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vendredi 11 septembre 2009

De l’inégalité des valeurs

Cela fait un bout de temps que j’évite le sujet, me contentant de quelques commentaires jetés ici ou là sur des sites et des blogs, qui eux ont eu le courage de l’aborder ou, tout du moins de poser la question.
Je veux parler bien sûr du port de la burqa, ou du niqab ou de toute autre manifestation vestimentaire musulmane au sein de notre société.
Oui, je me permets de citer nommément la religion impliquée dans cette polémique, car il s’agit bien d’elle et d’elle seule. Il est important, je pense, d’appeler un chat, un chat dès le début. Comme ça, au moins, les choses sont claires pour tout le monde.

Pourquoi je vous parle de courage lorsqu’il s’agit d’aborder le sujet des voiles musulmans (car il y en a plusieurs), et bien parce que lorsque l’on est comme moi, de gauche, la tolérance et sensée être une vertu cardinale. Et c’est bien là que réside la difficulté, car lorsque l’homme ou la femme de gauche est confronté à un problème lié au « vivre ensemble », cette vertu cardinale est sensée s’appliquer, et ce quelque soit le cas de figure.

De même, prendre le parti de dénoncer les abus d’une culture n’est pas chose facile non-plus. Car oser agir de la sorte, c’est se voir immédiatement accuser de racisme, de xénophobie et autres infamies.

Depuis une certaine époque, que je situerais dans les années quatre-vingt, porter un jugement sur une culture est chose particulièrement malvenue, voir impossible et ce au nom d’une je ne sais qu’elle prétendue égalité culturelle. Qui sommes nous pour juger les pratiques culturelles de tel ou tel pays ? Voilà ce que j’ai entendu dans ces années-là, et j’avoue que ce précepte m’a longuement marqué.
A l’époque, pour moi, l’argument prenait un sens. Mais les choses ont quelque peu changées depuis. La mondialisation, la globalisation, l’augmentation du fossé qui sépare le nord et le sud de la planète, ont accentués le brassage des populations, plus surement qu’une guerre ou qu’une famine. Ainsi la France, terre d’asile des opprimés politiques du monde entier est devenu également un but à atteindre pour d’autres forme d’opprimés. Les opprimés économiques.
La différence est d’importance. Car en effet, lorsque l’on émigre vers un pays dont les valeurs nous parlent, c’est dans le but de se les approprier et ainsi de vivre à travers elles. Par contre, dans le cas d’une émigration économique, les valeurs d’un pays passent au second plan devant la motivation première qui est le niveau de vie.
Je ne dis pas que c’est la raison des problèmes d’intégration que nous rencontrons en ce moment, mais ce peut être un début d’explication…

Prétendre que chaque culture se vaut est chose facile si chacun reste chez soi et/ou ne fréquente l’autre que dans le cadre de brefs séjours. Lorsqu’il s’agit de vivre ensemble (je dis bien ensemble, et non-pas l’un à côté de l’autre), les choses sont un peu plus compliquées et forcément, à un moment ou à un autre, les valeurs propres à chaque culture vont se trouver confrontées. Et c’est exactement ce qui arrive en ce moment dans notre pays à propos du port du voile.

A mon sens, il convient d’arrêter de porter une espèce de non-jugement culturel sur certains us et traditions, et de revenir à une véritable appréciation politique (*). Je m’explique :

Le jugement culturel est forcément neutre. Il oblige celui qui le pratique à ne jamais prendre réellement parti pour l’une ou pour l’autre des cultures qu’il côtoie sous prétexte de la liberté que chacun a de vivre comme il l’entend et de pratiquer la religion qu’il désire. Sur le fond, je pense que tout le monde ne peut être que d’accord avec ce genre de principe. Cependant, ce principe ne fonctionne en réalité qu’en surface, et perd tout son sens lorsqu’il s’agit de réellement approfondir la relation que l’on a avec la culture en question. En clair, à un moment ou à un autre, il y aura forcément quelques-chose que vous ne pourrez supporter dans la culture de l’autre, ou que vous ne pourrez plus tolérer, et ce qu’elle que soit votre souplesse d’esprit.
Ainsi une société qui interdit à la femme de conduire, de montrer son visage, de parler avec d’autres hommes, de voter, etc, ne revêt si l’on se contente d’un jugement culturel, aucune particularité par rapport à la notre. Cette société et la notre sont du même niveau. Elles sont égales.

