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lundi 7 septembre 2009

Une matinée de rêve

Certains le savent déjà, d’autres pas encore, mais ma passion à moi, ma maitresse cachée, mon désir secret, c’est la voile.
J’aime la voile comme moyen de locomotion, J’aime le bateau comme lieu de vie. J’aime l’atmosphère des pontons tôt le matin. J’aime le son rassurant des clapotis de l’eau sur la coque. J’aime être dans les bras de la mer pour qu’elle me berce…
Alors bien sûr, à cause de ma patte folle et de la situation qui en découle, je n’ai pas eu l’occasion depuis quatre ans de mettre les pieds sur un pont. Et ça me manque. Oh oui, ça me manque. Et, putain de merde, si vous saviez combien ce manque fait mal…

Alors, en attendant que je ne sais qui fasse je ne sais quoi, je grappille de ci delà quelques moments par procuration.
Aussi, lorsque j’ai appris que les participants à la Istanbul Europa Race faisaient leur première escale à Nice aujourd’hui, je me suis dit que je ne pouvais laisser passer une occasion pareille. Qu’importe le handicape, qu’importe la douleur, il fallait que je les vois. Il fallait que je contemple de près ces bateaux de légende, ces machines à faire le tour de la planète.

Je suis donc parti dès huit heures trente du mat’ et j’ai pris le 10 pour aller jusqu’au port. Arrivé sur la place de l’île de beauté, de loin je devine quelques mâts qui semblent différents des autres mais pour l’instant ils sont trop loin. Il faut encore que je marche, que j’aille au bout du quai, tout au bout près des NGV pour la Corse…
En me rapprochant, j’aperçois maintenant les oriflammes qui pavoisent le long des haubans.
Les mâts dépassent largement le sommet des tentes du village d’arrivée qui m’empêche encore de pouvoir distinguer les bateaux. Soudain, des barrières et des vigiles me font craindre que l’accès au ponton soit réglementé. Mais non, je passe sans encombre et je m’avance entre deux stands encore fermés.
Plus que quelques mètres… Et au détour d’une tente, je les vois. Ils sont là. Devant moi, le cul collé au quai. J’ai leur cœur qui bat la chamade et des frissons qui me courent le long de l’échine… Le quai est pratiquement désert et j’en viens même à me demander si j’ai tout à fais le droit d’être ici. Apparemment oui, puisqu’un vieillard, confrère de canne à marcher, déambule sur le bord.
Je m’approche encore. J’ai réellement la chair de poule et je sens sur mon visage un large sourire qui s’affiche. J’en ai la bouche ouverte tellement je suis heureux. Ils sont là…
Bêtes de courses au repos venues de la lointaine Byzance. Nefs de technologie, tellement de fois admirées par la lucarne étroite de mon écran. Brillantes montures de résines et d’acier enfin… Là devant mes yeux. Je pourrais, si je le voulais, les toucher du bout de ma canne…
Je sors alors mon APN et je commence à mitrailler. J’essaye de fixer dans ma carte mémoire le maximum des merveilles qui s’offrent à moi.

Ils sont cinq. Cinq bateaux sur les six du départ. Le dernier Marc Thiercelin sur DCNS s’est fait coincé dans la pétole et ne doit rallier Nice qu‘en début d’après-midi.
Sur les coques brillantes, je déchiffre des noms prestigieux : 1876 (ex-Estrella) le bateau de l’espagnol Guillermo Altadill, vainqueur de l’étape. Paprec Virbac 2 du niçois Jean-Pierre Dick. Groupe Bel barré par Kito de Pavant. Véolia avec à son bord le souriant Roland Jourdain. Et enfin, last but not least, Foncia, vainqueur du Vendée-Globe 2009 avec le beaucoup moins souriant Michel Desjoyaux.
Tous ces bateaux sont des monstres. Non-pas par la taille, car après tout ils ne font que 18 mètres, mais ce sont des monstres de compromis. Compromis entre la performance et la robustesse. Entre l’habitabilité et la manœuvrabilité… Ces bateaux sont faits pour faire le tour du monde sans escale. Ils se doivent de mener leur skipper à bon port, vite certes, mais avant tout en sécurité.
Compromis également dans le design de leur forme. Une étrave élevée profilée pour trancher la vague comme des lames de rasoir. Un arrière généreusement ouvert et bas sur l’eau, pour stabiliser le portant… Ils sont beaux.
Mon regard s’attarde sur l’accastillage des ponts. J’essaye de deviner à quoi peu bien servir tout ce que je découvre. Des winchs gros comme des gentes de voiture, des bouts à n’en plus finir. Des excroissances mystérieuses… Je donnerais cher pour pouvoir monter à bord pour jeter un œil au matériel de navigation… Ordinateur de bord, radar, routeur, j’imagine tous ces appareils en me disant que de toute façon je ne saurais probablement pas me servir de la moitié… D’ailleurs il y a des tas de choses sur les ponts dont je n’ai absolument aucune idée de ce à quoi elles peuvent bien servir. J’en suis réduit aux conjectures, et ça me rappelle que je ne suis qu’un piètre marin…

