Je voulais vous dire…


Un blog qui parle de politique, de social, d'environnement... De la vie quoi!


samedi 30 mai 2009

Déclaration et revenus

Ce matin, je me suis réveillé avec une impression bizarre. Une de ces impressions du genre à vous prendre la tête jusqu’à ce que vous ayez trouvé ce qui cloche… Vous voyez de quoi je veux parler ?
Bon, je vous rassure, ma prise de tête n’a pas duré très longtemps. En effet, il m’a suffit de consulté mon agenda, pour que les choses me reviennent tout d’un coup. Aujourd’hui, si l’on en croit la petite fenêtre qui s‘ouvre lorsque je promène ma souris dans le coin, en bas à droite, de mon écran, nous sommes le samedi 30 mai 2009.
Ça veut dire que nous sommes le lendemain du 29 et que dans deux jours on sera le 1er juin… « Oui, et alors ? » Me direz-vous.

Et alors, bande d’impatients, ça veut dire que pour la première fois de ma vie j’ai oublié d’envoyer ma déclaration de revenu. C’est ça que ça veut dire. La date limite d’envoi c’était hier, et bien que j’y ai pensé en filigrane pendant la journée, j’ai eu la grosse flemme de sortir de chez moi pour acheter un timbre et poster cette fichue déclaration. Déclaration qui, je le précise pour ceux qui douteraient de ma conscience citoyenne, était pourtant remplie depuis plusieures semaines !
Mais bon, ce n’est pas si grave… Et ce, pour deux raisons.

La première est que je vais pouvoir me rabattre sur le net pour le faire, et la seconde c’est que j’ai un peu de mal à imaginer comment l’Etat pourra bien me pénaliser en majorant de 10 % mes impôts sur le revenu, alors que depuis quelques années c’est toujours le même chiffre que j’inscris à l’encre noir : 0,00 €
Zéro, plus 10% de zéro, si mes notions de maths sont bonnes, ça fait toujours zéro.
Mais bon, on ne sait jamais. Ils seraient bien capables d’inventer un truc pas logique rien que pour m’emmerder… Donc il va falloir que je me coltine avec le serveur du gouvernement (www.impots.gouv.fr) dès que possible avant que celui-ci ne soit saturé, et remplir ainsi mon devoir…

Ça c’est ce que j’aurai dû faire hier. Bon, à la limite vous vous en fichez peut-être un peu, et je le comprendrais parfaitement. A moins que vous n’ayez oublié vous aussi de remplir et d’envoyer votre déclaration ! Auquel cas ce petit billet aura au moins eu le mérite de vous servir de pense-bête !

Le deuxième intérêt que recèle le fait d’être le 30 mai c’est que, comme je vous l’ai déjà dit plus haut, dans deux jours nous serons le 1er juin. Et le 1er juin, c’est la date de la mise en place du RSA.
Le RSA, ou Revenu de Solidarité Active, (Zavez vu ? Y zont même inventé un logo !) en ce qui me concerne c’est juste un changement de nom. Ça ne changera rien dans ma vie de tous les jours, sauf qu’on ne pourra plus dire que je suis un érémiste, mais un éréssiste (???). Par contre, d’après ce que proclame haut et fort notre gouvernement, ce nouveau « dispositif » est sensé favoriser le retour à l’emploi…
Bon, je ne vais pas me lancer dans un débinage systématique de cette mesure, ni même rappeler son caractère hautement improbable, je crois que tous mes lecteurs en ont suffisamment conscience. Je préciserai juste que, pour moi, cela permettra peut-être de mettre une petite noisette de beurre dans les épinards de certains, mais en même temps, c’est d’abord aussi et avant tout, une façon de les maintenir durablement dans la précarité en institutionnalisant la notion d’emploi à temps partiels. Ce gouvernement ne fait que transcrire dans les textes et la loi les désidératas du MEDEF, en transformant peu à peu notre société en un vivier de travailleurs usables et corvéables à merci. Mobilisables au premier coup de sifflet, et surtout, c’est le plus important, remerciables sur un deuxième coup de sifflet.
Encore quelques années de ce régime, et bientôt nos enfants auront bien assimilé qu’ils ne sont que des outils jetables, que la notion de métier n’existe plus, et qu’après tout c’est comme ça et on n’y peut rien…

Inutile de vous dire combien ce genre de projet me donne envie de gerber.

En parlant de ça, de l’envie de gerber, je voulais vous parler de la campagne de pub pour le RSA… Vous l’avez vu ? Franchement, si vous avez la télé, vous n’avez pas pu passer à côté, ce n’est pas possible ! Et si vous ne l’avez pas, et bien je vous mets juste après deux exemplaires de cette campagne, histoire que vous vous fassiez une opinion :

Spot TV rSa - Sylviane, assistante à la personne
par RevenudeSolidariteActive




Spot TV rSa - Marc, cariste
par RevenudeSolidariteActive



Je ne sais pas quelles sont vos impressions lorsque vous regardez ces deux spots, mais moi, la première chose que je me dis c’est que ces gens là n’ont vraiment, mais alors vraiment pas l’air d’être heureux ! Non mais vous avez vu leurs tronches ? Vous avez entendu le son pathétiquement tristounet de leurs voix ? On dirait que ces gens sont définitivement résignés de leur sort, et qu’ils sont malgré tout contents parce grâce au gouvernement, c’est moins pire même si ce n’est pas forcément mieux !
Bon, d’accord, lorsque l’on touche le RMI, il serait peut-être incongru de montrer des gens qui sautent de joie à l’idée de travailler plus pour gagner plus. Du genre « Youpi ! J’ai trouvé un boulot payé au smic et avec ça j’arrive à entretenir ma femme et mes deux gosses ! » Personne n’y croirait ! Parce que ce n’est tout simplement pas possible !
Et cette dame qui travaille trois après-midi par semaine… On n’aurait pas pu mettre en avant autre chose que son âge et sa solitude ? Je ne sais pas moi… le fait d’avoir un rôle social important en s’occupant des personnes âgées par exemple !

Lorsque je tombe sur ces publicités, je me demande sérieusement quel message les chantres de la communication élyséenne, ont bien voulu nous faire passer… Franchement, je me pose la question. Peut-être que sur ce coup-là, vous allez pouvoir m’aider, parce que je nage complètement.

Peut-être qu’ils ont absolument voulu faire « vrai » ? Peut-être que c’est pour ça qu’ils ont choisi des « vrais » gens ? (même s’il s’avère qu’au pour au moins l’un d’entre eux, ce soit plutôt un « vrai-faux » gens, comme le révèle cet article de Rue89)

A moins que cette campagne ne s’adresse en priorité aux dépressifs qui ont une carte d’électeur ? Allez savoir ? On ne sait jamais ! Ça pourrait être utile à une semaine des élections !

Allez ! Bon week-end quand même !

vendredi 29 mai 2009

La vieille monture

Hier, notre président Glorieusement Élu, a enfourché son destrier de bataille préféré… C’est son canasson porte-bonheur, celui avec lequel il a remporté moult batailles et qu’il ne sort maintenant que lorsque la situation est grave.

Bon c’est vrai que la bête est âgée et qu’elle a beaucoup servie… Mais malgré cela elle a toujours fière allure.
Sa stature impressionne le populo. Sa cuirasse bien huilée et son baudrier étincelant éblouissent la plèbe. Lorsque le martellement de ses sabots résonne dans les rues de la cité, la populace sait alors que le temps de la peur est venu.
La monture est grande. Très grande. C’est pourquoi, ce fut le servile Darcos qui s’agenouilla dans la rituelle position de la chèvre qui broute et qui servit de marche pied, pour permettre à notre chef de grimper avec grâce sur l’imposante créature.

Notre chef bien Aimé chevaucha alors avec maestria jusqu’au sortir du palais, où l’attendait une foule respectueuse et impatiente. Et c’est donc du haut de la fidèle amie, compagne de bien des luttes, que le chef s’est adressé au peuple…

Oyez ! Oyez bien mon propos ! La chienlit ne doit pas envahir nos écoles ! Aussi, à partir d’hier et jusqu’après ma mort, un ost de guet mécanique veillera aux porte des sanctuaires pour y scruter besaces et oripeaux ! La maréchaussée, assistée par de zélotes pédagogues, interviendra à son gré, en les murs, pour astreindre tous les marmots, boutonneux et autres encapuchonnés à montrer leurs bonnes et saines intentions ! J’ai dis !