D’un point de vue politique, les choses sont différentes. Porter un jugement politique, c’est dire par exemple qu’une société qui décrète l’égalité de l’homme et de la femme c’est une société meilleure que celle qui ne la décrète pas. Le jugement politique implique des valeurs, et parmi ces valeurs, comme pour les valeurs numériques, certaines sont supérieures à d’autres. Il n’y a rien de présomptueux là-dedans. Seulement de la logique et de la continuité dans le jugement.

En ce qui me concerne, je pense qu’il est maintenant nécessaire que le jugement culturel cède le pas à un jugement politique courageux. La France, la société française si vous préférez, détient des valeurs qui lui sont propres. Ces valeurs, vous les connaissez comme moi, ce sont la liberté, l’égalité et la fraternité. Et le ciment qui permet à ces valeurs de s’exprimer, c’est la laïcité.

A travers le filtre de ces valeurs, il n’est pas monstrueux de dire qu’un pays, en l’occurrence le notre, où une femme peut voter est supérieur à un pays où la femme n’a pas le droit de vote. Une société qui a abolit la peine de mort est une société supérieure à celles qui la pratiquent encore. De même, un pays qui respecte les droits de l’homme est un pays supérieur moralement à un pays qui ne les respecte pas. Une société démocratique est supérieure à une dictature. Et enfin, un pays laïc est supérieur à un pays qui ne l’est pas.
J’emploie le mot « supérieur » à dessein, pour que vous compreniez que les valeurs humaines universelles sont repérables sur une échelle et que celles-ci ne se valent pas. On pourrait tout aussi bien ramener le sujet à sa plus simple expression en disant tout simplement que ceci est bien, ou que cela est mal. C’est du même ordre.

Alors bien sûr, il n’est pas question de retomber dans les travers qui furent ceux de notre société occidentale, qui en usant d’un sentiment de supériorité similaire s’est permis de vouloir l’imposer aux autres aux travers du biais malfaisant de la colonisation. A mon sens, vouloir imposer son modèle culturel, c’est à coup sûr perdre des points sur l’échelle des valeurs universelles. Bien au contraire, plus une société progresse sur cette échelle, plus elle se doit d’être humble et se contenter d’être seulement responsable.

Bien évidemment, j’entends déjà les reproches que cette conception des choses risque de me valoir. Parmi ceux-ci il y aura sans doute en bonne place le fait que notre société n’est pas exempte d’injustices, de discriminations, et que nous ferions mieux de balayer devant notre porte avant que de vouloir donner des leçons aux autres.
Moi je dis que ce genre d’argument n’est ni plus ni moins que de la foutaise, et ne sert qu’à détourner l’attention.

Bien sûr que notre société n’est pas parfaite. Mais ce fait ne doit en aucun cas nous culpabiliser et nous empêcher de dire aux autres, que ce qu’ils font est mal.
En cultivant cette culpabilité nous ne faisons que nous comporter comme ceux qui se contentent de jugements culturels, nous nous complaisons dans l’immobilisme.

Ainsi, compte tenu de tout ce que je viens de vous dire, vous comprendrez que je ne peux en aucun cas accepter qu’une partie de la population de la société dans laquelle je vie, revendique le « droit » de porter des signes religieux éminemment rétrogrades.
Et le voile, à fortiori le voile intégral comme la burqa ou le niqab, est éminemment rétrograde.
Cacher la femme sous prétexte que celle-ci peut être source de tentations pour la gente masculine. C’est rétrograde.
Pire encore, c’est une insulte faite aux femmes.

Pour finir je voudrais revenir sur le sens du mot tolérance. Ce mot tant entendu dans ma jeunesse, et qui fut mon credo pendant des années.
La tolérance c’est l’acceptation de quelque-chose bien que celle-ci ne soit pas conforme au règlement, au statut, à la loi… (Larousse).

S’il y a une chose que j’ai compris en menant la réflexion nécessaire à ce billet, c’est que la tolérance est une vertu certes. Mais celle-ci doit avoir obligatoirement une limite sous peine de devenir un défaut majeur.

(*) Voir pourquoi ici.