Je voulais vous dire…


Un blog qui parle de politique, de social, d'environnement... De la vie quoi!


dimanche 31 août 2008

Politique et galipettes

Vous avez été nombreux (enfin, pas mal…) à répondre au petit sondage qui a trôné ostensiblement dans le coin supérieur droit du présent blog, tout au sommet des brèves. Amis et visiteurs, je vous remercie d’y avoir participé.
La question posée était : « Pour vous, est-il envisageable de vivre avec un conjoint aux idées politiques opposées aux vôtres ? ». Et vous avez répondu NON à 59% (26/44), et OUI à 41% (18/44).
Pour moi, la réponse à cette question est aujourd’hui, indubitablement non. Mais, soucieux de savoir si j’étais dans la normalité, je me suis dis : « Ben, demande-leur et tu verras bien ! ».
En fait, je vais vous raconter pourquoi cette question m’est importante… Lors de ma dernière relation sérieuse, je sortais avec une femme aux idées de droite, raciste et ultranationaliste. Voter Le Pen était pour elle une fierté et elle ne cachait nullement ses idéaux. Seulement, voilà : C’était une femme (et ça l’est probablement toujours !) extrêmement sympathique, intelligente, marrante, excellente maitresse de maison et une amante passionnée et inventive…
Le seul problème est que dès que nous abordions des sujets de société, où la vision politique du monde est forcément impliquée, les choses dérapaient et nous nous trouvions alors devant un mur d’incompréhensions respectives.
Alors que je me plaignais de cette situation à ma mère, celle-ci, qui en avait marre de me voir toujours célibataire à 38 ans, me rétorqua que j’étais beaucoup trop exigeant et que je devais apprendre à mettre certaines choses de côté pour assurer l’harmonie de mon couple. Facile à dire ! Mais, en tous cas pour moi, difficile à mettre en œuvre. Tendrement attaché à cette demoiselle, j’essayais tout de même, et je fis des efforts. Je mis donc mes idéaux dans ma poche et mon mouchoir par-dessus. Je restais sourd aux remarques racistes, je changeais de sujet dès qu’une polémique pointait le bout de son nez. J’éteignais la télé à l’heure des infos pour ne pas créer d’incident… Bref, j’y mis du mien, vous en conviendrez. Mais c’était dur ! Oh putain que c’était dur… Finalement, au bout de quelques mois, nous nous séparâmes, pour des raisons autres que celles qui nous préoccupent aujourd’hui… Cependant, je me suis toujours demandé si c’était moi qui était trop sensible à ces choses, ou bien s’il était normal que les gens idéologiquement proche s’apparient.
Alors, les résultats du sondage montrent que vous êtes plutôt d’accord avec moi. Ce qui me rassure déjà un petit peu, cependant je m’étonne que ces résultats ne soient pas aussi tranchés que je ne le pensais…
Je pense pour ma part que tout est politique. Je veux dire par cette affirmation peut-être un peu usée, que le moindre geste qu’un citoyen puisse faire a une origine et une conséquence politique. C’est le propre du citoyen, au sens grec du terme, que d’être au cœur de la politique de sa cité. Il est partie intégrante du système…
Mais bon, j’ai peut-être tort, car si je regarde autour de moi, je connais quelques couples qui vivent, en apparence, très bien cette divergence d’opinion. Mais je dois reconnaitre que pour la plupart, l’un ou l’autre des partenaires dit ne pas aimer la politique, ou du moins s’en désintéresser. (Tous pareils !) Alors je pose la question aux dix-huit personnes qui ont répondu oui : Comment vous faites ? De quoi vous parlez ?
Je considère que l’amour se doit d’être une communion de corps et d’esprit. Il est frustrant de s’éclater au lit si c’est pour n’avoir rien à se dire en dehors dudit lit. De même, une parfaite entente se doit d’être complétée par des galipettes épanouissantes, sinon l’un ou l’autre ira voir ailleurs ! Mais bon, il semblerait que d’autres arrivent à faire autrement… Donc, je n’ai pas vraiment de réponse à mon questionnement…

Font chier les sondages !

Bon dimanche quand même !

vendredi 29 août 2008

Sarko pète un câble

Le fait est que je suis un peu perdu là… A un point tel que j’ai envie d’étaler ici ma perplexité. Mais que peut-il bien se passer dans la tête de notre président Sarko 1er ?
Hier, j’apprenais comme vous-tous, la solution imaginée pour financer le Revenu de Solidarité Active. Une taxe de 1,1% sur les revenus du capital. Youppie ! Voilà une mesure qui va dans le bon sens, me dis-je aussitôt. C’est vrai quoi, on finance une mesure d’aide au plus démuni par une taxe issue des placements et autres sources de revenus indirects. Si ça, ce n’est pas une mesure sociale, je ne m’y connais pas. D’ailleurs, il n’y a qu’à observer les réactions des uns et des autres pour constater que cette mesure fâche les patrons et les députés conservateurs de droite et embarrasse les gens de gauche. Les premiers déplorent le fait que l’on impose au peuple une taxe supplémentaire. C’est vrai quoi ! On n’a jamais rien solutionné en augmentant les impôts, c’est bien connu… Pour les seconds, le seul argument que l’on entend est que, face au bouclier fiscal de l’année dernière qui protège les revenus les plus élevés, cette « mesurette » compte pour du beurre. Michel Sapin, c’est même fendu d’un « Ce n’est pas une bonne action aujourd’hui qui va effacer le péché originel du bouclier fiscal ». Ce n’est pas faut, car 1,5 milliard ne feront jamais le poids face aux 15 milliards du paquet fiscal.
Mais bon, c’est un peu léger comme argumentaire quand même… Non ? Donc, un embarras certain, pour ne pas dire un certain embarras… Et qu’apprend-t-on dans La Tribune hier ? Une nouvelle taxe de 5% sur les intéressements et la participation serait à l’étude pour financer la sécurité sociale ! Mais c’est la Parisot qui va se mettre à hurler !
Alors ce matin, je vous avoue que je ne sais pas trop quoi penser. Qu’est-ce qui lui prend à l’autre tache ? Il a viré sa cuti pendant l’été ou quoi ? A moins que Ste Carla ne l’ait visité…
J’ai peut-être un élément de réponse, aussi je vous le soumets et vous me direz ce que vous en pensez…
Nous savons tous que ce qui importe à notre nano président, c’est avant tout son image. Ce type là veut qu’on l’aime et fera tout pour ça, même aller contre ses propres troupes. Sa cote de popularité étant au plus bas, il lui faut saisir la moindre occasion de reprendre la main, surtout dans la perspective d’une rentrée sociale plutôt chaude. En effet, quoi de mieux qu’une mesure sociale pour montrer sa bonne gouvernance et sa politique d’ouverture, coupant ainsi l’herbe sous le pied des socialistes et des syndicats ? De même, on commence à bien connaitre l’asticot, et l’on sait également qu’il ne fait jamais rien pour rien… Donc, à mon avis, il s’agit plus d’une opération de diversion qu’autre chose. Mais alors on peut se demander, une diversion pour masquer quoi ? Qu’est-ce qui va nous tomber sur le coin de la figure d’ici peu ? Soudain, j’ai la pétoche…
Allez les amis ! Dites-moi que je suis paranoïaque ! Dites-moi que je vois le mal partout ! Dites-moi que notre Glorieux Président Elu n’est pas aussi retors que je ne me l’imagine ! Dites-moi que mon antisarkozysme primaire m’aveugle… Rassurez-moi sur l’avenir de mon beau pays que j’aime…

lundi 25 août 2008

Ouf ! C’est fini…

Et bien ça-y-est ! C’est fini ! Les Jeux Olympiques de Pékin sont bel et bien terminés. Comme prévu, on a eut droit à une avalanche de promotion de ce qui ce fait de pire dans la nature humaine. La compétition, le marketing publicitaire, la promotion d’un nationalisme chinois exacerbé. Bref, que des motivations qui me font gerber. Donc, autant vous dire que je ne suis pas fâché que cela soit fini.