Alors, le chef de l’Etat fit faire une magnifique volte à son cheval de bataille, rentra en son palais, et la foule, elle, retourna à son labeur, rassurée par les mots qu’elle venait d’entendre.

Plus tard dans la journée, la rumeur publique fit état qu’un dangereux criminel venait d’être libéré. Faute de preuve. Et là, la population compris alors que ces nouveaux édits, jamais ne seraient dévoyés. Car en effet ; Comment en serait-il autrement de la part d’un roi si généreux et plein de mansuétude ?

Oh, bien sûr on entendit bien quelques cris de-ci-delà… Notamment de la part de malintentionnés séides à la solde de l’étranger. Ceux-là même qui farcissent la tête de vos enfants d’idées subversives. On osa même insinuer que les votations qui ont lieux bientôt auraient, en quelques sortes, provoqué ses événements… Mais cet argument ridicule fut vite balayé, tant les gens savent bien que ces même votations ne les concernent pas.

Donc, les quelques voix discordantes furent vite couvertes par la rumeur satisfaite de la populace innocente. Encore une fois, l’arme ultime que représentait ce célèbre destrier avait fait mouche. Encore une fois, le bon peuple savait que leur leader aimé pensait à lui, veillait sur lui.

Ayons tous une pensée reconnaissante envers ce beau et vieux cheval. Et pour qu’il sache quel respect il nous inspire, crions à gorges déployées son nom !

Insécurité ! Insécurité ! Insécurité!

mardi 26 mai 2009

Je suis un eurosceptique actif !

Bon ! Y’a pas à tortiller, à un moment où à un autre il va bien falloir que je m’y colle… Cela fait quelques semaines que je rumine sur le sujet, je mets de côté des articles, je m’informe, je réfléchis… Et à un moment, il faut bien se retrouver devant son clavier et commencer à rédiger quelque-chose.
Le problème est que le sujet est plutôt vaste et les implications nombreuses. Tellement vaste que cela va faire trois-quatre jours que je sèche sur la façon dont je pourrais l’aborder… Un peu comme un gigantesque pan bagnat qu’on ne saurait par quel bout entamer.

Je veux parler des élections européennes.

Alors, si vous faites partie de cette majorité de français qui s’en tape royalement le coquillard, je me doute que vous allez zapper cet article, mais tant pis, je prends le risque.
Car, si l’on en croit les derniers sondages, 54% des français n’iront (a priori) pas voter ce 7 juin…
Si je vérifie sur la page wiki adéquate, ce peu d’engouement n’est pas quelque-chose de nouveau. Depuis que l’Europe existe en tant qu’entité économique (car pour l’entité politique, c’est une autre histoire comme nous le verrons plus loin…), les français ont tendance à croire que les élections européennes ne les concernent pas, ou si peu. Si l’on écoute les officiels, cela est dû essentiellement à un déficit de communication. Pour ma part, j’aurais plutôt tendance à croire que c’est parce que les français n’ont pas envie d’entendre cette communication… On aura beau leur dire, et le répéter encore et encore, que la plupart des lois votées chez nous (de 20% à 70% selon les sources) sont des transpositions de ce qui se fait en amont à Bruxelles, il semblerait que cette information rentre par une oreille et ressorte par l’autre aussi sec. Un peu comme si le français croyait encore dur comme fer que son pays est une nation souveraine, libre et indépendante… Car en fait, c’est bien de ça dont-il s’agit : Juste de fierté nationale.

Au début, à l’époque des Schuman et consort, le projet européen avait pour noble but d’éviter de recommencer à se taper sur la gueule. On rêvait éveillé d’une Europe avec un grand E capable d’apporter le bonheur et la paix à tous… Et pour arriver à concrétiser ce rêve, les « pères de l’Europe » décidèrent que le mieux, s’était encore de faire du commerce. Beaucoup de commerce, plein de commerce ! Car, déjà à l’époque, la pensée libérale distillait son crédo comme quoi c’est en rendant riches les pays et les gens, que le bonheur la démocratie s’installent durablement. (Rigolez pas ! Il y croit vraiment !) Et ça tombait bien, parce que cette pensée libérale permettait également de répondre à une autre ambition, bien moins glorieuse et beaucoup plus discrète, qui était de faire barrage aux idées communistes des pays de l’est.

Donc, quoi qu’en disent certains, l’Europe politique existe malgré tout. Et elle s’est construite dans la quasi-indifférence des peuples, selon le modèle capitaliste et libéral par opposition aux pays de l’ex-pacte de Varsovie.

Maintenant la question est : On fait quoi ?
On reste assis, le cul bien au chaud, et on continu de croire qu’il n’existe qu’un seul combat qui vaille la peine, celui à l’échelle locale, ou bien on décide d’ouvrir un deuxième front et on s’attaque à cette hydre ?

Pour ma part, après bien des années d’errance et d’indifférence, j’ai décidé que ça valait la peine que je me déplace et que je donne mon avis. Aussi, le 7 juin, j’irais voter. Et ce, même si je me considère maintenant comme un eurosceptique.

Parce que, je dois vous l’avouer, je n’ai pas toujours été un eurosceptique. Je me souviens très bien que lors du référendum de Maastricht j’ai voté OUI… Je me disais à l’époque, que de toute façon c’était quelque-chose n’inéluctable (j’adore ce mot !) et que plus vite on le faisait mieux cela serait. Un peu comme se faire arracher une dent. Puis j’ai eu ma période de résignation… Pendant des années, j’ai cru (à l’image du PS) que l’on pouvait tout à fait être de gauche tout en acceptant d’être régi par les lois du marché…

Et puis est arrivé le référendum sur le traité établissant une constitution pour l’Europe en mai 2005. Je n’ai pas voté pour la simple et bonne raison qu’à l’époque je naviguais au large de la Sardaigne, et ce n’est qu’en rentrant au port que j’ai vu dans la presse italienne que les français avaient dis NON… Par la suite, lorsque j’ai vu comment le gouvernement s’ingéniait à vouloir passer outre la décision du peuple souverain, j’ai été choqué, et j’ai commencé à réviser mon jugement. Après moult réflexions je me suis dit que cette Europe-là, antidémocratique, je n’en voulais pas, et d’ailleurs mon sentiment c’est trouvé renforcé lorsque l’Irlande emboitât le pas à la France.

Depuis lors, j’ai beaucoup réfléchis et j’ai quelque peu affiné mon jugement…

L’Europe est pour moi une utopie. Autant, je respecte et j’adhère moi-même à certaines idées « utopiques », autant je considère que tenter de réunir en un même mélange improbable des conceptions historiquement différentes relève de la gageure. Je ne crois pas qu’il soit possible de fédérer une trentaine de pays alors qu’au sein d’un seul pays c’est déjà si compliqué. Et puis, il y a des différences socioculturelles, religieuses, que la simple volonté ne suffit pas à transcender.

Prenez par exemple notre paysage politique. Croyez-vous que la gauche anglaise est quelque chose à voir avec la notre ? Ou bien, pensez-vous que la droite autrichienne est les mêmes conceptions économiques que la droite tchèque ? Que nenni. Ces entités politiques sont aussi différentes les unes des autres que ne le sont le lait demi-écrémé et… un mojito par exemple. Ça n’a rien à voir.
Et encore, je ne vous parle pas de l’entrée éventuelle de la Turquie, parce que sinon on irait bien trop loin…

A partir de là, je vous avouerais que je me retrouve bien embêté lorsqu’il s’agit de choisir où va aller mon bulletin de vote. Parce que je ne suis pas totalement débile, j’ai bien conscience que je me retrouve face à un paradoxe.
Comment puis-je vouloir m’impliquer dans quelque-chose à laquelle je ne crois pas ?

