Je voulais vous dire…


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jeudi 5 mars 2009

Des empires et de la liberté…

Avertissement : Aujourd’hui je vous propose du lourd et du copieux. Aussi, je vous invite à prendre le temps qu’il faut pour digérer tout ça ! Si vous n’avez que deux minutes devant vous, c’est pas la peine ! Revenez quand vous aurez le temps…

Quand j’étais petit garçon, on avait coutume de dire que ce qui se passait en Amérique, arrivait chez nous en France dix ans plus tard… Je l’entendais tellement ce concept que, comme la plupart des gens j’ai eu tendance pendant des années à le considérer comme allant de soi. Un peu comme si il était normal que les objets, comme les idées, migrent de l’ouest vers l’est, à la faveur de je ne sais quel courant marin. Bien sûr, le temps passant, et les moyens de communication se modernisant, la vitesse de cette migration c’est accélérée et bientôt, ce n’est plus dix ans qu’il fallut attendre pour voir débarquer chez nous les bienfaits de l’american way of life…

Dans les années 70-80, celles de ma prime jeunesse, mon père passait son temps (et le passe encore) à maudire tout ce qui pouvait venir de là-bas. Appelez ça de l’antiaméricanisme primaire si vous le voulez, et vous auriez raison car mon père était un gaulliste convaincu. Né en 1931, il avait connu enfant l’occupation allemande pour ensuite subir celle des américains… Oh, bien sûr c’était différent comme occupation, mais elle n’en était pas moins oppressante pour ceux qui comme lui s’ancraient dans la ruralité… Le changement c’est bien, mais à petites doses !
Aussi, moi gamin, je m’amusais beaucoup de le voir pester dès que j’utilisais un anglicisme, ou que j’écoutais du Genesis un peu fort…
« Encore une de tes conneries américaines ! » disait-il. Et moi je rétorquais malicieux : « Non Papa, c’est un groupe anglais… ». Bref, je m’amusais beaucoup.
L’esprit de contradiction étant assez présent chez moi, je me mis à m’intéresser vraiment à ce qui se passait de l’autre côté de l’Atlantique. Autant pour faire râler mon père que pour tenter de « deviner » ce qui allait se passer dans nos vies quelques années plus tard !
Toutes les choses qui venaient de là-bas étaient forcément bien, car elles avaient comme vertu première d’apporter le changement et la modernité. La première télévision en couleur, le premier Mac Donald sur les Champs Elysées… Tout ça c’était nouveau, donc ça ne pouvait pas faire de mal. Et puis n’était-ce pas ainsi que les choses devaient se passer ? Les américains, s’étaient les gentils qui nous avaient sauvé des allemands et qui nous protégeaient des affreux communistes planqués derrière leur mur et leurs missiles. Le monde était ainsi fait, et son fonctionnement semblait convenir à la majorité des gens… Alors pourquoi remettre tout ça en question ?

Et puis j’ai grandi. Je suis allé à l’école, et on m’a appris plein de choses sur les Etats-Unis. J’ai appris que même si le monde ne se résumait pas à ces deux pays, nous avions cependant une histoire commune. Ou du moins, qu’entre la notre et la leur, il existait de nombreuses similarités. J’ai appris que pendant un temps, nous avions plein de terres là-bas aux Amériques. Que cela se voyait encore dans la culture de la Louisiane ou bien chez les voisins canadiens avec le Québec… Nous étions en quelque sorte des nations sœurs, liées entre elles par d’indéfectibles liens. D’ailleurs les américains n’avaient-ils pas débarqués en 1917 en proclamant « La Fayette nous voilà ! » ? Et tout ça en mémoire du coup de main qu’on leur avait filé en 1780 pour mener à bien leur révolution et avant de faire la notre… Si c’est pas de la complicité historique ça ! (Z’avez vu ? j’ai bossé les référence!)

Mais, à l’école, j’ai surtout appris que les choses de ce bas monde étaient liées entre elles, et que bien malin était celui qui serait capable d’en tirer des lois immuables. A moins d’y passer sa vie entière, et encore…

A votre avis, pourquoi je vous raconte tout ça ? Non, parce que je sais que ça peut paraitre un peu long comme entrée en matière (car s’en est une), et je suis sûr que vous vous demandez où je veux bien en venir…
Si-si ! Ne dites pas le contraire, j’en vu un ou deux se poser la question ! Cécile ! Oui c’est de toi que je parle ! Non, l’autre Cécile ! Oui toi… J’ai bien vu à ton air interloqué que tu te posais la question…
Et bien je vais y répondre… Si je vous parle de ça, c’est que depuis un petit moment, je me pose la question de savoir ce qu’est exactement le concept de l’état et son corollaire, la liberté individuelle… Et cette question je me la pose dans la perspective d’une comparaison avec le model américain libéral qui, comme les télévisions couleurs et les Mc Do’, à tendance à vouloir nous être imposé…
Vaste sujet n’est-il pas ? (Y s’passe de ces trucs dans la tête du Gwen des fois, c’est dingue !)