Par contre, il est un point qui me fâche particulièrement. Comme certains autres, j’avais espéré que les sportifs étaient des hommes et des femmes ayant en plus de leurs muscles, un cerveau. Ou, tout du moins, une conscience politique. Il m’apparait que ce n’est, hélas, pas le cas. Aucune manifestation de protestation. Rien, quedalle, peau d’zob… C’est à pleurer de la nature humaine. Il y a bien eut lieu quelques petites revendications en dehors des stades. Des manifestations aussi sporadiques que rapidement étouffées par une police omniprésente. Mais force est de constater que la dictature a gagné son vaste programme publicitaire. La chine a gagné cette manche et le monde le lui reconnait volontiers. Dans la presse, ce ne sont que félicitations dithyrambiques sur une organisation sans tâche, sur la beauté des cérémonies, la modernité des installations… Bref, on ne parle que de ce qui est visible. Le tape-à-l’œil. Et c’est finalement ce qui restera de ces jeux : De la poudre aux yeux, bien aveuglante.

Le président du CIO, Jacques Rogge, se déclarait hier content des effets positifs que les jeux ont eut sur la Chine… Des effets sur le long terme, précise t’il. Pour lui, la graine de la démocratie a été plantée en ce mois d’aout, mais elle devra sans doute attendre bien longtemps avant de germer. Je serais moins optimiste que ce monsieur…

Les chinois ont promis que les mesures écologiques prisent lors des jeux perdureraient. C'est-à-dire que les usines intra-muros fermées pour l’occasion, ne rouvriraient pas. Là, je n’y crois pas un seul instant. Car déjà la crise systémique globale frappe durement le pays, un temps épargné par un dumping gouvernemental uniquement axé sur la promotion des JO. L’inflation devient galopante (6,5% en aout) et après l’alimentaire se propage aux matières premières touchant l’industrie. Les 40 milliards de dollars qu’auront coutés ses jeux vont dangereusement manquer dans les mois à venir, et le gouvernement chinois envisage déjà d’injecter entre 40 à 50 milliards supplémentaires dans un plan de relance qui ne servira certainement à rien. Comme prévu par le think-tank Europe2020, la crise fera chuter l’empire chinois comme elle écrasera l’empire américain.

Les jeux olympiques étaient, dans l’esprit du baron de Coubertin, une façon de promouvoir un esprit de paix et de fraternité. C’était il y a longtemps, et maintenant les jeux ne promeuvent que le capitalisme outrancier et les marchands de sodas… Triste réalité.

Pourtant ce matin, je me dis que, peut-être, une fois que l’économie mondiale se sera autodétruite, des hommes reprendront le flambeau de l’olympisme pour revenir à des valeurs plus universelles. Peut-être…

samedi 23 août 2008

La forêt du Grand Tétras (3)

Aujourd’hui, on va attaquer les choses sérieuses ! Parce que, c’est bien beau de se balader en raquettes, de faire le mariole sur les places de chant et de faire fuir les oiseaux, mais il arrive bien un moment où il faut se mettre à bosser… Vous n’allez tout de même pas croire qu’on allait me payer des vacances dans le Jura pour mes beaux yeux (si-si !) tout de même ? Et vous auriez raison ! Le fait est que je ne passais pas tout mon temps sur mon étude. J’étais un employé de la réserve et, à ce titre, je participais à toutes ses activité : Que ce soient de la surveillance des impactes touristiques, comptage de chamois, comptage de touristes, inventaire floristique… Bref, mais journées étaient bien remplies et je ne comptais pas mes heures. Par ailleurs, j’avais comme mission annexe de peaufiner le travail réalisé lors de mon stage de formation. Ce travail consistait à réaliser un descriptif de la propriété forestière dans la zone de la réserve. C'est-à-dire de cerner au plus près les pratiques forestières, les types de propriétaires, etc… Pour ce faire, j’avais épluché le cadastre et analysé les données que celui-ci recèle. Vous seriez étonné de tout ce qui peut ressortir d’un tel fichier qui, au départ, sert à l’état pour asseoir l’impôt. C’est fascinant ! La continuité de cette étude était essentiellement de mettre au point un questionnaire destiné à tous les propriétaires, de le leur envoyer et d’analyser les réponses de manière statistiques. Pour affiner encore plus cette étude, j’organisais des interviews avec certains propriétaires, afin de cerner des notions difficiles à saisir sur un questionnaire papier. Des notions comme les relations affectives que les propriétaires de parcelles entretiennent avec leur bois par exemple. Du qualitatif rajouté au quantitatif. Je rencontrais également des acteurs de la vie publique, des maires, de fonctionnaires du ministère de l’agriculture, des écologistes, des éleveurs… Et c’est lors d’une de ces rencontres que me vînt l’idée première qui me permit de mettre au point ma méthodologie. Il s’agissait d’un représentant du programme Life Tétraonidés qui me parla des populations de tétras qui vivaient sur la troisième marche des plateaux jurassien, dans les forêts du Massacre et du Risoux. D’après son descriptif, les tétras y étaient nombreux et vivaient dans un type de forêt qui n’avait rien à voir avec celle que je rencontrais dans le territoire de la réserve ! Comment les populations d’une espèce pouvaient-elles adopter des comportements différents à quelques dizaines de kilomètres l’une de l’autres ? J’étais perplexe. Je pris conscience alors que la sous-population du Haut-Jura avait adopté un comportement particulier du fait des conditions particulières du milieu. Vous comprenez maintenant pourquoi je vous ai parlé de la géographie particulière du Jura dans l’épisode précédent ?
Donc, si je voulais décrire une pratique forestière cohérente avec mes tétras du Haut-Jura, il me fallait oublier tout ce que je pouvais avoir bien lu sur tous les autres tétras. Les miens, ils avaient une vie différente de leurs congénères, dans un milieu différent des autres.
J’avais découvert mon petit fil, et je n’avais plus qu’à le tirer doucement pour démêler ma pelote… Tous les travaux effectués par d’autres ne m’étaient d’aucune utilité… Il me fallait donc tout recommencer depuis le début : Décrire le milieu et ses spécificités, recenser les Tétras affiliés à ce milieu et voir si on pouvait en tirer des conclusions cohérentes.

Fort de cette compréhension soudaine, je m’attelais à la tâche. Qu’est-ce que j’avais comme matos pour pouvoir travailler ? J’avais le terrain et les rapports de présence de Tétras sur le territoire de la réserve. J’avais des fiche de descriptions du milieu propices aux Tétras, misent au point par les naturalistes du programme LFE. J’avais également en main les derniers travaux de deux ingénieurs Herbert et Reibero, sur la typologie des futaies jardinées et irrégulières que l’on rencontre sur les plateaux, les pentes et les sommets du Jura. J’avais toutes les pièces du puzzle, et comme dit l’autre : Y’avait plus qu’à !
A ce stade de mon histoire, je vous engage à relire mon article sur la futaie jardinée. Ca vous remettra en tête les caractéristiques de ce type de peuplement… Pour ceux qui ont la flemme, je vous en rappelle quand même le principe énoncé par notre maître à tous (les forestiers écolos), j’ai nommé le grand, l’immense JP Schutz : Futaie constituée d’arbres à houppiers non contigus, occupant tout l’espace vertical, dont la structure se maintien de façon analogue dans l’espace et le temps, sur une surface restreinte et où on pratique toujours le même genre d’intervention : Le jardinage… Le jardinage ou coupe jardinatoire étant une opération sylvicole réunissant en une même intervention les cinq critères suivants : Régénération, éducation et sélection, régularisation de structure, récolte, et interventions sanitaires et forcées. (Le régime du jardinage, Schutz, 1989).Herbert et Reibero avaient affiné encore plus la théorie en mettant en place une typologie descriptive spécifiquement rattachée au Jura… Cette typologie décrit sept types de milieux forestiers :
Typa A : Structures jardinées à matériel sur pied modéré, diamètre supérieur à 60 cm. Développement des tiges sans contraintes. Régénération abondante. Feuillus limités à 20%. Bonne répartition spatiales et géographique des tiges.
Type B : Structures jardinées riches à fort pourcentage de Gros Bois. Excédent de GB et déficit de PB et de BM. La faiblesse du nombre des perches et de la régénération est un indice de vieillissement. Diamètre d’exploitabilité généralement élevé.
Type C : Structures jardinées à faible matériel sur pied, résultant souvent de fortes coupes ou de chablis importants. Régénération surabondante, et bouquets denses de perches. Peuplements clairs.
Type D : Structures régularisées par excédents de Petits Bois. Peuplement jeune à volume sur pied modéré. Semis et perches en nombre suffisant. Structure souvent proche du type A, mais peu de GB, forte densité et nombre élevé de PB qui ne permettra pas le développement normal des catégories inférieures.
Type E : Structures régularisées par un excédent de Bois Moyens. Volume sur pied raisonnable. Nombre de PB et de perches correct. Régénération insuffisante. Type le plus répandu dans le Jura.
Type F : Structure régularisées et vieillies par excédent de GB. PB peu nombreux et dominés, à majorité de sapin. Régénération très déficitaire. Parfois peuplement à deux étages. Le volume à l’hectare étant un critère non caractéristique.
Type G : Peuplement à très faible matériel sur pied. Surface terrière inférieure à 10 m² et volume supérieur 100 m3/ha.