La réponse à cette question se trouve dans la simplicité. L’Europe actuelle, c’est l’économie libérale d’abord et les gens ensuite. L’Europe actuelle c’est le déni des démocraties au profit des intérêts de quelques industriels et autres financiers. L’Europe actuelle, ce n’est ni plus ni moins que la plus grande escroquerie en bande organisée de la planète !
Donc, je voterais pour ceux qui s’opposent à cet état de fait. Point barre.
Et que l’on ne vienne pas me parler de vote utile ou de je ne sais quel vote sanction. Le combat se situe sur un autre plan que notre simple territoire national. Aussi, voter contre la droite parce qu’on n’est pas content de Sarko n’a donc aucun sens. De même, voter « utile » c'est-à-dire PS, c’est valider l’Europe actuelle… Et puis, je n’oublie pas que j’ai dis ICI que je ne voterais plus jamais pour eux alors…

Alors il ne me reste plus qu’a choisir entre le NPA et Le Front de Gauche.

En fait, mon choix est déjà fait. Mais je ne vous le dirais pas ! Na ! Je vous le laisserais seulement deviner, et ce sera le jeu du jour !

vendredi 22 mai 2009

J’ai honte

Je ne sais pas comment le dire autrement : J’ai honte.

Je me rends compte que je vis dans un pays où l’on est capable d’envoyer deux bagnoles de flics pour se saisir de deux gamins de six et dix ans. Un pays où sur un simple soupçon de vol de vélo, on envoie six sbires en uniforme pour arrêter des enfants au sortir de leur école.
J’ai honte.

Je me fous de savoir s’ils les ont volés leurs vélos, ces gosses. Ce n’est pas ça l’important. L’important c’est le peu de cas que la police se croit devoir faire de nos libertés.

Alors on s’indigne et on hurle. Même les suppôts supporters de celui par qui tout cela devient maintenant possible se sentent obligé de demander des comptes… Les grands manitous de la répression s’étonnent que l’on s’étonne… Les quelques voix syndicales encore autorisées à s’exprimer au sein de la police fustigent la culture du résultat…

Je me fous de ces vaines justifications ! Les faits sont là : En France on arrête des enfants dans la rue sur un simple soupçon ! On les interroge pendant deux heures sans la présence de leurs parents ! Sans une quelconque protection !
Et que l’on ne me dise pas qu’il s’agit d’une regrettable erreur ! D’un excès de zèle somme toute compréhensible !

Moi je dis que c’est un symptôme. Un de plus. Un exemple frappant de ce que mon pays est en train de devenir… Et c’est pourquoi aujourd’hui j’ai honte. Honte d’être français.
J’ai honte et j’enrage de me sentir si impuissant face à ce que ce gouvernement est en train de faire…

Bordel de Dieu, y’a des matins comme ça ou j’aimerais bien me réveiller ailleurs…


jeudi 21 mai 2009

Law & Order made in France

Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais au tout début de l’année, lors de l’audience solennelle de rentrée de la cour de cassation, le Président Glorieusement Élu balançait allègrement un pavé dans la mare en annonçant qu’il souhaitait la suppression du juge d’instruction… A l’époque l’annonce, ainsi que les arguments employés pour la justifier, avait provoquée un tollé de protestations dans le monde de la magistrature.
Moi-même, qui suis attentif à ce genre de sujet, je vous avais pondu un article un peu long sur le sujet, intitulé : Vous avez dit justice ?
Je vous invite à le relire, histoire de vous resituer un peu dans le contexte, et de revoir un peu les arguments qui avaient été les miens pour qualifier cette réforme annoncée de… Grosse Connerie.
Si je vous reparle de tout ça, et si je vous conseil de vous référer à un précédent opus, ce n’est pas dans un souci d’autopromotion rassurez-vous. (J’avoue que comme beaucoup je suis en recherche de reconnaissance, mais je n’en suis tout de même pas à ce point-là…) Non, c’est tout simplement pour ne pas à avoir à me répéter, et comme ça les présentes lignes vous seront beaucoup plus digestes !

M’enfin, pour les flemmards qui ne veulent pas relire l’article, à l’époque je dénonçais une américanisation de notre système judiciaire, et pour ce faire je décortiquais le système US afin que vous saisissiez l’énorme différence que celui-ci a avec le notre… (Enfin, jusqu’à maintenant.) Et notamment, je parlais de la différence fondamentale qui existe entre les deux procédures judiciaires : La notre étant inquisitoire, alors que la procédure anglo-saxonne est d’ordre accusatoire.

Cette injonction présidentielle (car s’en est une) n’était pas née, comme on serait tenté de le penser, comme ça, tout d’un coup, dans l’esprit malade de notre PGE… Non, c’était en fait un des résultats préliminaire d’une commission, appelée le Comité Léger du nom du magistrat qui en a la charge. Cette commission planche depuis octobre 2008 sur la réforme et de la modernisation de notre justice et devrait rendre son rapport pour le 1er juillet de cette année.
Et cette semaine, on apprend par l’intermédiaire du quotidien La Croix, qu’outre la suppression du juge d’instruction, le comité préconiserait une autre « américanisation » de notre système : A savoir, l’introduction du « plaider coupable » dans la procédure.

Le « plaider coupable », appelé aussi « reconnaissance préalable de culpabilité » qu’est-ce que c’est ?
Et bien il s’agit tout simplement d’échanger avec le prévenu du temps d’audience contre une remise de peine. Ni plus, ni moins. Le but affiché étant de facilité le travail de la justice, et de désengorger les tribunaux…
Alors, bien sûr, les esprits tatillons me diront que ça existe déjà pour les délits encourant moins de 5 ans d’emprisonnement… C’est vrai. Le « Plaider coupable » est possible depuis la loi Perben II (2004) et concerne jusqu’à présent uniquement les délits. C'est-à-dire les infractions au code n’encourant que des amendes ou des peines de prison inférieures ou égales à 5 ans.

Mais là, ce que propose le comité Léger, c’est d’étendre cette procédure aux crimes, et donc à la cour d’Assise… Pour les délits, je trouvais déjà la procédure inique et discriminatoire (car il faut alors avoir les moyens de plaider son innocence), mais là, on atteint une tout autre dimension.

Alors je ne vais vous ressortir les arguments moraux qui font de la reconnaissance de culpabilité préalable un non-sens démocratique… (Z’aviez qu’à relire quand je vous l’ai demandé !) Je dirais seulement que cette obsession qu’à Sarkozy de vouloir absolument faire de notre pays une copie conforme des Etats-Unis se confirme encore et toujours. On est dans le grand n’importe quoi.

Pour vous en apporter la preuve, il suffit pour cela que vous sachiez que la mission du comité Léger est de proposer une réforme de la justice selon quatre axes : « Rendre notre droit pénal plus cohérent et plus lisible », « disposer d’outils efficaces pour lutter contre la récidive et la délinquance », « renforcer les droits de la défense » et « mieux prendre en compte les droits des victimes ».

Dors et déjà, je peux vous dire que si cette réforme est adoptée, les deux derniers axes, à savoir les droits de la défense et ceux des victimes, passeront à la trappe. En effet, le prévenu, s’il décide de rentrer dans ce jeu de justice automatique (faute de moyens financiers par exemple), verra les possibilités de se défendre efficacement réduites à néant. Et par conséquent, on va droit vers l’erreur judiciaire à grande échelle.
Quant aux victimes, je ne suis pas sûr que de se voir privées de la possibilité de poser des questions à l’accusé, ni de faire appel servira leur nécessaire travail de deuil…

Il y a aussi une chose qui met en évidence l’incohérence des travaux de ce comité à la noix… D’un côté ils veulent que l’on supprime le juge d’instruction, ce qui aura pour conséquence immédiate d’embouteiller les tribunaux. Et de l’autre, ils veulent que l’on prenne des raccourcis pour désengorger ces mêmes tribunaux…
Faudrait peut-être voir à être un peu logique, non ?

Bref, il me tarde d’être au 1er juillet pour voir ce que tout cela donnera. Mais je peux déjà vous dire que l’on se dirige vers une tempête (encore une) dans le monde de la justice ! Et je ne donne pas cher de la peau du ministre qui va avoir à défendre de telles mesures ! Car il est bien entendu que ce ne sera pas cette chère Rachida qui va se coltiner le bébé… Celle-ci est dors-et-déjà appelée vers une destinée européenne loin de ces juges et de ces avocats qui la haïssent cordialement. Bon vent madame Dati ! Et ne prenez pas froid surtout…

samedi 16 mai 2009

Les Ch’tis, ou l’apologie de la médiocrité (?)

