des années plus tard, en 1958, on décida que le Versailles devait de nouveau servir aux élus de la république. La cinquième république commençait, et dans ses statuts il était prévu que les deux chambres puissent se réunir de manière solennelle et exceptionnelle afin d’entériner les choses importantes. Comme ratifier un traité par exemple (ce qu’elle n’a encore jamais fait), ou bien voter et signer une révision de la constitution française… Une révision de la constitution française, voilà bien une chose importante.
Ben oui, il s’agit-là de toucher au fondement même de ce qui fait notre république, et ç’est pas rien quand même !

Cette loi de « modernisation », voulue par Nicolas Sarkozy, prétendait revaloriser le rôle du Parlement et augmenter le contrôle de l'exécutif par le législatif… Mouais. Si vous avez envie de vérifier cette prétention, n’hésitez pas à décortiquer le texte que je vous ai joint et vous me direz ce qu’il en est.
Je vous signale quand-même au passage que cette révision de la constitution donne au président de la France des pouvoirs assez particuliers. Comme par exemple celui de nommer lui-même les patrons de l’audio-visuel public… Ou bien encore la possibilité de ne pas passer par la voie référendaire pour tout élargissement de l’Europe…Mais bon, glissons…
Pour ma part, et parce que c’est l’objet du présent article, je ne retiendrais que l’article 8 de la loi qui modifie l’article 18 de la constitution :
« Le Président de la République communique avec les deux Assemblées du Parlement par des messages qu'il fait lire et qui ne donnent lieu à aucun débat.
Il peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès. Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l'objet d'aucun vote.
Hors session, les assemblées parlementaires sont réunies spécialement à cet effet. »
C’est donc en vertu de cet article que le 22 juin, Nicolas Sarkozy s’exprimera devant le Parlement.
Il s’exprimera, oui, mais pour y dire quoi ? Et bien, d’après le communiqué transmis par l’Elysée, il s’agit de nous exposer les orientations futures en matière de politique européenne et de politique intérieure…

Sauf que, à la différence des États-Unis notre président ne va pas s’exprimer devant un public capable de le destituer. Et là, vous m’excuserez, mais ça fait une sacrée différence.
Le fait de présenter un projet politique devant les représentants du peuple n’est pas forcément condamnable en soi. Même si on peut dire que c’est une coutume anglo-saxonne dérivée du discours du Trône que le souverain présente chaque année devant le parlement (Thomas Jefferson refusa en son temps de se plier à la coutume pour cette raison), on peut imaginer qu’il réside dans cet exercice une espèce de mise en danger démocratique... Puisque le projet énoncé est alors soumis au vote des représentants. Mais dans le sujet qui nous préoccupe, dans cette adaptation Sarkozienne de la constitution américaine, la mise en danger vous pouvez toujours la chercher puisque le discours du PGE sera certes débattu, mais en aucun cas soumis à un quelconque vote. Le Président annonce, s’en va et point barre. Les députés auront l’occasion de faire des déclarations (10 mn par groupe), mais c’est tout.

A mon sens, Le discours à venir ne sera, ni plus ni moins, que la démonstration d’un pouvoir autocratique. Il n’aura pour seul but que d’énoncer devant les élus le fait du Prince, et ce, via une retransmission médiatique ad hoc. La France entière pourra alors constater que c’est le Président qui commande, que sa parole n’est pas sujette à discussion, et que c’est comme ça. Et pis c’est tout !
Alors bien sûr vous pourrez me rétorquer que c’est la loi, et que celle-ci a été voté à la majorité du parlement, que c’est ça la démocratie, etc…
Dans ce cas là, je vous répondrais que l’on est pas obligé pour autant d’accepter quelque-chose qui ne nous plait pas sous prétexte que la majorité l’a décidé, et que c’est aussi ça la démocratie. (Na !)
Et c’est en gros le débat qui a agité l’ensemble de la classe politique d’opposition ces temps-ci. Les Communistes et les Verts ont d’emblé déclaré qu’ils ne se prêteraient pas à cette mascarade. Pour les Parti Socialiste ça a été un peu plus compliqué comme on peut s’en douter… Sur la blogosphère le débat a fait rage, qui appelant au boycott, qui préférant jouer le jeu mais n’excluant pas de marquer le coup par une attitude explicite… Bref, au bout de quelques jours d’âpres discussions, les socialistes se rendront à Versailles mais ne participeront pas au débat.
L’argument développé par le PS pour justifier sa présence au Congrès, est de dire qu’avec la raclée qu’ils se sont prise il y a quinze jours, ils ne sont pas en position pour la ramener…
Moi je dis : Foutaise !
Il s’agit là d’une attitude molle comme on en a désormais l’habitude avec les socialistes. D’ailleurs, je pense que l’on ne pouvait attendre mieux de la part de gens qui dès le lendemain des européennes ont repris à leur compte le rejet de « l’anti-sarkozysme primaire ». Par ce refus de se positionner clairement dans l’opposition de gauche, le PS étale encore une fois ses ambigüités.

Que Nicolas Sarkozy fasse son discours devant une salle à moitié vide, voilà qui aurait eu de la gueule ! Au moins autant que la galerie des glaces du château de Versailles…