Vous êtes paumés ? Non mais, faut me le dire si vous-y comprenez quedalle… Bon, je vais expliquer un peu tout ça. En foresterie on distingue trois types de bois. Le Petit Bois (PB) c’est l’arbre qui est en dessous du diamètre d’exploitabilité défini par le milieu et l’essence. En générale, ça tourne autour de 42,5 cm. Le Bois Moyen (BM) c’est l’arbre immédiatement proche de ce diamètre et le Gros Bois (GB) c’est l’arbre qui le dépasse. Vu ? Une bonne futaie jardinée se caractérise par une répartition de ces diamètres selon une courbe exponentielle décroissante. C'est-à-dire que l’on doit avoir plus de PB que de BM et plus que de GB comme vous pouvez le voir sur la courbe ci-dessus.
La surface terrière, nous informe sur le degré d’occupation de la parcelle. Elle s’exprime en m²/ha et peut nous permettre de calculer le volume du peuplement à l’hectare qui lui s’exprime en m3/ha. En fait, la surface terrière est obtenue en additionnant la surface qu’occupe chaque tronc d’arbre à une hauteur donnée (1,50m) cela nous permet de définir l’aspect clairièré ou non de la parcelle. Confronté à la densité (nombre de tiges à l’hectare) et à la hauteur moyenne, la surface terrière nous permet également, via un abaque spécifique, de calculer le volume de l’arbre moyen (VAM) qui lui nous dira si la parcelle est productive ou pas…
Je sais… Ca a l’air hautement rébarbatif tous ces chiffres (d’ailleurs ça l’est, même pour moi), mais sachez que c’est avec ça que bosse le technicien forestier. Il a besoin de savoir tout ça pour arriver à « visualiser » sa forêt. Pour prévoir là où il faudra intervenir, quand il le faudra et surtout comment il le faudra. On est loin des données strictement naturalistes vous en conviendrez !
A l’analyse de cette typologie et à sa confrontation avec mes propres renseignements, j’eu bientôt la confirmation de la différence qu’il existait entre le Haut-Jura et le reste de la chaîne de montagne. Dans les forêts plus basses en altitude, les Coqs se trouvaient plus volontiers dans des futaies de type A. C'est-à-dire une forêt assez dense et riche. Alors que dans les zones de la réserve, c’était plutôt dans des milieux de type E, F et G. Des zones de prés-bois (*) avec un faible volume sur pied, et de vastes zones libres… En fait mes Tétras affectionnaient cette limite ou la forêt laisse place à l’herbe rase et aux champs de fleurs. Là où la végétation cède devant l’apprêté du climat avant que de disparaitre au profit des névés éternels… (Amis poètes, bonjour !)
Mon plan était désormais au point. Je n’avais plus qu’à parcourir les parcelles à Tétras, faire les relevés nécessaires à l’obtention des données citées ci-dessus, entrer tout ça dans des feuilles de calculs compliquées et heureusement informatisées (merci Excel !) et enfin je pourrais dire qu’elles étaient les forêts propices aux Tétras. Avec tous les chiffres qui vont bien pour satisfaire les gens de l’ONF et les syndicats forestiers de la région !
Il me fallut avant tout ça imaginer une feuille de relevés. C'est-à-dire un formulaire type, sur lequel inscrire toutes les données. Ensuite apprendre à mes collègues à s’en servir et comment récolter ces données… Comment on mesure la hauteur d’un arbre, son diamètre. Comment on estime le couvert forestier en pourcentage (à vue de pif, combien de pourcentage de ciel vous arrivez à voir en levant les yeux !) ce genre de choses… Pour la fiabilité de l’étude, il fallait que nous soyons tous « raccord », c'est-à-dire que nous remplissions de la même façon cette sacrée fiche ! Enfin, vînt le choix des zones à étudier. Une fois toutes ces choses faites, nous étions prêts.
Il faut que vous sachiez que lorsque vous avez 250 ha de forêt à recenser, à une altitude qui varie entre 1200 et 1475 m et une pente comprise entre 5 et 40%, vous n’allez pas réellement compter et mesurer tous les arbres. C’est impossible. Enfin, si c’est possible, mais je n’avais pas le temps. Donc il fallait avoir recours à la méthode statistique. J’ai divisé la surface à étudier en un quadrillage hectométrique, et à chaque intersection nous effectuions nos relevés dans un rayon de 10 m. Par extrapolation, cela permet ainsi d’avoir une cartographie complète de la zone. Cela nous prit deux semaines pour tout faire. Deux semaines de travail sur le terrain à avancer à la boussole dans des endroits parfois impénétrables (pas de GPS à l’époque !). A mesurer, compter estimer. A remplir ces fameuses fiches avec autant de soin qu’il est possible lorsqu’il pleut et que votre stylo est nase. A essayer de comprendre pourquoi vous vous retrouvez 100 m plus loin que ce qui est prévu sur la carte et de devoir tout recommencer depuis le début… Bref, ce furent des moments géniaux.
Nous travaillions surtout le matin tôt, avant les chaleurs estivales. Pendant cinq à six heures, nous déroulions notre topofil (**) et nous faisions notre description du milieu. Les rencontres avec la faune étaient courantes, nous croisions des chevreuils, des chamois, des renards… Et des Tétras bien sur ! Par deux fois je me fis surprendre par une envolée intempestive de ce satané volatile ! Je restais saisi, comme la première fois ou nous nous rencontrâmes…
Vers quatorze heures je rentrais chez moi pour prendre une douche avant de retourner au bureau pour rentrer les données de la journée dans l’ordinateur. Bref, comme je vous le disais, c’étaient des journées bien remplies. Mais, même si j’abattais gaillardement mes dix heures de boulots par jour, je m’en foutais royalement. Il est tellement plaisant et gratifiant de faire un travail qui vous plait. D’ailleurs était-ce vraiment un travail ? Pour certains esprits chagrins nous passions pour des dilettants, qui passaient leur temps à prendre l’air dans la montagne pour finalement pondre des règlements liberticides… Pour ma part, j’avais l’impression de faire œuvre utile. D’apporter ma modeste pierre à l’édifice de la protection de la nature, à la science et à ma propre expérience.

Allez ! Je vous laisse pour aujourd’hui. Je crois que vous en avez déjà assez bavé comme ça. Dans le prochain et dernier épisode, je vous parlerais des résultats que j’ai obtenus, et des conséquences qui en découlèrent…


(*) Le prés-bois est un terme suisse qui décrit un paysage particulier où se mêlent les pâtures et les bouquets d’arbres. On dit aussi pâturage boisé.
(**) Le topofil est un instrument de mesure de la distance qui se présente sous la forme d’un fil biodégradable relié à un compteur, que l’on déroule derrière soi.