Bonjour-bonjour ! Aujourd’hui, malgré le ton enjoué que pourrait laisser présager la double salutation qui entame ce texte, je dois vous prévenir à l’avance, je n’ai pas particulièrement envie d’être ni joyeux ni tendre. Je me sens limite furibard, mais avec encore quelques soupçons de rationalité pour pouvoir analyser et justifier cet état. D’ailleurs, même si je sais que ça vous plait bien quand je pousse une gueulante, vous avouerez quand même que c’est un poil plus constructif lorsque celle-ci est accompagnée d’arguments… Non ? Ah bon, j’me doutais bien…

Comme vous le savez déjà puisque vous êtes des lecteurs attentifs, mon opérateur du câble me soumet régulièrement à la torture en m’offrant parfois quelques chaines de télé supplémentaires. Mon opérateur, Numéricable pour ne pas le nommer, ne sait pas que je suis pauvre comme Job, mais il continu néanmoins à me titiller le portefeuille pour voir s’il n’y resterait pas quelques piécettes à grappiller…
Donc, ce mois-ci ils ont fait très fort, puisqu’ils m’ont ajouté, non pas un mais deux bouquets supplémentaires à mon paysage audiovisuel. J’ai droit à Ciné-Cinéma et à Canal ! Et donc, c’était jeudi soir, j’ai pu enfin voir Bienvenue chez les Ch’tis sur Canal Plus Cinéma…

Et c’est de ça, et d’autres choses, dont je voulais vous parler aujourd’hui.
Ca va l’entrée en matière ? Pas trop longue ? Bon ok, alors on attaque.

Lorsque le film Bienvenue chez les Ch’tis est sorti je ne suis pas allé le voir. Tout simplement parce que je ne vais plus au cinéma depuis des années car c’est trop loin et c’est trop cher. Ça, c’était les raisons du départ. Ensuite, lorsque le buzz a commencé autour du film et que les entrées des salles montaient en flèche, je me suis dit que je n’irais pas le voir quand même… Je suis peut-être un asocial paranoïaque, mais moi, lorsqu’on me dit que quelque-chose est formidable, j’accueille cette affirmation avec indulgence, mais aussi avec circonspection. Et plus on en rajoute, moins j’ai envie de me bouger pour suivre le mouvement. Lorsque vous regardez passer un troupeau de moutons, et que vous en voyez un qui ne va pas dans le même sens que les autres, il y a de grande chance qu’il s’appelle Gwendal. C’est comme ça.

Et puis, au milieu du concert de louanges qui encensait le film, sa générosité, son humour etc… J’ai entendu quelques rares critiques qui m’ont paru frappées au coin du bon sens et j’ai eu tendance à les écouter elles, plutôt que de suivre l’enthousiasme ambiant…
Aussi, sans l’avoir vu, j’ai donc classé ce film dans la catégorie « paupérisation intellectuelle » de mon échelle de valeur. Je ne vous cache pas qu’au début, ça me faisait un peu chier de me retrouver au côté de Zemmour et Le Pen. Le groupe des antis-Ch’tis n’était certes pas énorme, mais il comprenait quand même quelques figures nauséabondes… Mais bon, on peut être un connard et avoir quand même un peu de jugeote. C’est ce que je me disais pour me dédouaner.

Donc, un an après sa sortie, j’ai enfin vu la merveille. Le film aux 20 458 104 entrées… Le film qu’un français sur trois est allé voir en salle. (Putain ! Quand on y réfléchit… C’est énorme !)
Et bien, vous voulez que je vous dise ? Je suis bien content de ne pas avoir dépensé mon fric pour ça… !
Quand j’ai vu que ça passait à la télé, je me suis dis : « Ah enfin ! Je vais pouvoir me faire un avis objectif sur la question… ». J’ai donc abordé ma soirée avec un minimum d’ouverture d’esprit. Je me suis installé confortablement sur mon canapé, et j’ai regardé les malheurs de ce directeur de la Poste confronté à une culture qu’il ne connait pas, aux préjugés (les siens, car vous aurez noté que les gens du Nord n’en n’ont pas…), le tout agrémenté de quiproquos plutôt téléphonés.

Au final, j’ai ris. Pas beaucoup, mais un peu quand même… La première chose que je me suis dit, c’est que c’était une comédie « honnête », mais en aucun cas un grand film. En tous cas pas un film digne de se présenter aux Césars, ça c’est clair… (Je mets un lien pour Azul…) Tout de suite après, j’en suis venu à m’interroger sur ce qui avait bien pu faire déplacer (et dépenser de la tune !) autant de français… Là, je vous avoue que je n’en sais toujours rien. Pour moi, c’est mystère et boule de gomme.
La promotion du film ? Je n’ai pas noté qu’elle ait été différente des autres.
Le sujet ? Déjà vu, revu et re-revu… Je n’ai pas d’exemples qui me viennent à l’esprit, là tout de suite, mais le coup de l’étranger versus coutumes locales, c’est pas nouveau. Ce qui est nouveau, par contre, c’est que l’on situe l’action dans ne Nord… Mais comme d’habitude dans ce genre de film, on caricature à l’excès l’autochtone en se foutant de sa gueule.
Les acteurs ? Le casting est bon. Merad et Boon font du Merad et du Boon et ils le font bien… Mais ça on le savait déjà. M’enfin, rien de vraiment neuf.

Aussi, franchement, avec toute l’honnêteté du monde je ne vois pas trop ce qui a permis ce film de pulvériser les records au box-office…
Si ce n’est peut-être ce que j’appellerais l’effet « mouton de panurge ». Mais bon, pour que cet effet fonctionne il faut quand même qu’il y ait un minimum de consensus autour de valeurs communes. Et en ce qui me concerne, les seules valeurs que je distingue sont l’utilisation abusive des clichés, la parodie outrancière, et l’éloge de la médiocrité.

Soyons clair, je n’ai rien contre les gens du Nord. Mais alors rien du tout. Je n’irais pas vivre là-haut pour tout l’or du monde, mais ça n’a rien à voir avec leur accent bizarre, leur maison en briques rouges bizarres (Z’ont pas de pierres là-haut ?) ni même leurs spécialités culinaires bizarres… Ce n’est pas non-plus une question de météo. Parce qu’en fait, quand j’y réfléchis, ça ne m’effraierait pas d’aller vivre en Bretagne ou en Irlande… Donc, la pluie et le froid comme repoussoir, ça ne marche pas. Non, si je n’ai pas envie d’aller là-bas, c’est tout simplement parce que je suis bien où je suis. C’est aussi con que ça.

Mais il faut quand même reconnaitre que l’image que le film donne des gens du Nord n’est pas terrible. Ils sont limite débiles (je parle de l’image), mais on leur pardonne parce qu’ils sont sympas… Aussi, lorsque l’on remarque une recrudescence de la fréquentation touristique à Bergues et dans le Nord-Pas-de-Calais en général, C’est donc que les gens vont là-bas pour y voir des gens débiles, mais sympas. Et là je vous citerais Philippe Marlière qui dit : « Bienvenue chez les Ch’tis est donc une comédie ambiguë. Bien intentionnée, elle campe un Germinal comique, mettant en scène un prolétariat dévoué, mais pas très futé, dans une région économiquement arriérée. Bon gré, mal gré, ce film flatte les principaux poncifs anti-Nord : serait-ce la raison de son succès commercial phénoménal ? ».

Mes chers amis, je trouve que cet engouement pour la mise en valeur de la médiocrité, participe au processus d’a-culturation massif qui nous attaque depuis quelques années. Ce film est en quelques sortes dans la droite ligne des castings de La Nouvelle Star, du buzz autour de Cindy Sanders, ou encore d’autres émissions comme Super Nanny… On assiste à la mise en valeur, non-plus de ce qui mériterait d’être cité à titre d’exemple, mais au contraire, on enfonce bien le clou en se gobergeant de la nullité.

