Je voulais vous dire…


Un blog qui parle de politique, de social, d'environnement... De la vie quoi!


jeudi 29 octobre 2009

L’Adoption, une vie en forme de point d’interrogation.

Comment peut-on se prénommer Gwendal, être né à Montréal-Québec, et avoir un père breton et une mère pied-noir ?
Voilà la question à laquelle j’ai du répondre durant toute mon enfance, et ce à chaque fois qu’il fallait se présenter devant la classe aux rentrées scolaires. Encore aujourd’hui, lorsque quelqu’un a la curiosité de jeter un œil sur mon CV, j’y ai droit.

Bien sûr, je pourrais mentir et dire que mon père avait été consul de France à Montréal… Mais cela serait faux. Mon papa à moi il est ébéniste, et je suis plutôt fier de ça. En plus je n’aime pas mentir, ce n’est pas pratique comme attitude…

Alors, dans ces cas-là, je dis la vérité. Je dis que j’ai été adopté au Canada parce qu’à l’époque il n’y avait pas assez d’enfants abandonnés en France.
Quand j’étais gamin, ce genre de réponse m’attirait tout de suite de la sympathie et un flot continu d’autres questions. Maintenant que je suis adulte ( ?), j’ai plutôt droit à un regard compatissant, voire quelquefois gêné.
Bon, j’ai l’habitude maintenant, et je sais comment désamorcer ce genre de situation. Une boutade et un sourire, et on passe à autre chose. Mais le fait est que dans l’esprit de mon interlocuteur, cette révélation a souvent un effet déstabilisant. Un peu comme si je devenais un être à part, bizarroïde. Je devine derrière ces sourires et ces regards curieux d’adultes, les mêmes questions dont m’abreuvaient jadis les enfants. A la différence que les adultes eux, n’osent plus me les poser…

Mais bon, je les connais par cœur ces questions. Elles pourraient d’ailleurs se résumer en une seule : Qu’est-ce que ça fait d’être adopté ?

Bien sûr, je sais bien que derrière cette question, il s’agit du propre questionnement de mon interlocuteur… On en est tout là. Qui suis-je, où vais-je, et cetera. C’est bien le propre de l’homme que de s’interroger sur lui-même, et les enfants adoptés ne se posent pas plus de questions que les autres. Ils se les posent différemment, c’est tout.

Au cœur de ce questionnement il existe une constante qui est l’incertitude. L’incertitude de ses origines pour les adoptés sous X, et l’incertitude tout court pour les enfants naturels.
Vous voyez de quoi je veux parler ? Est-ce que je suis bien le fils de mon père ? N’y a-t-il pas eut d’échange de berceau à la maternité ? Toute ma vie n’est-elle pas un monstrueux mensonge ? Peut-être que je suis le fils d’un roi et d’une reine qui viendront me chercher un jour ?
Tous les enfants se sont posés un jour ce genre de question, et la littérature regorge d’histoire de ce type. La grande différence avec les adoptés, c’est que pour eux la question est connue. Elle est posée sur la table et non-pas dissimulée sous une façade de culpabilité.

Si je vous parle de ça, c’est parce qu’hier, mercredi, on a appris que l’état ne s’opposerait pas à une décision de justice remettant en cause les règles fondamentales du droit au secret qui régissent l’accouchement sous X. En effet, un tribunal a accordé aux grands-parents biologiques supposés d’une petite fille, le droit de faire faire des tests en reconnaissance de filiation dans le but de faire valoir leur autorité.
Bon l’histoire est un peu plus compliquée, comme dans la plupart de ces histoires, mais le fait est que la jurisprudence vient d’ouvrir une sacrée brèche dans la tradition.

Car la possibilité que notre société offre à une mère d’abandonner son enfant au soin de la collectivité sans qu’il ne lui soit demandé aucune justification date de l’antiquité. Elle est aussi ancienne que notre civilisation. Elle permet à la fois de soutenir la vie à venir de l’enfant. Mais également autorise, en coupant par la loi le lien qui unit l’enfant à sa mère, cette dernière à continuer sa vie. Une vie débarrassée de la responsabilité qu’incombe l’éducation d’un enfant. Une vie débarrassée de la culpabilité face à la société.

Nombreuses sont celles qui ont recours à cette « amnistie ». Victimes de viol, mères trop pauvres, ce dispositif relève à mes yeux de la bonne et juste tradition.

Et c’est cette bonne et juste tradition que ce jugement risque de remettre en cause. Il est soutenu par un lobbying important mené par des associations diverses d’enfants adoptés qui luttent depuis des années pour supprimer l’accouchement sous X des tables de la loi. Ces groupuscules aux idéaux confus mais cependant clairement d’inspiration protestante anglo-saxonne considèrent que le lien du sang prévaut sur celui de la famille d’accueil. Quelque soit la vie de l’enfant ou bien celle des parents.
Encore une fois, j’y vois une intrusion de la pensée néolibérale au sein de notre structure de fonctionnement issu de la tradition catholique et romaine.
Je sais, il s’agit là encore de mon cheval de bataille qui (re)pointe le bout de son museau… mais que voulez-vous, plus j’y réfléchis, plus je pense que ma théorie tient la route.

En ce qui me concerne (puisque je suis concerné), je considère qu’il ne faut pas revenir sur cette tradition de l’abandon anonyme. Cela va peut-être vous paraitre paradoxal, mais je pense que même s’il est bon que l’enfant, puis plus tard l’adulte, se pose tout un tas de questions, il n’est pas forcément utile qu’on lui apporte des réponses.

Tous les enfants doutent un jour dans leur vie. Tous. Et comme je l’ai dit plus haut, les adoptés ont l’avantage de pouvoir douter en toute légitimité. Cependant, même s’il est normal et probablement également sain de douter, savoir la vérité peut parfois faire plus de mal que de bien.

Je conçois que d’autres comme moi, n’arrivent pas à vivre correctement leur vie sans avoir de réponses à leurs questions. J’ai été comme ça moi aussi. Mais finalement je crois que ce n’est pas cela qui est important.
Ce qui est important, ce n’est pas ce qu’on aurait pu être si l’on n’avait pas été abandonné. Ce qui est important c’est ce que nous sommes. Là, maintenant.