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lundi 30 novembre 2009

La Suisse aux limites de la démocratie

J’aime bien la Suisse. C’est vrai, c’est un pays qui m’a toujours plu…
J’ai été frontalier pendant quelques temps, et cette proximité helvétique me rendait… Comment dire… Je me sentais comme un français un peu à part. Pas vraiment à cheval sur deux cultures ou deux pays, mais j’avais la chance de partager un peu de ce qui fait le particularisme d’un autre pays.
Bien sûr, ça passait d’abords par la télévision. Moi qui avais l’habitude de zapper entre six ou sept chaînes françaises, je me retrouvais avec trois autres chaînes helvètes. Une occasion de parfaire mon italien, de m’initier modestement à l’allemand, mais surtout d’apprécier la TSR… Une des meilleures chaînes de télé généraliste qu’il m’est été donné de voir entre nous soit dit. (Je vous parle des années 94-97, je ne saurais dire s’il en est de même maintenant).

Bref, tout ça pour dire que j’aimais bien voir mes voisins à travers l’étrange petite lucarne… Parce que dans les faits je n’allais pas leur rendre visite tous les jours non-plus. A part pour refaire le plein d’essence (20% moins chère à l’époque) et acheter des Toblerones au chocolat noir (on n’en vendait pas en France à l’époque. 70% de cacao… Mmmm !), et de temps en temps aller boire une bière sur les bords du lac, je n’y mettais pas vraiment les pieds.
Donc on pourrait dire que je suis très peu au fait des coutumes suisses, même si je pourrais rétorquer que le prisme de la télé est quand même assez parlant.

Ce que je sais (savais) de la Suisse, c’est que c’est un beau pays avec de très belles montagnes et un folklore aussi beau. On y pratique le multiculturalisme comme une religion d’état, avec quatre langues officielles, et vingt-six cantons quasi indépendants.
Mais comme d’autres pays où se pratique le communautarisme, les gens ont tendance à vivre à côté les uns des autres et pas vraiment ensemble. Les Suisses Romands détestent les Suisses Allemands et les deux ensembles méprisent les Suisses Italiens…
Pour s’en convaincre il suffit d’écouter quelques blagues romandes sur les compatriotes d’outre-Sarine, et vous comprendrez de quoi je parle… Même nos blagues interrégionales sont des billets doux par rapport à ça. C’est violent, méchant et extrêmement humiliant. Bref, comme son nom l’indique, la Suisse est une confédération. Un assemblage de bouts hétéroclites qui tient, dieu seul sait comment, depuis 1291…

Et c’est donc dans ce pays bizarroïde (pour nous Français) que vient d’avoir lieu une votation sur un sujet extrêmement sensible. L’interdiction de la construction de nouveaux minarets propres à satisfaire les 400 000 musulmans helvètes.

57,5% des votants on accepté ce texte demandant à ce qu’il soit inscrit dans la constitution fédérale l’interdiction de la construction de nouveaux minarets sur le sol national.

Alors, plutôt que de discuter sur le résultat de la votation et sur ses implications morales autant que politiques sur notre propre sol, ce que j’imagine nombre de blogs vont se mettre à faire aujourd’hui, je voulais plutôt revenir sur le processus démocratique qui a amené à cette décision lamentable. (Ben oui, à un moment il faut bien que je le dise…)

La Suisse est une démocratie semi-directe. Cela veut dire (en simplifiant) que le peuple à le droit par le biais de votation d’initiative populaire de s’opposer aux décisions de son gouvernement, mais aussi de proposer à son tour des lois.
Autant le premier de ces droits me semble hautement profitable pour tout le monde et il serait bien que nous nous en inspirions, autant pour le deuxième je constate amèrement qu’il peut conduire à des dérives graves.

Je ne sais pas si vous vous le rappelez, mais nous venons nous-mêmes en France d’acquérir ce droit… C’était l’année dernière. Bon d’accord la loi organique sensée le mettre en œuvre n’a toujours pas été votée… Mais bon, elle existe quand même.

Notre loi à nous dit que pour qu’un référendum d’initiative populaire ait lieu, il faut qu’il réunisse deux conditions : L’approbation de 1/5 des membres du parlement ET la signature de 10% de l’électorat soit 4.5 millions de personnes.
En Suisse c’est différend puisqu’il suffit pour qu’une votation fédérale soit organisée que 100 000 personnes en expriment la volonté.

Je crois que ce dimanche nous venons de toucher aux limites de la démocratie participative… Car il a suffit qu’une bande de tout à fait minoritaire de péquenauds apeurés présente un texte, appuyé en cela par une droite populiste et raciste aux méthodes de communication efficaces, pour que la majorité l’approuve sans sourciller. Pire, qu’elle révèle ses pires instincts.

Que ce serait-il passé si notre pays avait été soumis au même choix ? C’était la question que me posait Monique dans un de ses commentaires. Franchement je ne sais pas… Vraiment, je ne sais pas. Mais en tous cas, je sais que cette perspective me fout une trouille bleue.

Je dirais que si certains pensaient que les conditions d’applications d’un référendum d’initiative populaire en France étaient par trop drastiques, je pense que nos voisins helvètes viennent de nous démontrer que ces conditions sont essentielles. Elles sont essentielles pour justement empêcher ce qu’il vient de se passer de l’autre côté du lac… Juste là, chez nos voisins et amis.

Pour finir, je tiens à saluer un de mes nouveaux lecteurs Igor, Suisse de son état. Et qui en ce lundi matin ne doit plus trop savoir s’il doit être fier de son pays ou pas… Libération titre ce matin : Le vote de honte.
Igor, nous tous ici sommes de tout cœur avec toi.