En fait, et c’est là où je voulais en venir depuis le début car c’est un sujet qui m’interpelle depuis un bout de temps, en fait donc, nous sommes en train de nous faire manipuler de la plus belle manière… Et c’est un peu grâce à Franck Lepage (voir article précédent), que j’ai plus ou moins réussi à mettre des mots sur mon questionnement… Autant Lepage, et Herbert Marcuse avant lui, nous avertit que l’on est en train de nous enlever des mots pour ne plus pouvoir critiquer un système, autant dans ce cas d’a-culturation, ou de paupérisation intellectuelle si vous préférez, on est en train de vouloir changer notre perception des choses pour ne plus pouvoir imaginer être autre chose que ce que nous sommes.
Je m’explique. Lorsque l’on montre ou cite en exemple quelqu’un de formidablement doué, ou quelqu’un ayant fait de grandes choses, l’exemple prend alors une signification positive. Il nous sert de curseur sur notre échelle de valeur. Curseur que nous avons en ligne de mire et que nous chercherons donc à atteindre.
Seulement, depuis quelques temps, on assiste à la mise en valeur non-plus de ce qui se fait de mieux, mais plutôt de ce qui se fait de pire. Le résultat en est que, petit à petit nous n’avons plus en ligne de mire un « état supérieur » à atteindre, mais plutôt un « état inférieur » qui n’est là que pour nous rassurer. Car en effet, qu’elle peut être la réaction de celui ou celle qui n’a constamment sous les yeux que des exemples d’échecs pires que les siens ? Tout simplement, celui-ci se rassure en se disant qu’il existe bien pire dans le monde que sa propre vie, et il ne cherche donc plus vraiment à l’améliorer…

Voilà donc ce que nous préparent ces médias de masse : Une génération de gens contents de leur sort, qui se contente de railler des sous-exemples et qui, quoi qu’il arrive, n’auront même plus ni l’idée, ni l’envie de progresser par quels moyens que se soient… La plèbe idéale, silencieuse et satisfaite d’elle-même. Incapable d’imaginer vouloir autre chose que ce qu’elle a déjà… Incapable d’avoir des désirs autres que ceux qu’on leur proposera alors, clef en main.
Un autre exemple, qui a commencé je crois avec le premier Lof Story, ou Big Brother si vous préférez. C’était en 2001. Avec ce genre d’émission est apparue une nouvelle façon de faire progresser quelqu’un dans un jeu… Pour la première fois (en tous cas en France), on ne récompensait plus les meilleurs ou les plus méritants, mais on éliminait les plus mauvais… Le candidat se retrouvait dans l’obligation de progresser, non plus pour être meilleur que les autres, mais plutôt pour ne pas être le pire… Griotte sur le clafoutis, l’échec est alors mis en valeur. L’humiliation, somme toute relative, est orchestrée, et le public se gave de voir le candidat éliminé.
Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, je trouve que ça change quand même pas mal de chose… Surtout sur l’image que l’on a de soi-même et des autres. Ce n’est plus l’attraction de l’excellence qui fait progresser l’individu, mais la peur de l’échec. L’émulation du candidat n’est plus guidée par le fait d’arriver le premier au bout du bassin olympique, mais simplement de se maintenir à flot. Ce ne sont plus les qualités d’une personne qui font d’elle une gagnante, mais ce sont les défauts des autres qui les éliminent.
Vous avouerez que c’est un bien drôle de concept que celui-ci…

Et c’est là que j’ai le palpitant qui s’emballe et la tension qui grimpe. Parce que, il n’y a rien de plus qui m’énerve que de voir quelque chose d’évidemment néfaste fonctionner avec autant de redoutable efficacité. Un français sur trois, merde ! Ca ne vous énerve pas un truc pareil ?
Je ne saurais dire si ce processus d’a-culturation est le fait d’une intention délibérée… Je constate simplement son existence, et j’en subodore les effets, c’est tout. Cependant, je ne peux m’empêcher d’y voir quelques références à ce sacré Edward Bernays et à sa manie de vouloir satisfaire les désirs inconscients de la masse dans le but de la manipuler…

Comme quoi, après Bernays et sa manipulation, Lepage et sa critique de la politique culturelle, Bienvenue chez les Ch’tis tombe à pique pour illustrer ce que j’essaye de définir depuis quelques articles… J’ai bien conscience que je n’ai pas encore fini ma réflexion. Il me reste encore pas mal de boulot pour arriver à bien cerner, c'est-à-dire mettre des mots sur, cette satanée tendance qu’on certains à vouloir nous priver de jugement.

Aussi, je vais continuer à réfléchir à tout ça, et dès que j’ai récupérer quelques pierres à rajouter à l’édifice, on en reparle ! D’ailleurs, je compte aussi sur vous et votre jugement pour me fournir de la caillasse ! *

* : Un peu de flatterie ne fait pas de mal…

mercredi 13 mai 2009

Inculture (s)

Au début je voulais juste écrire un petit commentaire dans l’article précédant… Juste quelques lignes pour remercier notre ami Pseudo de nous avoir laissé, négligemment, un lien, comme ça en passant… Un lien qui, il me l’affirmait, avait un rapport avec mon article.

Bon, au début je ne voyais pas vraiment quel était ce rapport…

Je vais être honnête, lorsque j’ai vu au générique du début le sous-titre « Une autre histoire de la culture »... Je me suis dit : « Moi j’veux bien, mais entre la vie d’Edward Bernays et la Culture avec un grand C, il y a sans doute un rapport (puisque c’est Pseudo qui le dit), mais comme ça, a priori, je ne le vois pas… ».

Pas découragé pour autant, je promène alors ma petite souris sur le curseur de la vidéo, histoire de voir en accéléré de quoi ce monsieur en short pouvait bien parler. Le Ministère de la culture, l’éducation populaire, le parapente, mademoiselle Faure, la culture de la tomate… Houla ! Je me dis alors « Ça mon Gwen, c’est du lourd, mais ce n’est pas à huit heure du soir que tu peux te lancer dans un truc de 138 minutes ! ». Car en effet, moi à huit heures du soir, j’ai faim et après une journée derrière mon ordi, je n’aspire plus qu’à une chose : Me vautrer tel l’éléphant de mer moyen, sur mon canapé.

C’est donc le lendemain que je me suis attelé à la tache… Et quand je dis « attelé à la tache », il s’agit là d’une contre-vérité. Car en fait, je me suis plongé dans cette vidéo pour m’en délecter de chaque mots, conscient que ce j’écoutais et ce que je voyais, c’était du caviar. Du caviar pour les neurones, et en ce qui me concerne une source gigantesque d’informations sur un sujet que je ne maitrisais pas du tout.

Alors, ne vous laissez pas impressionner par la longueur de la vidéo. Réservez-vous le temps nécessaire pour déguster tranquillement, et je vous garantis que vous allez adorer !
Pour vous dire, je me rappelle très bien qu’à un moment j’ai regardé le compteur et je me suis dit : « Chouette, il me reste encore 45 minutes ! ». C’est dire…



Ah ! Au fait ! Pseudo avait raison… Il y a effectivement un rapport avec Edward et la manipulation des masses… Je vous laisse le découvrir, et on en reparle dans les commentaires !
D’ailleurs, maintenant que j’y pense, ce que nous dis Frank Lepage a un rapport avec plein de choses… Avec un fil récent de la TéléLibre, avec ce texte que Mob’ m’a envoyée, avec la conversation téléphonique que nous avons eut…

Liens complémentaires : TV-Bruits, SCOP Le Pavé, Educ-Pop, ...


lundi 11 mai 2009

Edward le manipulateur

Tout a commencé un vendredi matin. Ce vendredi matin. Celui de la semaine dernière si vous préférez… S’il y a une chose que j’aime bien faire en fin de semaine, c’est m’offrir une petite session de rattrapage des émissions Là-bas si j’y suis de Daniel Mermet sur le site la-bas.org. Je me coiffe de mon casque, et je passe une heure ou deux à faire des réussites en écoutant l’émission en fond sonore… C’est ça qui est bien avec la radio, on peut l’écouter tout en faisant autre chose ! Bref, je venais d’écouter parler de la séquestration d’un patron (Pardon ! Du maintien sur site…), du malaise des matons dans les geôles de la république, et je salivais déjà à la perspective de passé une heure de plus à déguster l’émission suivante, au titre plus qu’alléchant à mes yeux : Propaganda, d’Edward Bernays, ou comment manipuler l’opinion en démocratie.