mardi 19 août 2008

Ca commence à bien faire

C’est un méchant coup porté à nos troupes déployées en Afghanistan. Dans la soirée d’hier, une soixantaine de soldats appartenant aux 8ème RPIMA, 2ème REP et au régiment de marche du Tchad, ont été accroché dans une embuscade. Malgré le soutien aérien, les combats ont durés toute la nuit, et au matin, le bilan humain était plutôt lourd : Dix morts, 21 blessés.
Ce sont les lois de la guerre, aussi je ne n’épiloguerais pas sur cette tragédie. Par contre il est intéressant d’analyser les conséquences d’un tel événement. Les Français sont présents en Afghanistan depuis 2002 auprès d’une coalition composée d’une trentaine de pays, avec à leur tête les Etats-Unis. Cette invasion, appelons un chat un chat, avait pour but de mettre à mal le régime des talibans et accessoirement de mettre la main sur le cerveau des attentats du 11 septembre… Sept ans plus tard, les talibans sont toujours là, et même sont revenus en force avec le soutien d’une population lassée par tant d’années d’occupations. L’administration mise en place par l’ONU est un fiasco, l’Afghanistan est devenu le premier pays producteur d’opium au monde, et Ben Laden court toujours… Bref, triste bilan. En février de cette année le président Sarkozy décida de renforcer notre présence dans le pays avec un envoie de 700 hommes supplémentaires, pour un effectif total de 3000 soldats. Il s’agit là clairement d’un rapprochement avec l’axe Atlantique, et d’une mise en résonnance de la politique étrangère de notre pays avec celles des USA. Pour preuve, les déclarations de Sarkozy à la suite de cette bataille sont étrangement empruntes de la même rhétorique que celle communément utilisée par Georges W Bush : « la France est résolue à poursuivre la lutte contre le terrorisme ». Quel terrorisme ? Il s’agit juste de préserver un axe d’approvisionnement en pétrole et en gaz issus des anciennes républiques soviétiques via l’océan indien… Rien de plus.
Depuis 2002 les français n’avaient perdu que 14 hommes. Aujourd’hui le chiffre en est presque doublé. Alors que la refonte drastique de nos armées est en cour, avec son cortège de chômage et de drames sociaux, comment risque de régir l’opinion publique face à de telles pertes ? D’autant que, nous l’avons vu, les résultats ne sont pas là ? Pour ma part, la réponse à ces questions est claire. Barrons-nous vite de ce bourbier et laissons les américains tenter d’imposer leur mode de vie aux autres tous-seuls. Ils se rendront bien compte tout seul que c’est une chose impossible.

vendredi 15 août 2008

La forêt du Grand Tétras (2)

Bien… Où en étais-je ? Ah oui ! Ma première rencontre avec la bête… C’était lors d’un affût organisé autour d’une place de chant…
Mais avant d’aller plus loin, il faudrait peut-être que je vous décrive un peu quelles sont les caractéristiques de la vie privée du Tetrao urogalus… Ce n’est pas pour vous faire marner, mais je me dois de respecter quelques rigueurs scientifiques et narratives… Ben oui ! Si je ne vous explique pas ce qu’est une place de chant, vous ne comprendrez pas ce que je pouvais bien faire là, à cet endroit précis, à me geler les noix à cinq heures du matin ! Non ? Si ? Bon…
Grace aux lumières naturalistes de mon collègue, j’en appris donc un peu plus sur la vie de notre oiseau. Le Grand tétras, comme je vous l’ai dis auparavant, est un animal sensible aux changements du milieu. Cette sensibilité est essentiellement due au fait que chaque période de l’année induit chez lui un comportement, alimentaire et social, bien particulier. Et ce milieu, dans le Jura, le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est assez exceptionnel, du point de vue géographique comme du point de vue climatique.
Je m’explique : Le Jura est un massif montagneux assez bizarre. En effet, si l’on regarde attentivement une carte, et plus particulièrement l’orientation de son relief, on remarquera que le massif jurassien est en fait un peu comme un escalier… Imaginez donc un escalier orienté vers le sud-est. Le sol, c’est la Bresse du Jura, une zone d’étangs et de vastes forêts qui s’arrête brusquement aux environ de Lons-le-Saunier. Là se trouve la première marche. Une hausse brusque du relief, transporte le promeneur sur un premier plateau en pente douce, d’une altitude moyenne de 500 m. C’est un paysage magnifique de vallons et de pâturages. Puis arrive la deuxième marche, qui va nous faire grimper jusqu’à 700-800 m d’altitude… Là ce sont les forêts profondes du Haut Jura. Puis une troisième marche nous conduit à un dernier plateau situé entre 900 et 1000 m. On est là dans un climat rigoureux proche de la taïga russe. Le thermomètre en hiver flirte régulièrement avec les -25°C. Il est même des endroits que l’on appelle des « glacières », dont le sol ne dégèle jamais ! Enfin, dernière étape et non des moindres, la Haute Chaîne, qui emmènera le randonneur fatigué jusqu’à 1700 m sur une crête pelée, balayée par les vents et la froidure. Ce même randonneur prendra bien garde à ne pas faire un pas de plus, car s’il n’y prête pas attention, c’est la dégringolade jusque dans le lac Léman, 1300 m plus bas !
Voilà donc le Jura. Cette succession de plateau a un effet particulier sur la faune et la flore… En effet, l’escalier dont je vous parlais va accentuer l’effet du climat continental et ainsi créer en haut des marches des conditions climatiques que l’on ne rencontre qu’à partir de 2500 m dans les Alpes. On arrive à la limite de végétation arbustive, la neige perdure six mois de l’année… Bref, des conditions de vie quasi extrêmes, mais c’est dans ces conditions-la que vit le Grand Tétras.
Alors, qu’elles sont plus précisément les caractéristiques d’un biotope à Tétras ? Elles sont au nombre de trois.
Premièrement, il faut de la surface. Le Tétras est un oiseau territorial qui a besoin, pour assurer son cycle annuel, d’une superficie énorme pouvant aller jusqu’à 200 hectares par individu. C’est beaucoup. Cela implique donc que l’on doive protéger des zones de plusieurs milliers d’hectares pour pouvoir assurer la viabilité d’une population entière. La densité optimale observée, aussi bien en Scandinavie, en Russie et dans le Jura, est de 3 à 4 individus adultes au Km².
Ensuite, il faut impérativement que la zone de vie soit riche en nourriture hivernale. L’hiver, l’alimentation du Tétras est spécialisée sur quelques espèces de résineux. Dans le Jura, c’est le sapin qui est privilégié, alors que dans d’autres régions, l’animal préférera les aiguilles de pins. Il faut donc que le sylviculteur prenne garde à conserver dans sa forêt un certain nombre de hauts sapins pour assurer la survie de l’espèce. Toutefois, une dizaine d’arbres bien situés peuvent suffire à l’alimentation d’un oiseau, mais nous verrons plus loin que c’est pas aussi évident que ça à réaliser.
Enfin, l’ouverture du milieu. Le Grand tétras affectionne les forêts à faible recouvrement arborescent et arbustif pour deux raisons. Un faible recouvrement permet le développement d’une strate sous-arbustive, notamment des framboisiers et autres baies, qui constitueront l’essentiel de la nourriture estivale. Une strate herbacée est fondamentale pour la reproduction car elle est riche en insectes divers (fourmis, larves, criquets…). Cela constituera l’unique source de nourriture pour les poussins pendant les premiers mois de leur vie.
De plus le Tétras a un comportement « anti-prédateur » basé sur le fait de voir avant d’être vu. Il a donc besoin d’avoir en permanence une vue dégagée sur son environnement immédiat pour pouvoir repérer à l’avance les bestioles qui voudraient le bouloter (renard, martre, autour, lynx…). A cela s’ajoute que ce bel oiseau est un bien piètre voilier. Vous l’avez bien regardé ? Franchement, on le comparerait plus à gros hydravion des années 40 qu’à un Rafale, non ? Le fait est qu’une telle bestiole est plutôt poussive au décollage, et que son poids l’handicape lourdement (si je puis dire !) quand il s’agit de changer brusquement de trajectoire. On ne compte plus les vols de Tétras interrompus brusquement par un pylône électrique incongrument placé sur sa route…

Donc, je récapitule : En gros, il lui faut de la place, avec une forêt ouverte et quelques sapins au milieu. Concrètement ça doit ressembler à la jolie photo que vous pouvez voir ci-contre. C'est ce que l'on appelle un paysage de prés-bois, et j'y reviendrais plus tard... Je peux cependant déjà vous dire que ce paysage bucolique à souhait n’est pas qu’un don de la nature. Il est issu en fait des pratiques agricoles propres aux Hauts du Jura, c'est-à-dire essentiellement l’élevage de vaches de race Montbéliarde (Meuh !) et plus particulièrement la production de lait pour la confection du comté…


En parallèle à ce descriptif du milieu, il convient de mettre l’accent sur trois périodes-clefs de la vie de l’urogalus. L’hiver, le printemps et l’été.

