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jeudi 21 mai 2009

Law & Order made in France

Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais au tout début de l’année, lors de l’audience solennelle de rentrée de la cour de cassation, le Président Glorieusement Élu balançait allègrement un pavé dans la mare en annonçant qu’il souhaitait la suppression du juge d’instruction… A l’époque l’annonce, ainsi que les arguments employés pour la justifier, avait provoquée un tollé de protestations dans le monde de la magistrature.
Moi-même, qui suis attentif à ce genre de sujet, je vous avais pondu un article un peu long sur le sujet, intitulé : Vous avez dit justice ?
Je vous invite à le relire, histoire de vous resituer un peu dans le contexte, et de revoir un peu les arguments qui avaient été les miens pour qualifier cette réforme annoncée de… Grosse Connerie.
Si je vous reparle de tout ça, et si je vous conseil de vous référer à un précédent opus, ce n’est pas dans un souci d’autopromotion rassurez-vous. (J’avoue que comme beaucoup je suis en recherche de reconnaissance, mais je n’en suis tout de même pas à ce point-là…) Non, c’est tout simplement pour ne pas à avoir à me répéter, et comme ça les présentes lignes vous seront beaucoup plus digestes !

M’enfin, pour les flemmards qui ne veulent pas relire l’article, à l’époque je dénonçais une américanisation de notre système judiciaire, et pour ce faire je décortiquais le système US afin que vous saisissiez l’énorme différence que celui-ci a avec le notre… (Enfin, jusqu’à maintenant.) Et notamment, je parlais de la différence fondamentale qui existe entre les deux procédures judiciaires : La notre étant inquisitoire, alors que la procédure anglo-saxonne est d’ordre accusatoire.

Cette injonction présidentielle (car s’en est une) n’était pas née, comme on serait tenté de le penser, comme ça, tout d’un coup, dans l’esprit malade de notre PGE… Non, c’était en fait un des résultats préliminaire d’une commission, appelée le Comité Léger du nom du magistrat qui en a la charge. Cette commission planche depuis octobre 2008 sur la réforme et de la modernisation de notre justice et devrait rendre son rapport pour le 1er juillet de cette année.
Et cette semaine, on apprend par l’intermédiaire du quotidien La Croix, qu’outre la suppression du juge d’instruction, le comité préconiserait une autre « américanisation » de notre système : A savoir, l’introduction du « plaider coupable » dans la procédure.

Le « plaider coupable », appelé aussi « reconnaissance préalable de culpabilité » qu’est-ce que c’est ?
Et bien il s’agit tout simplement d’échanger avec le prévenu du temps d’audience contre une remise de peine. Ni plus, ni moins. Le but affiché étant de facilité le travail de la justice, et de désengorger les tribunaux…
Alors, bien sûr, les esprits tatillons me diront que ça existe déjà pour les délits encourant moins de 5 ans d’emprisonnement… C’est vrai. Le « Plaider coupable » est possible depuis la loi Perben II (2004) et concerne jusqu’à présent uniquement les délits. C'est-à-dire les infractions au code n’encourant que des amendes ou des peines de prison inférieures ou égales à 5 ans.

Mais là, ce que propose le comité Léger, c’est d’étendre cette procédure aux crimes, et donc à la cour d’Assise… Pour les délits, je trouvais déjà la procédure inique et discriminatoire (car il faut alors avoir les moyens de plaider son innocence), mais là, on atteint une tout autre dimension.

Alors je ne vais vous ressortir les arguments moraux qui font de la reconnaissance de culpabilité préalable un non-sens démocratique… (Z’aviez qu’à relire quand je vous l’ai demandé !) Je dirais seulement que cette obsession qu’à Sarkozy de vouloir absolument faire de notre pays une copie conforme des Etats-Unis se confirme encore et toujours. On est dans le grand n’importe quoi.

Pour vous en apporter la preuve, il suffit pour cela que vous sachiez que la mission du comité Léger est de proposer une réforme de la justice selon quatre axes : « Rendre notre droit pénal plus cohérent et plus lisible », « disposer d’outils efficaces pour lutter contre la récidive et la délinquance », « renforcer les droits de la défense » et « mieux prendre en compte les droits des victimes ».

Dors et déjà, je peux vous dire que si cette réforme est adoptée, les deux derniers axes, à savoir les droits de la défense et ceux des victimes, passeront à la trappe. En effet, le prévenu, s’il décide de rentrer dans ce jeu de justice automatique (faute de moyens financiers par exemple), verra les possibilités de se défendre efficacement réduites à néant. Et par conséquent, on va droit vers l’erreur judiciaire à grande échelle.
Quant aux victimes, je ne suis pas sûr que de se voir privées de la possibilité de poser des questions à l’accusé, ni de faire appel servira leur nécessaire travail de deuil…

Il y a aussi une chose qui met en évidence l’incohérence des travaux de ce comité à la noix… D’un côté ils veulent que l’on supprime le juge d’instruction, ce qui aura pour conséquence immédiate d’embouteiller les tribunaux. Et de l’autre, ils veulent que l’on prenne des raccourcis pour désengorger ces mêmes tribunaux…
Faudrait peut-être voir à être un peu logique, non ?

Bref, il me tarde d’être au 1er juillet pour voir ce que tout cela donnera. Mais je peux déjà vous dire que l’on se dirige vers une tempête (encore une) dans le monde de la justice ! Et je ne donne pas cher de la peau du ministre qui va avoir à défendre de telles mesures ! Car il est bien entendu que ce ne sera pas cette chère Rachida qui va se coltiner le bébé… Celle-ci est dors-et-déjà appelée vers une destinée européenne loin de ces juges et de ces avocats qui la haïssent cordialement. Bon vent madame Dati ! Et ne prenez pas froid surtout…