Le titre et le sous-titre s’annonçaient prometteurs… Moi, j’aime assez ce genre de sujet. J’aime à décortiquer les mécanismes de la manipulation. Ça me fascine, je ne sais pas pourquoi… En fait, si je sais. C’est parce que je reste en permanence étonné par le fait que ce qui me semble à moi si évident, fonctionne aussi bien…

Une heure plus tard, complètement sidéré par les trucs que je venais d’entendre, je laissais tomber mes réussites et je me lançais dans une recherche exhaustive sur le net, histoire de dégoter un maximum d’infos sur ce sacré Edward… J’étais persuadé de tenir un sujet d’article, et je n’avais pas tord, puisque vous êtes en train de le lire.

C’est que la vie de ce monsieur Bernays a été plutôt bien remplie ! Vous n’imaginez même pas ! Et en même temps, c’est un peu normal parce qu’Edward Louis Bernays est né en 1891 et est décédé en 1995. En 104 ans de vie, on a le temps d’en faire des choses…
Donc Edward, Ed si vous préférez, est né à Vienne en Autriche. Son oncle n’est autre que le célèbre Sigmund Freud… A l’âge d’un an, il émigre avec sa famille au Etats-Unis. Il y grandira donc sous la double férule de l’oncle Sam et de l’oncle Sigmund. C'est-à-dire : Le bizness et la psychanalyse freudienne.

Très jeune, il commença sa carrière comme imprésario. Lorsque la première guerre mondiale éclate, il tente de s’engager, mais ses lointaines racines germaines l’empêchent de rejoindre les troupes d’actives. Il sera donc affecté à l’état-major, ou son boulot sera de prêcher pour l’effort de guerre.
Au sortir de la guerre il s’installe à son compte et devient une espèce de conseiller… A l’époque on ne parle pas encore de conseiller en communication, ou en marketing, de spin-doctors ni même de relation publique. Et pour cause, c’est lui, Edward, qui va inventer tous ces concepts !
Car Edward est un visionnaire. Son enfance, son éducation, l’ont persuadé d’une chose, c’est que la masse, la foule, n’est régit que par une seule chose, l’irrationnel. Le ÇA de tonton Freud… Il s’inspire également des travaux du français Gustave Le Bon sur la psychologie des foules (1895). En clair, pour Edward, l’être humain, seul, est intelligent et réfléchi, en nombre, il devient bête et manipulable.
Fort de cette certitude, il proposa ses services à de nombreuses entreprises. Un de ses faits d’arme le plus éclatant fut d’amener les femmes à fumer… Vous ne me croyez pas ? Vous pensez que j’exagère ? Et bien regardez cette vidéo tirée du film « Chomsky et Cie » et on en reparle après…


Extrait Chomsky et Cie : Normand Baillargeon
envoyé par sijysuis - Check out other Film & TV videos.



Alors ? C’est-t-y pas formidable ça ? En 1929, Ed Bernays imagine se servir du mouvement des suffragettes pour y glisser la promotion de la cigarette et ainsi amener des millions de femmes à faire ce que précédemment elle trouvait dégradant et moche… C’est ce que l’on appelle de la manipulation de l’opinion. De l’instrumentalisation.

Mais le prolifique Edward ne s’arrête pas là. Il imagine que pour qu’un produit se vende bien, celui-ci a besoin d’une caution hautement morale. La bénédiction du père si vous préférez. Pour ce faire il recrute à grand renfort de cadeaux et d’espèces sonnantes et trébuchantes, un florilège de médecins pour affirmer avec la docte assurance qui est la leur, que ledit produit est bon pour la santé. Ainsi dans les années vingt-trente on vit fleurir un peu partout des publicités vantant les vertus amincissantes de la cigarette… Son influence bénéfique sur la douceur de la voix… Bref, ici encore on instrumentalise la médecine pour promouvoir un produit. La prochaine fois que vous verrez à la télé une pub pour un dentifrice qui vous affirme qu’elle est recommandée par l’UFSBD, l’Union Française pour la Santé Bucco-Dentaire, demandez-vous si les choses ont changées en une centaine d’année… Pas vraiment. La recette est exactement la même.

Une autre de ses inventions à Edward, c’est ce que l’on appelle la bidirectionnalité du rapport entre le produit et le client. C'est-à-dire que pour lui le produit doit répondre aux attentes inavouées et subconscientes du client et communiquer en ce sens, mais également le client doit pouvoir communiquer avec son produit… Pour ce faire, il faut donc aller vers lui et carrément lui demander comment il imagine son futur produit…. Cela a beau avoir l’air simple et logique, mais Edward vient d’inventer le panel. Plus tard (1936), dans la continuité de cette idée l’institut Gallup vit le jour et ainsi commença une nouvelle ère, celle des sondages.

Vous en voulez encore des inventions à Edward ? Durant sa longue carrière, Bernays réussit à persuader les américains qu’il était sain de dévorer des tranches de bacon frits dans l’huile au petit-déj, son client était l’association de producteurs de porcs des Etats-Unis. Je n’en ai pas trouvé la preuve, mais la propagande « Got Milk ? » est inspirée/construite sur le même modèle de désinformation.
Il bosse également pur Procter & Gamble et réussit à faire acheter des millions de savons aux familles américaines en organisant des concours de sculpture. Il impose par contrat de faire fumer les cowboys dans les films d’Hollywood pour donner une image virile aux fumeurs… Après la guerre (la deuxième) il réussit via des officines dentaires crées de toute pièce, à désamorcer la peur du nucléaire en promouvant l’emploi du fluor, un résidu hautement toxique de la fabrication des bombes, dans les pâtes dentifrices… (Et oui… Ça marche encore !)

En somme Edward Bernays est le roi, the father of spin, le père de la désinformation. Bien évidemment, lorsqu’on a tellement finalisé ses théories sur le comportement des masses, et que l’on arriverait sans doute à vendre des cônes glacés à des Inuits, il est presque évident que les travaux de Bernays vont trouver une application pratique auprès des politiciens.

Dès 1921 il est embauché par le président Harding, puis par son successeur Coolidge. Grâce à une habile propagande auprès des média il réussit à faire admettre au peuple américain que Coolidge, qui était tristounet et sans envergure, était en fait un marrant plein de charisme. A cette époque il finalise sa théorie de l’engineering consent, l’ingénierie du consentement. Il considère que la masse est tellement régie par ses émotions qu’elle doit être contrôlée et restreinte par une élite. Pour lui : « La voix du peuple exprime la pensée du peuple et cette pensée est formée pour lui par ses meneurs et par les personnes qui comprennent la manipulation de l’opinion publique. (tiré de Propaganda paru en 1928) ».

Pas étonnant donc que ce genre de propos trouva une résonnance toute particulière auprès d’un certain Goebbels. Celui-ci déclara maintes fois avoir été largement inspiré dans son travail par le gentil Edward ainsi que par Gustave le Bon.

A partir des années vingt et pendant presque toute sa carrière, Bernays travailla avec les gouvernements américains successifs. Pendant la deuxième guerre mondiale il émargea à l’OSS, Office of Strategic Services, l’ancêtre de la CIA, où il travailla à l’impact psychologique de l’utilisation de l’arme atomique.

En 1950 il avait à la fois comme client la compagnie United Fruit et la CIA. La compagnie fruitière inquiète de voir ses terres menacées par le gouvernement guatémaltèque de Jacobo Arbez Guzman, et donc son monopole sur le commerce de la banane mis en danger, soumis le problème à Edward. Celui-ci imagina et orchestra une campagne de presse gigantesque pour dénoncer les dérives « communistes » de ce pauvre Guatemala… A un point tel que l’opinion publique américain en vint même à exiger que son gouvernement agisse. Le Président élu Guzman fut renversé en 1954 par un coup d’état organisé par la CIA. Il s’ensuivit alors des années de terreur, et on inventa bientôt le terme « république bananière » !