L’hiver dans le Jura, c’est l’enfer pour notre ami le Tétras. Et ce pour les raisons géographiques et climatiques que je vous ai expliqué plus haut. De novembre à mars, c’est une période de vie arboricole et une alimentation quasi exclusive basée sur l’apport énergétique de quelques pousses de sapins… Vous en conviendrez avec moi, c’est pas très folichon comme nourriture, ce qui fait que l’animal est en équilibre précaire du point de vue nutritionnel.
Il est faible. Le moindre dérangement peut l’inciter à vouloir s’enfuir, à décoller, et cela lui demande énormément d’énergie. Nombreux sont les Tétras retrouvés mort d’épuisement au cœur de l’hiver pour avoir été dérangé par des randonneurs en raquettes ou des skieurs hors-pistes…
Le printemps, c’est la saison des amours ! Vers fin avril-fin mai, on assiste au rassemblement des mâles (de 3 à 6) sur des sites traditionnels où chaque coq défend alors un territoire de moins d’un hectare. La place de chant étant une arène située à la jonction des différents territoires et c’est là que les coqs, vont faire montre de leur plus belles plumes et de leur plus belle voix. Et que ça se gargarise, et que ça fait son beau ! Bonjour mesdames, zavez vu comme j’ai une belle arcade bien rouge ? Ca veut dire que je suis plein à ras bord de testostérone. Et cette queue en éventail ? Zavez vu cette Queue ? Eh ! Toi ! Dégage de ma place de chant ou je t’arrache la tête à coup de bec ! Allez Mesdames voyez comme je suis le plus beau ! Le plus fort ! Ne vous inquiétez pas, j’aurais de quoi toutes vous satisfaire ! C’est spectaculaire, violent, bruyant et ça ne dure pas très longtemps… La preuve en image, avec cette petite vidéo, que voici que voilà, tralala !



Un mois après cette débauche orgiaque, les femelles, ivres de bonheur, s’en sont retournées sur leur propre territoire et donnent naissance à une couvée d’une demi-douzaine de poussins. Commence alors l’élevage des jeunes à base de protéines d’insectes bien gras pour une croissance rapide.
L’été, c’est la mue. L’oiseau change alors de sous-vêtement pour se préparer à la saison froide. Il emmagasine de quoi tenir l’hiver, et mange à peu-près tout ce qui est comestible. Fruits, fleurs, graines, pousses, tout y passe. Jeunes comme adultes ont donc besoin d’une strate basse abondante et riche.

Voilà, en gros, quelles sont les caractéristiques d’un milieu à Grand Tétras. Vous l’aurez remarqué, c’est assez varié, et il est difficile de trouver toutes ces qualité sur une petite surface. C’est pourquoi la gestion forestière en matière de protection des tétraonidés se doit d’être considérée à une plus grande échelle que celle de la simple parcelle forestière. Il faut voir grand, à l’échelle du massif forestier tout entier. Problème : Cela implique plusieurs propriétaires, plusieures communes… Politiquement, financièrement la tâche s’en trouve grandement compliquée. C’est pourquoi le statut d’une réserve naturelle est un atout puisqu’elle fédéralise les actions et motive les financements.

Bon, on va s’arrêter là pour aujourd’hui, et surtout si vous me trouvez un peu trop nébuleux ou désordonné, n’hésitez pas à me le dire dans vos commentaires… je compte sur vous !

Pardon ? Comment-ça j’ai oublié quelque chose ? Ah oui ! Autant pour moi…
Or donc, un beau matin de mai bien frisquet je me suis retrouvé à faire le poireau dans l’espoir d’apercevoir mon premier coq de bruyère. Nous étions quatre valeureux bonhommes à nous être levé dès trois heures du mat pour pouvoir nous mettre à l’affût avant que le jour ne se lève… Nous avions choisi une place de chant connue pour être assez fréquentée et nous espérions pouvoir observer quelques bestioles… Nous nous installâmes donc sous des filets de camouflage à différents points de la place de façon à encercler la zone. Nous étions distants d’environ 50 m les uns des autres et nous ne bougions pas un cil… Les consignes étaient aussi claires que strictes. Pas de bruit, pas manger, pas fumer, rien… Il fallait être aussi immobile et silencieux qu’un gros caillou. Ce fut long, très long… Le Tétras est sensé commencé sa parade aux premières lueurs du jour. Mais ce matin là il devait faire une grasse matinée car une heure après le lever du soleil, nous n’avions encore rien vu ni rien entendu ! Je commençais à me dire que nous étions encore trop tôt dans la saison, que la chaleur du printemps n’avait pas encore réveillée ses gros paresseux. Au bout d’encore une heure de coititude, il devait être neuf heures du matin, quelque chose comme ça, j’ai craqué. J’en pouvais plus. J’avais froid, j’avais faim, j’avais envie de pisser et surtout j’avais envie de m’en griller une. Je me suis donc levé et j’ai fait quelques pas pour me dégourdir les guiboles. Le soleil était maintenant assez haut et réchauffait la clairière près de laquelle je me trouvais. Des volutes de vapeurs s’élevaient dans l’air. C’était magnifique. Du coin de l’œil, je vis un de mes camarades se lever à son tour, je le saluais de la main et continuais ma petite promenade…
Tout à coup, alors que je marchais tranquillement, un grand bruit se fit entendre à moins d’un mètre de moi. Un bruit énorme. Imaginez trois à quatre kilos de volatile se précipitant dans les herbes, ses ailes battant le sol à pleine puissance, pour prendre son envol. J’ai fais un bon sur le côté et je crois même avoir crié de surprise. Un tétras venait juste de décoller sous mes pieds ! J’eu juste le temps de tourner la tête pour voir une silhouette noire grosse comme un dindon tracer entre les branches basses des arbres pour disparaitre derrière un affleurement rocheux. Je venais de voir mon premier Tetrao urogalus ! J’en avais le cœur qui battait la chamade et les mains qui tremblaient. Ce n’était pas tant la surprise qu’il m’avait causé, le bougre, que le plaisir d’avoir enfin vu l’objet de mon travail acharné depuis deux mois. J’étais aux anges, et en même temps je me sentais coupable de l’avoir fait fuir ainsi… Mon camarade le plus proche, qui avait suivit la scène de loin, me rejoignit et me demanda de confirmer ce qu’il avait cru distinguer. Je le lui confirmais : Oui, je venais de faire ma première rencontre avec cet oiseau mythique ! Pendant les mois qui suivirent, j’eu l’occasion de l’apercevoir deux fois encore. Mais jamais je ne ressenti de nouveau cette émotion qui me submergea en cette belle matinée ensoleillée du mois de mai 1995…

Allez, les amis ! Suite au prochain épisode. On entrera dans le vif du sujet en abordant l’étude proprement-dite, c’est à dire la méthodologie et la recherche de données.

A plus !

lundi 11 août 2008

La forêt du Grand Tétras (1)