Soudain, du coin de l’œil j’avise une tronche connue. Non, c’est pas possible, c’est lui ! Miche-Desj’ là, à deux pas de moi en train de discuter avec un type ! De nouveau je sens ce frisson qui me saisit alors que je cherche à faire la bonne photo. Ma curiosité de gamin, se voit alors récompensée par un regard noir qui pour le coup lui aussi me fit frissonner, mais pas de la même manière ! Je me dis que ce type doit ne pas être facile comme patron de bord…

Peu à peu, le quai s’anime. Les sportifs du matin sont remplacés par les touristes, puis par ce qui ressemble fort à des invités promotionnels. Le badge qui va bien accrocher au revers du chemisier de marque, drivé par des hôtesses à l’allure peu marine, ces gens là me gênent. Ils me gênent, non seulement parce qu’ils n’arrêtent pas de se mettre dans mon champs, mais aussi parce qu’ils puent le fric à plein nez.
Eux auront le droit de monter à bord. En effet, les participants doivent régater amicalement devant l’entrée du port pour la joie des spectateurs, mais aussi pour le plaisir de quelques invités prestigieux. Je suis jaloux. Je les envie. Je suis sûr qu’ils n’apprécieront pas cette chance qui leur est offerte comme je l’apprécierai moi… Je sais, c’est mesquin. Mais c’est ainsi.

La régate « promène-couillons » ne va pas tarder à partir et déjà Paprec Vibrac sort du port. Sur 1876 on charge quelques voiles d’avant à l’aide de l’écoute de grand-voile pour les ranger dans la soute avant… Je souris, en pensant à celles que j’ai pu porter à dos d’homme… On est quand même à un autre niveau ici !

Kito de Pavant répond à un journaliste dans le cockpit de son bateau. De tous les grands marins que je reconnais maintenant, c’est probablement lui qui participa le plus à la mise en œuvre de son bateau avant le départ. A l’inverse, Desjoyaux ne bondit sur la jupe arrière de Foncia, que trente seconde avant que l’amarre ne soit larguée. Privilège des rois sans doute…

Soudain, alors que décortiquais Foncia du regard, je remarque en arrière plan un énorme yacht au nom familier. Le Ponant. Aussitôt je repense à l’actualité qui fit connaitre ce bateau de luxe… Je repense aussi au Tanit à Chloé et à Colin, et je me dis que y’en a qui ont plus de chances que d’autres…

Sur le quai, un immense sourire sur le visage Roland Jourdain fait sa com’. On dirait qu’il apprécie cet exercice. En tout cas la mamie avec qui il cause à l’air aux anges. D’emblée ce petit bonhomme m’apparait sympathique. Il respire la joie de vivre, et lorsque je le vois qui s’éloigne tenant la barre franche de son voilier, je me dis que de dos et de loin, ça pourrait être moi. (Je sais, c’est très con…)

A bord de 1876, j’aperçois une longue silhouette qui elle aussi me rappelle quelque-chose… Je m’approche et je fouille dans ma mémoire pour remettre un nom sur ce visage familier. En vain. Heureusement la voix du speaker me renseigne alors. C’est l’illustre Marc Pajot qui vient rendre visite à son copain espagnol !

Ça-y-est, c’est le départ. Tour à tour les beaux bateaux quittent le quai pour se tirer la bourre dans la baie des anges. Et DCNS n’est toujours pas là… Moi, je me tâte un instant pour savoir si je vais avoir le courage de me rendre au bout de la jetée pour les regarder. C’est qu’elle est loin cette putain de jetée… Non, je commence vraiment à déguster. Il est temps que je rentre.

En bas de mon boulevard, à la faveur d’un changement de bus, je marche cependant jusqu’à la promenade des Anglais pour jeter un dernier regard à ces magnifiques voiliers. Je les distingue tirant des bords dans un mouchoir de poche.
Au loin, j’aperçois une voile. C’est lui, Marc Thiercelin. Il arrive enfin.
J’imagine qu’il va rentrer directement au port, car demain il leur faudra à tous repartir en direction de Barcelone.
Une nuit pour reprendre des forces et refaire le plein de vivres. Pour moi aussi il est temps de rentrer chez moi pour faire le plein. J’ai faim et j’ai mal. Déjà dans le bus je pense à la manière dont je vais bien pouvoir vous raconter cette histoire… Je pense aux photos que j’ai prises. Je me demande si je vais arriver à vous faire comprendre combien j’ai adoré cette matinée. Quel bonheur fut le mien de voir « en vrai » ces merveilleux lévriers des mers.
Et alors que je m’apprête à finir ce texte, je me dis que peut-être vous aurez compris qu’un jour je ferais comme eux…
Oui, quand je serais grand, je ferais navigateur au long cours. Je ne sais ni comment ni quand, mais un jour je partirais faire mon tour du monde à moi. Un jour…