Une des dernières grandes figures politiques qui fit appel aux talents d’Edward, fut Golda Meir. Elle lui confiât la tache de mettre en place un réseau chargé de la promotion de l’image d’Israël auprès du public américain… Ainsi naquit ce que l’on appelle maintenant le lobby pro-israélien.

Edward Bernays fait partie de ces illustres sous-fifres qui façonnèrent le vingtième siècle et par là-même la société dans laquelle nous vivons. La plupart de ses clients, j’imagine, voient en lui un immense visionnaire qui fit progresser à pas de géant la société et l’économie mondiale. D’autres pourraient considérer Edward comme un psychopathe dangereux… Le fait est que ses travaux, et surtout les applications qu’il en tira, sont aujourd’hui utilisés en permanence. Dès que nous ouvrons notre télévision, dès que nous lisons un article dans un journal, il y a de fortes chances que nous soyons en présence d’une application directe de ce qui naquit un jour dans la tête de cet homme. Edward s’est inspiré des travaux de son tonton Sigmund et les a utilisés au service du libéralisme politique et économique. Je ne suis pas certain que le tonton en question lorsqu’il imagina ses théorie, pensait que l’on puisse aller si loin avec…

Alors bon, comme je n’ai pas envie de vous laisser en l’état, persuadé que vous êtes cernés et que toute protection est inutile, je vais, pour finir, vous raconter une dernière petite histoire…

En 1990, un type qui écrit alors un livre sur l’histoire des relations publiques apprend avec stupeur que le bon Edward est encore de ce monde. Il décide alors de rencontrer cette légende vivante (99 ans !). Rendez-vous est pris, et l’auteur se rend donc chez Bernays pour lui poser des questions. Malheureusement pour lui l’ancêtre a encore de la ressource et il se fait balader par ce maître de la manipulation… Un peu déçu quand même, le type va pour repartir et décide d’appeler un taxi. Bernays lui dit alors que c’est beaucoup trop cher et qu’il vaut mieux prendre les transports en commun. Puis le vieux commence à raconter que lui il n’avait jamais conduit, qu’il avait toujours eut des chauffeurs. D’ailleurs il se souvient très bien de l’un d’eux qui trimait toute la journée pour lui, et qui s’écroulait de fatigue le soir venu. Et Bernays d’ajouter : « C était le bon temps. C’était avant que les gens n’acquièrent une conscience sociale… ».

Comme quoi, au soir de sa vie, ce vieux machin qui mit au point les techniques de désinformation les plus tordues, persuada les foules de consommer des produits dont-ils n'avaient pas besoin et qui en plus étaient mauvais pour leur santé, inspira des dictatures… Ce vieux croulant, au soir de sa vie reconnaissait qu’il y avait une chose contre laquelle ses méthodes ne pouvaient rien. La conscience sociale.

Alors mes amis, cultivons-là notre conscience sociale ! Et le meilleur moyen pour commencer à le faire, c’est de connaitre la vie de ce sacré Edward !

Je vous rajoute un lien vers un article qui m’a vachement aidé, c’est sur le site : Le Crachoir.

jeudi 7 mai 2009

J’me réveille

J’ouvre un œil, le droit, puis je le referme. Je laisse passer un moment et je réessaye. Plus lentement.

J’entraperçois une lumière grise qui tombe devant la porte de ma chambre par l’escalier. Oui, chez moi la lumière tombe. Qu’est-ce que j’y peux moi si ma maison est à l’envers… On y rentre par le premier étage, et on descend ensuite dans les chambres. C’est ainsi parfois lorsqu’on habite sur le flanc d’une colline.

Donc une lumière tombe. Ça veut dire que le jour est en train de se lever. C’est pas encore complètement fait, mais c’est en train. A croire que les photons timides ont pu quand même traverser mes paupières et alerter le neurone de permanence. Celui qui n’était pas occupé à rêver…
Peu à peu, celui qui ne rêvait pas rameute tous ses copains et ensemble ils commencent à se ranger en ordre de bataille. Ils s’organisent en phalange. Chacune a son boulot. Y’en a qui vont s’occuper de mon corps, le masser en douceur et le faire repartir.
Y’en a d’autres qui vont jouer les assembleurs de cases… Ils vont se mettre à ranger le bordel de mon cerveau. Vous me direz que c’est un peu normal… Après la nuit qu’ils ont passée, à batifoler dans tous les sens au gré de mes rêves… C’est un peu le boxon. Et c’est donc justice qu’ils rangent derrière eux.
Au fur et à mesure que les cases s’assemblent, mes pensées se font moins chaotiques. J’émerge. Je commence à savoir qui je suis, où je suis… Je me positionne dans l’espace et dans le temps.
Je me demande si j’ai des choses importantes à faire aujourd’hui… Oui, il faut que j’écrive… J’ai envie d’écrire, mais sur quoi ? J’en sais rien.
C’est pas grave… Je trouverais bien.

Mes bras et mes jambes fonctionnent maintenant. Je repousse la couette. Je roule sur moi-même d’un quart de tour. Je plie les guiboles et dans un mouvement de morse je redresse ma carcasse. Les pieds au sol, le cul sur le lit et les coudes sur les genoux.
On dirait que j’ai du mal à quitté cette position groupée… Pourtant, il va bien falloir. Oui, mais pas encore…
D’un geste je ramasse le téléphone qui a dormi à côté de moi sur le sol. J’ai pas de réveil, alors un portable avec le son coupé, ça le fait très bien. J’y jette un œil histoire de voir si mon instinct ne m’a pas abusé… On ne sait jamais. Peut-être qu’il va me dire que je peux encore essayer d’inverser le processus ?
Mais non, il est 05H55. Encore une fois le réveil que j’ai dans la tête à bien marché. Je me dis qu’il y en a qui ont besoin d’une machine pour les empêcher de se réveiller trop tard. Moi c’est l’inverse. Ma machine elle me sert à me prévenir quand il est trop tôt…
Mais là ça va… Presque six du mat, c’est raisonnable.

Ça y-est je suis debout. Les guiboles fonctionnent en mode autonome. Elles me portent machinalement. Je grimpe l’escalier en colimaçon, la main sur l’axe en hêtre poli. A mi-chemin un bruit étrangement strident saccage la belle ordonnance que mes neurones commençaient tant bien que mal à agencer… Putain d’chatte !
Je grogne, menaçant. Un grognement de bête sauvage. Un grognement lourd de menace… Un truc qui veut dire : « Toi, ma vieille, t’as intérêt à fermer ta gueule si tu veux pas recevoir un coup d’latte dans les gencives ! »
Rituel matinal. Elle le sait qu’il faut pas m’gonfler avant que j’ai eu le temps d’avaler mon café… Elle le sait ! Depuis l’temps ! Dix-neuf ans qu’elle m’emmerde tous les matins en miaulant ! Dix-neuf ans que je grogne ! Et dix-neuf ans qu’elle s’assied ensuite en silence sur son cul de chat, en plein milieu de la cuisine, histoire que je sois obligé de faire un écart ou de l’enjamber… Elle veut bien se taire pendant cinq minutes, mais quand même pas se faire oublier pour autant !

Allez ! On va attaquer la journée… Je ne sais toujours pas ce que je vais écrire aujourd’hui. Peut-être qu’aux infos je vais trouver l’inspiration ? Hier soir j’avais pourtant une idée… C’était quoi déjà ? Je ne sais plus… C’est pas grave. J’aurais qu’à raconter comment je me lève le matin… Ça pourrait être sympa. On verra bien.


lundi 4 mai 2009

Les mystères du dictionnaire

Quand j’étais petit garçon, je lisais beaucoup. Enormément même… Je dévorais un peu tout et n’importe quoi, tout ce que la maigre bibliothèque familiale recelait plus celle de mon grand-père un peu plus étoffée. Dans la seconde j’y trouvais surtout des ouvrages sur la deuxième guerre mondiale, romans et récits ainsi que la fameuse édition Fleuve Noir si riche de romans d’espionnage à la sauce Guerre froide… Bien avant l’âge de douze ans, je pouvais déjà parler facilement de l’opération Barbarossa, de la bataille de Stalingrad ainsi que de la résistance sur le plateau des Glières. Mais aussi je vivais mes premiers émois lorsqu’OSS 117 caressait la gorge offerte d’Irina, la pulpeuse espionne du KGB. Bien que très jeune, j’avais bien compris que la gorge en fait, était une ancienne façon de décrire ce qui se situait un peu plus bas sur le corps de la femme… Bref, pour m’évader un peu d’un climat familial délétère, je me plongeais dans la fiction et l’imaginaire.