Bien, mes amis ! Cela va faire bientôt un mois que nous n’avons pas causé de forêt. Moi, ça me manque un peu, et j’aime à supposer que c’est votre cas. Alors, en ces temps troublés où la Sarkozyte nous guette, je vais vous emmener prendre un bol d’air dans le Jura. Plus précisément sur les hauteurs du Pays de Gex, là où le Crêt de la Neige surplombe le lac Léman du haut de ses 1720 m. En 1995, je fus embauché par l’employeur chez qui j’avais réalisé mon stage de spécialisation « gestion patrimoniale des espaces boisés ». Il s’agissait de la toute jeune (à l’époque) association responsable de la gestion de la réserve naturelle de la Haute Chaîne du Jura. Il faut croire que je leur fis bonne impression pendant ma période de stage, puisque je me vis confier une étude un peu particulière. Je dis particulière car, pour autant que je sache, c’était la première fois qu’un tel travail était entrepris… Je vais donc essayer de vous raconter cette étude qui, en vrai, fit l’objet d’un rapport de 48 pages (recto-verso et hors annexes). Je dis bien « raconter »… Ne vous faites pas de bile, je vais faire en sorte de vous la narrer avec simplicité et un minimum de jargon professionnel.
Allez ! On attaque !
Comme vous le savez sans doute, ou pas, la gestion des réserves naturelles est dépendante des différentes subventions que l’on daigne bien lui octroyer. Ce qui fait que la plupart du temps, il n’y a pas beaucoup d’argent dans les caisses. De plus, contrairement à un Parc Naturel Régional qui a vocation d’assurer le développement d’une partie de région (que ce soit sur le plan touristique, culturel ou économique) et qui touche des sous de partout, la Réserve Naturelle a un but strictement conservatoire. Or, dans ces années là, l’Europe dispensait pas mal de fric pour un projet nommé : Le programme Life Tétraonidés. De quoi s’agit-il ?
En Europe donc, il existe un oiseau un peu bizarre dont le nom scientifique est Tetrao Urogalus, ou Grand tétras ou encore Grand Coq de Bruyère. Outre le fait que cet oiseau était, et est toujours, en voie de disparition, c’est également une espèce bio-indicatrice de première importance. Une espèce bio-indicatrice est une espèce, animale ou végétale, dont les besoins sont tellement spécifiques, tellement « pointus », qu’elle en devient une sorte de système d’alarme. Au moindre changement du milieu, au moindre petit problème écologique, l’espèce voit ses effectifs s’amoindrir. On se sert donc de ces bio-indicateurs pour surveiller l’environnement et quantifier l’impact de l’homme sur le territoire. Par exemple, un animal bio-indicateur assez connu est la truite, qui signale par sa présence, la qualité des eaux de rivière…
Vous comprenez donc pourquoi il est important d’étudier ces espèces, de comprendre leurs modes de vie pour pouvoir ainsi agir au mieux pour notre environnement. Et c’est pourquoi l’Europe était prête à lâcher un peu de sous pour financer tout ce qui pouvait être utile à ce mystérieux volatile.
Vous devez vous dire : Mais Gwendal, il est forestier pas ornithologue ! Quel rapport peut-il bien y avoir ? Patience mes amis, j’y arrive.
Dans le Jura, réside une population de Tétras. Oh, c’est pas folichon comme population, 300 bestioles à tout casser, mais il y en a suffisamment pour justifier le fait qu’on s’y intéresse. Le souci est que les forêts où réside ce noble oiseau sont en même temps des lieux où les pratiques humaines sont nombreuses. Il y a des pistes de ski, des pâturages et bien sur des forêts de production… Alors, on sait très bien ce qui est bon pour le Grand Tétras. Nombre d’études ont été réalisées pour décrire ce qui lui profite et ce qui le dérange. Ces études ont toutes été faites par des ornithologues affiliés à des associations de protection de la nature (Ligue pour la Protection des Oiseaux par exemple). Mais le problème avec ces études, c’est qu’un naturaliste, ça cause pas comme un forestier, fut-il technicien ou ingénieur. Le vocabulaire spécifique à l’ornithologie est absolument incompréhensible pour le forestier moyen ! Par exemple, l’ornithologue (ou le naturaliste, on va pas être raciste) va vous parler du pourcentage de couvert forestier, alors que le technicien de l’ONF ne comprend que ce qui s’exprime par des tiges à l’hectare, des surfaces terrières ou encore des volumes de Gros Bois à l’hectare… Deux mondes, deux langages.
Mon boulot à moi, en tant que technicien forestier, ça a été, d’abord, de transcrire les caractéristique du biotope du grand tétras en données directement compréhensibles et utilisables par les forestiers de terrain. Une sorte de traduction en fait. Puis ensuite, préconiser des travaux forestiers propices à la préservation de la bêbête sur le territoire de la réserve.
Vaste programme me direz-vous ! Et vous n’auriez pas tord. D’autant que le temps qui m’a été imparti pour réaliser cette étude fut de cinq mois ! A l’époque, j’étais désireux de faire mes preuves et j’acceptais donc ce challenge. J’acceptais, certes. Mais je ne savais absolument pas comment m’y prendre ! Sérieux ! J’ai dis oui à ce boulot, sans avoir la plus petite idée de comment j’allais bien pouvoir faire pour satisfaire à cette mission… Autant vous dire que mes premières semaines furent consacrées à tenter de mettre au point une méthodologie… Et puis d’abord, je savais même pas à quoi ça pouvait bien ressembler un Tetrao urogalus ! J’en avais jamais vu de ma vie, si ce n’est sur des photos. Il me fallait donc en apprendre un peu plus et essayer de comprendre ce que ce foutu zoziaux avait de si particulier…
Alors c’est quoi un Grand Tétras ? Pour répondre à cette question, je me plongeais dans la littérature spécialisée et tentais d’en apprendre le maximum sur le sujet. Gallinacé, Ok, c’est comme un poulet… De 2 Kg pour les femelles à 3,5 Kg pour les mâles : Plutôt balaise comme volatile… Envergure des ailes, de 85 à 125 cm ! Là, je me dis qu’une bestiole de ce type ne doit pas passer inaperçue… Livrée marron pour madame et smoking noir avec arcade sourcilière rouge pour monsieur : Juste la classe ! Alimentation diverse qui va de l’aiguille de sapin aux insectes en passant par des baies comme les myrtilles… Aï ! Là, cela ne m’aide pas vraiment. J’aurais préféré une alimentation plus simple, comme les koalas par exemple. Il m’aurait suffit de préconiser la sauvegarde des eucalyptus et le tour était joué… Mais non, il lui fallait un régime spécial pour chaque saison à c’t’oiseau ! Enfin, j’écoutais même des enregistrements audios pour apprendre à reconnaitre son chant si particulier (Personnellement, j’aime assez le pop, vers la fin. Comme si il faisait péter une bouteille de champagne !).
Nous étions en mars, ce qui correspond à la fin de l’hivernage chez le Tétras. Bientôt le printemps pointerait le bout de son nez et avec lui la période des amours, beaucoup plus propice à une rencontres. Pour l’instant, le mieux que j’avais à faire, c’était de chausser mes raquettes et de pister l’animal… Tel le trappeur moyen, je me mis donc à parcourir les sites où le Tétras était sensé être présent. Ce qui s’avéra une tache relativement facile en fin de compte, car je n’avais qu’à chercher ses… crottes ! Et ben oui, le tétras est un animal civilisé qui ne fait ses besoins que dans un endroit bien particulier, et toujours le même. Je n’avais donc qu’à parcourir la forêt, les yeux au sol, à la recherche de crottiers bien visibles sur la blancheur de la neige. A ma nièce, qui avait six ans à l’époque, qui me demandait ce que je faisais, je répondais que je cherchais des crottes et ça la faisait bien rigoler…
J’avais pris l’habitude de sillonner la réserve en compagnie d’un autre stagiaire, un étudiant en cynégétique, qui m’apprit tout ce qu’il fallait savoir sur le Tétras ; Son mode de vie, ses habitudes alimentaires… Bref, je commençais à cerner peu à peu l’importance de l’animal, même si jusqu’alors, je n’en avais pas vu la queue d’un. Jusqu’au jour, où, alors que je venais de passer la moitié de la nuit à l’affut près d’une place de chant, je le vis enfin…

Suite au prochain épisode !

samedi 9 août 2008

La police aux ordres de l’Elysée… Et de Pékin.