Mais je ne lisais pas que de la fiction, j’adorais lire aussi le… Dictionnaire ! Chez mes parents nous avions un exemplaire du Larousse illustré, et pour autant que je m’en souvienne je passais des heures à l’éplucher ! Ca commençait toujours de la même façon, avec une recherche dans un but précis : Je l’ouvrais pour trouver une définition ou une orthographe, puis bien vite je digressais… D’abords vers les pages contigües, puis vers la planche en noir et blanc ou en couleur la plus proche… Je m’extasiais devant les architectures exotiques. J’analysais on ne peut plus sérieusement l’évolution de l’épée depuis le glaive romain jusqu’à la baïonnette pour MAS 36. Je décortiquais avec soin les planches colorées où s’ébattaient dans une même forêt luxuriante ce que l’Asie recelait de mammifères. Je rêvais pendant des heures devant les cartes de pays lointains…

En fait, maintenant que je ne suis (presque) plus un petit garçon, je me rends compte que ce que je recherchais dans les dictionnaires et dans les encyclopédies était complexe.
Je voulais rêver pour oublier ma vie de tous les jours, mais je cherchais également à apprendre des choses.
Je sais, ça peut vous paraitre bizarre que lorsqu’on a dix-douze ans on ait envie de faire autre chose que de jouer ou de regarder la télé… Sauf que chez moi, la télé était rigoureusement réglementée et que je me suis vite aperçu que la lecture comblait bien plus efficacement l’ennui que les légos ou les petits soldats… En plus, après faut ranger et c’est chiant !

Et puis, je me suis rendu compte très vite que le savoir, la connaissance était une arme efficace contre les méchants que j’avais à combattre chaque jour. Car quand on est gamin, on ne s’en rend pas forcément compte sur le moment, mais la vie est très dure. Donc, l’arme gwendalienne par excellence devint le savoir. Avec lui, je renvoyais dans leurs buts les plus vindicatifs de mes camarades de classe. Avec lui, j’échafaudais bientôt mes plans de défense contre la pression familiale… Bref, savoir des choses que les autres ne savaient pas me rendait spécial à mes propres yeux, c’était ma façon à moi de me distinguer des autres et croyez-moi à l’époque j’avais bien besoin de ça !

Bon, tout ça pour vous dire que je suis curieux d’apprendre et que j’aime les dictionnaires… On va encore dire que je suis un spécialiste des entrées en matière qui n’en finissent pas, mais que voulez-vous… Au départ je veux vous parler d’un truc, qui me fait penser à un autre truc, qui demande que j’explique encore un autre truc… Et moi, je me laisse embarquer dans l’onanisme littéraire et comme toujours, j’en fais des tonnes… mais bon, à force vous devez avoir l’habitude, non ?

En fait, au départ, je voulais vous raconter une histoire.

Un jour, il y a huit ou neuf ans, je ne sais plus trop, je me suis laissé embarquer dans un vide grenier par un collègue de travail et sa bande de copain… Pour moi, ce fut une première, et une dernière aussi… Mais bon, toujours est-il qu’au bout de quelques heures je m’arrêtais devant un mec qui vendait des bouquins. Sur l’étal assez bien achalandé je tombais alors en arrêt devant les deux tomes intitulés Le Larousse pour tous.
L’aspect défraîchi de sa couverture, la couleur jaunâtre de ses pages, la finesse de ses gravures, tout cela fit que je craquais littéralement pour ce dictionnaire, et il m’en coutât 30 francs. (Vous vous souvenez de notre monnaie nationale ? Elle ne vous manque pas un peu ? A moi si…)
Sitôt revenu chez moi, j’ai commencé à farfouiller un peu dedans à la recherche d’une information sur la date d’édition… Et bien, j’ai eu beau chercher partout, impossible de dégoter une date quelconque ! Rien dans les pages intérieures, rien nulle part…
Sur le coup j’étais bien embêté je vous l’avoue… C’est alors que j’ai eu l’idée de prendre le problème à bras le corps et d’enquêter. J’ai tracé sur une feuille de papier la ligne du temps en y notant les dates qui me semblaient importante.
La première chose qui m’a sauté aux yeux, c’est qu’en regardant une carte au hasard, j’y vis l’Empire des Indes. Diantre ! C’est donc que mon dico était antérieur à l’indépendance, c'est-à-dire 1947… 47 c’est après la deuxième guerre mondiale, donc je cherche à guerre… Rien concernant un conflit mondial ! Même pas la Grande Guerre ! Serait-il possible que ces deux bouquins miteux soient antérieurs à 1914 ? Je continus donc en cherchant des indices sur les cartes du monde J’y découvre avec une joie enfantine des noms aussi bizarres que lointains : Les Empire Allemand, Russe, Chinois, Austro-hongrois, l’Indochine, l’AOF, l’AEF…
Avec ce Larousse, j’ai non-seulement l’impression de voyager dans l’espace, mais aussi dans le temps. C’était génial !
Finalement, c’est en regardant à Aviation que j’ai eue ma réponse. En effet, le dernier modèle présenté était le monoplan Blériot qui datait de 1913… Le mystère était donc résolu. J’avais donc entre les mains l’édition d 1913 du Larousse pour tous !

Je ne vous cache pas que ces deux tomes sont pour moi les deux bouquins les plus précieux de ma bibliothèque… Je ne les lis pas souvent, un peu comme si je voulais économiser mon plaisir, mais à chaque fois que je le fais, je voyage.
Je voyage, comme je vous l’ai déjà dit, dans le temps et l’espace. J’ai sous les yeux la preuve évidente que la connaissance est une chose en perpétuelle évolution. Que bien finaud serait celui qui peut dire de quoi demain sera fait…

Et puis, en feuilletant de -ci de-là, je tombe parfois sur une trace laissée par le ou les propriétaires successifs de ces livres. Un mot souligné, un marque-page… Comme à la page 580 du premier tome. Une feuille de papier y est glissée. Un simple petit tract publicitaire ventant les mérites des postes TSF de la marque Hermès prévue spécialement pour les régions montagneuses ! Il propose des crédits à partir de 45 francs par mois et un cadeau surprise à tout acheteur ! Un bout du feuillet manque dans le coin supérieur gauche… Sans doute quelqu’un aura-t-il eu besoin d’écrire une petite note…

A la page 250 du deuxième tome, alors que la lettre R magnifiquement ornée annonce les définitions des mots commençants par elle, un énigmatique feuillet violet plié en deux me laisse perplexe. Il s’agit d’un plan tracé au crayon noir, indiquant comment se rendre de Grenoble à Aix les Bains par le tramway, le train et la route… l’écriture est soignée, bien qu’apparemment malaisée. Je me demande pourquoi la lettre R…

Enfin, au détour de la page 200 du premier tome, alors que monsieur Larousse me dévoile d’un côté la carte de la Bolivie, et de l’autre commence à me parler de la famille des Bonaparte… Un edelweiss séché vit là, caché. Il est là depuis je ne sais combien d’année, attendant de me surprendre sans doute ? En tous cas, il me fait m’interroger : Portait-il bonheur à quelqu’un ? Qui était cette personne ? Où vivait-elle ? Peut-être cela a-t-il un rapport avec la TSF spéciale montagne, et le tramway qui va de Grenoble à Aix les Bains ? Oui, sans doute…

J’aime ce dictionnaire. J’aime voyager avec lui, dans lui, à travers lui. Il me fait rêver…

Voilà ! J’ai fini ! Je voulais vous parler de ce livre parce que je l’aime, et je voulais que vous l’aimiez vous aussi. Oh, peut-être pas exactement celui-là, mais en tous cas que vous sachiez apprécier les mystères et les enseignements qui résident parfois dans les vieux bouquins tout défraichis qui sentent le moisi… Ils sont beaux ces bouquins. Beaux et riches à la fois.