Ce matin, j’avais décidé de vous faire partager mes impressions sur la manif de RSF prévue hier après-midi. Interdite, puis autorisée, pour être finalement empêchée par la police… J’étais assez remonté, limite énervé. Mes doigts tremblotaient déjà d’excitation et mon cerveau avait emmagasiné suffisamment de petites remarques acerbes et revendicatrices pendant la nuit pour pouvoir étaler tout ça à vos pieds… Donc ce matin, après avoir relevé mes commentaires blogesques, je décide d’effectuer un tour des sites journalistiques pour récupérer des infos fraiches. Et là, c’est la consternation : Rien ! Rien sur cette manifestation, rien sur l’action de la police, rien… Le Figaro et le Monde n’en parlent pas. Libération se fend d’un mini article dans la rubrique sport. Le Parisien, pas un mot. 20Minutes.fr, silence radio. Metro, trois fois rien. L’Humanité, quedalle… Je suis d’abord étonné, puis peu à peu, au fur et à mesure que je fouille les sites, ma tension monte, mon pouls s’accélère et j’enrage de plus en plus. Pour trouver des informations sur les événements, je me rabats sur les chaînes info, I-Télé et BFM.TV. L’Express, le Nouvel Observateur et Le Point.fr sont les seuls sites où je peux trouver quelque chose à me mettre sous la dent…
Alors mes amis, puisque vous n’êtes pas près d’en savoir plus sur ce qui s’est passé à Paris dans l’après-midi d’hier, je vais remplacer ces médiats défaillants et vous conter l’ignominie de notre état policier.
Pendant la durée des Jeux Olympiques, Reporter Sans Frontière ne baisse pas les bras et continu son combat. Pour preuve, déjà dans la matinée (heure de Pékin), l’association avait réussi a pirater une bande FM pour diffuser pendant une vingtaine de minutes, un message d’information en anglais et en mandarin dénonçant le contrôle des médias, la censure et les innombrables prisonniers politiques. Joli coup, surtout quand on pense que cela a été fait avec des émetteurs miniatures et des cannes de marche en guise d’antennes ! La portée de cette action est probablement extrêmement limitée mais elle aura eut le mérite d’être la première émission de radio libre sur le sol chinois depuis 1949. C’est déjà ça.
En France, RSF avait prévu, juste avant la cérémonie d’ouverture des Jeux, une manifestation devant l’ambassade de Chine et mobilisé quelques 300 personnes. Comme je l’annonçais hier dans mes brèves (Oui, la colonne de droite, j’appelle ça mes brèves !) la préfecture de police avait interdit cette manifestation. Contrairement à d’autres villes dans le monde où le même type de défilé avait été autorisé, la France se distinguait encore une fois en jouant le jeu de la dictature chinoise. Appliquant les mêmes méthodes, la préfecture privait pour la première fois, l’association de son droit élémentaire de manifester. Qu’à cela ne tienne, RSF décide alors de se rabattre sur un autre lieu devenu hautement symbolique de la Présidence bling-bling : Le restaurant le Fouquet’s sur les Champs-Elysées. En même temps, RSF introduisait un recours devant le tribunal administratif pour voir se levé l’interdiction qui, en l’espèce, n’avait pas lieu d’être.
Alors que les manifestants s’étaient déjà rassemblés devant le restaurant, la nouvelle tombe. Le tribunal a rendu son jugement et lève l’interdiction. Tout à sa joie, le défilé se dirige donc vers l’ambassade de Chine, rejoint par une autre manif pro-tibétaine, en descendant (Ou, en la remontant, je sais pas comment vous dites les parigots !) l’avenue Georges V. Surprise ! La soldatesque est là, barrant le passage, faisant fi de la décision de justice. Rien n’y fera, ni les demandes répétées par haut-parleur ni les tentatives de contournement du dispositif policier. L’ambassade de Chine reste inaccessible, et elle le restera jusqu’à la fin de la manifestation.
Alors, que peu-on dire de tout ça. Outre le fait que la justice a peut-être encore quelque indépendance dans notre pays, il est flagrant que la police reste aux ordres de l’Elysée. Quoiqu’il puisse se passer le Président Sarkozy ne veut en aucun cas froisser ses hôtes et il le clame haut et fort : « On ne boycotte pas un quart de l’humanité » a-t-il dit. Sauf qu’il ne s’agit pas de ça. Il s’agit plutôt de mettre au ban de cette humanité, un régime dictatorial et liberticide, et de dénoncer une connivence économique hypocrite. Mais ça, il n’y capte rien notre petit dictateur français. Il a certainement dû s’extasier devant le spectacle de la cérémonie d’ouverture, glorifiant le bel ensemble des figurants/militaires. Louant l’image faussée d’un pays qui vit sous le joug. Il faut espérer qu’il n’en retirera pas la lubie de vouloir nous imposer ce genre de démonstration de propagande ! Car il ne faut pas se tromper. Les jeux olympiques sont pour la Chine une occasion unique de communiquer. Une double communication d’ailleurs. Premièrement, il s’agit de montrer à la face du monde que la Chine est toute puissante, conquérante, incontournable pour les années à venir. Deuxièmement, le message s’adresse aux chinois eux-mêmes. Depuis l’abandon tacite de l’idéologie marxiste-léniniste au profit d’un libéralisme débridé, la Chine se doit de trouver un nouveau leitmotiv pour contrôler ses masses populaire. Pour ce faire le gouvernement a choisit la voie du nationalisme exacerbé et nauséabond. Un peu comme la Russie d’ailleurs. Et comme la plupart du temps, ça marche.
Pour revenir sur le traitement médiatique navrant des événements d’hier, il est à noter une chose encore plus navrante. Si on lit attentivement les commentaires qui suivent le peu d’articles consacrés au sujet, on remarque un désintérêt croissant pour la cause des libertés individuelles. Ca et là, se ne sont que critiques sur la gesticulation de Robert Ménard, sur l’inutilité d’une telle lutte. Cela me désespère un peu de notre capacité à nous révolter et me rend inquiet pour notre avenir. Si nous commençons à tolérer les initiatives fascistes de la police, si nous acceptons que notre gouvernement soit complice d’une mascarade propagandiste, notre pays est foutu et court droit dans le mur. En tout cas, ce n’est pas comme ça que, moi, j’envisage l’avenir de mon pays.

mardi 5 août 2008

Vive la celtitude !

Je ne sais pas s’il ya des bretons parmi mes lecteurs, mais je vous rappelle que le Festival Interceltique de Lorient a ouvert ses portes et ce jusqu’au 10 aout. Le festival, c’est l’occasion pour tous les celtes de la terre, et y’en a pas mal, de se réunir et de partager leur cultures via la musique. Cette musique si particulière qui pour ma part, me fais frissonner. Dès que j’entends de la cornemuse, du biniou ou de la bombarde j’ai le pouls qui s’accélère et les pieds qui trépignent. Et pourtant je n’ai vécu en Bretagne que très peu de temps et je n’y suis même pas né !

Je vous rappelle quand-même que la musique traditionnelle celte est à l’origine du Rock… Vous ne me croyez pas ? Alors regardez plutôt la vidéo qui suit, et après on en reparle !


Une lettre d’intention.

Aujourd’hui je vais me faire le relayeur d’un personnage très intéressant pseudommé Sisyphe. Celui-ci publie régulièrement sur le site d’AgoraVox. Il officie également sur un forum auquel je participe (Bibiouland). Sisyphe a porté à mon attention une lettre coécrite par plusieurs responsables politiques de la gauche européenne adressée au tout nouveau Président de l’union, j’ai nommé Nicolas Sarkozy. Cette lettre, en date du 22 mai 2008, dénonce les dérives du libéralisme et enjoint sa sainteté Le Nain de prendre en compte les signes avant-coureurs d’une crise majeure, qui frappera l’Europe dans les mois à venir… Jusqu’à ce jour, aucune réponse n’a encore été apportée. Je gage que notre Glorieux Président Elu ruminera la question pendant ses vacances et qu’il répondra à tous ces illustres opposants dans des termes rassurants et plein d’optimisme ! En attendant voici la lettre en question, cosignée par messieurs Jacques Delors, Jacques Santer, Helmut Schmidt, Otto Graf Lambsdorff, Lionel Jospin, Pär Nuder, Michel Rocard, Hans Eichel, Göran Persson, Daniel Dãianu, Massimo d’Alema, Ruairi Quinn, Poul Nyrup Rasmussen, Eero Heinäluoma, Paavo Lipponen

M. le Président,

Les marchés financiers ne peuvent nous gouverner !

La crise financière actuelle n’est pas le fruit du hasard. Elle n’était pas impossible à prévoir, comme le prétendent aujourd’hui les hauts responsables du monde des finances et de la politique. La sonnette d’alarme avait été tirée il y a des années déjà par des individus lucides. La crise incarne de fait l’échec de marchés peu ou mal régulés et elle nous montre une fois de plus que ceux-ci ne sont pas capables d’autorégulation. Elle nous rappelle également les inquiétantes inégalités de revenus qui ne cessent de croître dans nos sociétés et jette de sérieux doutes sur notre capacité à nous engager dans un dialogue crédible avec les nations en développement concernant les grands défis mondiaux.

Les marchés financiers sont devenus de plus en plus opaques et l’identification de ceux qui supportent et évaluent les risques se révèle être un défi titanesque. Le secteur bancaire dit ‘de l’ombre’, peu ou pas régulé, n’a fait que croître au cours des vingt dernières années. Les grandes banques ont participé à un jeu de « création and distribution » de produits financiers extrêmement complexes et elles se sont embarquées dans la vente, sous un emballage assez douteux, de dettes liées à des emprunts immobiliers à haut risque. Des régimes de primes inadéquats, une vision à trop court terme et les conflits évidents d’intérêt ont encouragé les transactions spéculatives.

Les prêts hypothécaires douteux, basés à tort sur l’idée que les prix de l’immobilier continueraient d’augmenter sans cesse, permettant ainsi de rembourser la dette contractée, ne sont que les symptômes d’une crise plus large en matière de gouvernance financière et de pratiques commerciales. Les trois plus grandes agences de notation au monde ont noté ces drôles de valeurs comme étant relativement sans risque. Une banque d’investissement a gagné des milliards de dollars américains en spéculant à la baisse sur les titres subprime tout en les vendant à ses clients, ce qui résume de façon plus qu’éloquente la perte de toute éthique dans le monde des affaires !

Nous avions été mis en garde des dangers de cette situation. Alexander Lamfalussy et le Comité des sages, dans un rapport sur les marchés des valeurs européennes (2001), ont souligné le lien entre l’apparente efficacité accrue de ces marchés et le prix à payer en matière de stabilité financière. Paul Volker il y a quelques années avait déjà exprimé son inquiétude. Paul Krugman a également pointé le doigt vers les menaces posées par des entités financières non régulées en croissance il y a à peu près une décennie. En 2003, Warren Buffett a taxé les produits dérivés d’« armes financières de destruction massive ». Un rapport de la Banque d’Angleterre sur la stabilité financière a mis en avant le fossé dangereux existant entre les créanciers et les conséquences de leurs décisions.

Le problème réside dans le modèle actuel de gouvernance économique et d’entreprise axé sur une maigre réglementation, sur un contrôle inadéquat et sur une offre trop faible de biens publics.

La crise financière ne démontre que trop clairement que l’industrie financière est incapable d’autorégulation. Il est impératif d’améliorer le contrôle et le cadre réglementaire des banques. Il faut également revoir les cadres réglementaires pour les instruments d’investissement. L’utilisation d’instruments financiers (comme les CDO - obligations adossées à des actifs) doit être réglementée. Toutes les institutions financières devraient, à l’instar des banques, maintenir des réserves minimales et le ratio d’endettement ne peut rester illimité. Enfin, les régimes de primes doivent être revus afin d’éviter que la prise de risques inconsidérés ne soit encouragée sans une certaine prudence.

En ce qui concerne les conséquences de cette crise sur l’économie réelle, il semble que les experts économiques du monde entier aient été frappés d’un accès de timidité. Presque tous les instituts de prévisions revoient leurs évaluations de croissance à la baisse pour les pays développés en 2008 et 2009. Mais personne n’ose dire clairement si l’Europe est menacée d’une récession économique ou pas. Certains symptômes toutefois ne trompent pas. Dans le cas de l’Union européenne, une récession cette année ou l’année prochaine aurait des conséquences dramatiques.

L’inégalité croissante de revenus s’est produite parallèlement à une croissance continue du secteur financier. Il est vrai que les progrès technologiques ont contribué de façon significative à des différences de plus en plus importantes de revenus en favorisant la main d’œuvre hautement qualifiée. Toutefois, les politiques mal avisées ont également eu un impact majeur dans ce domaine. Le capital financier représente à présent 15 fois le produit intérieur brut (PIB) de tous les pays. La dette cumulée des ménages, des entreprises financières et non financières et des autorités publiques américaines représente plus de trois fois le PIB des USA, soit deux fois le niveau enregistré lors du krach boursier de 1929. Le monde des finances a accumulé une masse gigantesque de capital fictif mais qui n’améliore que très peu la condition humaine et la préservation de l’environnement. Cette crise financière a permis de cerner un peu mieux les alarmantes disparités de revenus qui n’ont fait qu’augmenter au cours des dernières décennies. L’ironie de la chose est que les salaires et les primes de nombreux PDG ont atteint des niveaux extrêmement élevés alors que le rendement de leurs sociétés stagnaient ou même baissaient. L’enjeu éthique est donc majeur.

Les libres marchés ne peuvent faire fi de la morale sociale. Adam Smith, père du laisser-faire économique, a également écrit la « Théorie des sentiments moraux » et Max Weber a établi le lien entre le dur labeur et les valeurs morales d’une part, et l’avancée du capitalisme de l’autre. Le capitalisme décent (soit un capitalisme respectueux de la dignité humaine, pour reprendre les propos d’Amartya Sen) requiert une intervention publique efficace. La recherche du profit constitue l’essence de l’économie de marché. Mais lorsque tout est à vendre, la cohésion sociale s’effrite et le système s’effondre.

La crise financière actuelle réduit la capacité de l’Occident à entamer un dialogue plus constructif avec le reste du monde sur les défis mondiaux, sur la gestion des effets de la mondialisation et du réchauffement de la planète - alors que le boom économique extraordinaire de l’Asie pose de nouveaux défis sans précédent.

Les augmentations spectaculaires des prix de l’énergie et des produits alimentaires viennent aggraver les effets de la crise financière et sont de mauvais augure. Il est très significatif que les fonds spéculatifs aient contribué à la hausse des prix des denrées de base. Les citoyens des pays les plus pauvres en seront les plus touchés. Nous risquons de nous trouver face à une misère sans précédent, à une prolifération d’états faillis, à des flux migratoires plus importants et à davantage de conflits armés.

Certains clament haut et fort que l’Europe compte ‘des économies solides’, avec un meilleur contrôle financier et une meilleure réglementation qu’aux Etats-Unis. On pourrait dire qu’il en est en partie ainsi. Mais n’oublions pas les problèmes croissants sur les marchés immobiliers au Royaume-Uni, en Espagne et en Irlande et le marasme économique qui se répand partout en Europe. Pensons également au nationalisme économique et au populisme qui ont tous deux le vent en poupe.

Les décideurs européens, tant au niveau de l’Union que national, doivent apporter une réponse ferme à l’actuelle crise financière. Nous avons besoin de pragmatisme, d’ouverture d’esprit et de coopération dans la poursuite d’objectifs communs.

L’Europe doit étudier ces évolutions et identifier les conséquences prévisibles dans le court et le long terme afin d’élaborer des propositions à l’adresse de la communauté internationale permettant de contrer les effets et les causes profondes de cette crise.

Il est temps de créer un ‘Comité de crise européen’ qui rassemble des représentants politiques de haut niveau, d’anciens chefs d’Etat et de gouvernement ou des ministres des finances ainsi que des économistes renommés et des experts financiers de tous les continents. Ce comité doit se donner comme tâche de :

Procéder à une analyse détaillée de la crise financière dans le contexte plus large que nous avons essayé de décrire plus haut ;
Identifier et évaluer les risques socioéconomiques que comporte la crise financière pour l’économie réelle, en particulier en Europe ;
Proposer une série de mesures au Conseil de l’UE afin d’éviter ou de limiter ces risques ;
Présenter au Conseil des ministres, aux Etats membres du Conseil de sécurité de l’ONU, au directeur général du FMI et à toutes les autorités et instances concernées une série de propositions afin de limiter les effets de la crise et préparer une Conférence financière mondiale afin de repenser les règles de la finance internationale et de la gouvernance concernant les thèmes économiques mondiaux.

En 2000, nous avons convenu de faire de l’Union européenne la région la plus compétitive au monde. Cette ambition a été réitérée en 2005. Nous devons garantir que la compétitivité de l’Europe soit soutenue et non minée par les marchés financiers. Nous devons agir sans plus tarder : pour nos citoyens, pour davantage d’investissements, pour la croissance économique, pour la justice sociale, pour des opportunités d’emplois, et en définitive, pour un meilleur avenir pour tous les Européens.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos sentiments distingués

Si vous ne savez pas encore ce qui risque de nous tomber sur le coin de la gueule dans les tous prochains mois, je vous engage à aller jeter un œil sur le think-tank Europe2020. Après avoir lu ce qui nous attend, essayez de garder le moral quand même ! Cela ne durera que jusqu’en 2013…


Je suis désolé, mais cet article rencontre des problèmes inexpliqués au niveau des commentaires. En effet, ceux-ci m’arrivent bien par mail, mais n’apparaissent pas sur le blog… Alors que sur des articles plus récents, c’est l’inverse. Je n’ai, hélas, aucune explication à vous fournir… C’est peut-être un robot maléfique aux ordres de Ségolène pour torpiller la lettre de Fabius et Rocard !