En fait, pour tout vous dire, je me pose cette question dans ces termes depuis la crise… Et les tentatives de chaque gouvernement pour la résoudre. Et je me suis rendu compte que toute les propositions que chacun faisait, se résumaient en gros à savoir ce que devait faire l’état. Celui-ci devait-il intervenir ? Et si oui, dans quelle mesure ? Et j’ai donc commencé à réfléchir…

Cette question, elle est à mon sens, primordiale. Elle est primordiale parce que si l’on réfléchit bien, c’est de cette conception de l’état, et le rôle que celui-ci est sensé jouer, que va découler la position politique des citoyens. Autrement dit, la façon dont chacun positionne l’état dans son paysage personnel, et se positionne par rapport à lui, va influer sur ses idées politiques et donc sur son comportement personnel. A moins que ce ne soit l’inverse… On va bien voir !

Historiquement, nous l’avons vu, les Etats-Unis et la France sont issus d’un même processus révolutionnaire. Ici comme là-bas, il a s’agit de se débarrasser de l’oppression qui régissait nos pays respectifs, pour donner au peuple la possibilité de s’élever par lui-même et de revendiquer un même concept. La liberté.
Sauf que, et c’est là que les choses diffèrent entre nos deux pays, aux Etats-Unis on a privilégié la liberté individuelle, alors que chez nous nous avons préférés mettre en avant une conception plus collective de la liberté… Pourquoi ? Et bien tout simplement pour des raisons lointaines et obscures qu’on pourrait faire remonter à l’empire romain… Ou plutôt à la fin de l’empire Romain.
A cette époque la civilisation occidentale se scinda en deux : Le monde Romain, et le monde Germain. Cette division se perpétua au cours des siècles et perdure de nos jours dans des survivances incongrues comme le concordat en Alsace Loraine, ou bien encore dans les registres cadastraux de nos communes. La France située à la frontière de ces deux mondes est un exemple passionnant à observer, car elle garde dans son Histoire et dans sa Géographie les traces de se partage… (La Suisse aussi d’ailleurs)
Il existe également deux conceptions du droit, le droit romain et le droit germain. De ces deux conceptions ont découlées deux organisations différentes de la société. Ce partage, on le retrouve également dans le schisme de l’église protestante et anglicane, qui par un effet de cristallisation, concentra en un dogme différent les caractéristiques de cette partie de la société. Pour parler clair, au nord de l’Europe, on ne pensait pas comme dans le sud de l’Europe. Et non seulement on ne pensait pas comme ailleurs, mais la place qu’occupe chaque citoyen au sein de la cité est conçue de manière différente, selon que l’on soit du nord ou bien du sud.
Je vais vous raconter une histoire et vous allez voir que vous allez comprendre… (Chouette une histoire !).
La crête du Jura, dans la partie basse du massif, est située exactement sur la frontière entre ces deux mondes antiques. Sur le versant nord de la montagne, lorsque l’on regarde le cadastre des propriétés foncières, on s’aperçoit que celle-ci sont toutes petites et qu’il n’existe pratiquement pas de terres dédiées à la commune. Au sud c’est le contraire. Les propriétés privées sont plus grande, et la part des communes est beaucoup plus importante, voir prédominante. Et bien cela vient directement d’une conception du droit qui perdura jusqu’à l’Empire. Dans le droit germain, les enfants héritaient tous d’une part du patrimoine familial, au sud s’était le fils ainé qui héritait. Au final, plusieurs siècles plus tard, le foncier se retrouve éparpillé en une multitude de propriétaires au nord, alors que la cohésion patrimoniale est maintenue au sud. De même, au sud, lorsqu’il n’y avait pas d’héritier, c’était l’Eglise (puis la commune) qui héritait des biens légués… Alors qu’au nord, on trouvait toujours quelqu’un pour toucher le pactole ! Il s’en est suivi donc, au fil des siècles une conception complètement différente de la propriété. Et de là, une conception du bien commun. Au sud, les paysans pauvres pouvaient compter sur l’octroie de quelques servitudes au sein de la propriété communale, comme l’affouage au le pacage. Alors qu’au nord, les pauvres ne pouvaient compter que sur la charité donnée à titre individuel. Cette charité devint même un critère social, puisqu’elle ne tarda pas à devenir publique et revendiquée.

Bien évidemment, la religion accompagna cette compréhension de la propriété et du bien commun. Au nord, sous la poussée des saxons, issus de germains rappelons-le, l’église catholique se scinda lors du grand schisme du XVIème siècle. Là encore, on retrouve au sein de la morale anglo-saxonne la prédominance de l’acte individuel sur l’effort collectif. Par exemple, lorsqu’un catholique traditionnel pèche, il se doit de confesser son pécher devant un prêtre… La confession l’absout et la suite se passe entre Dieu et le pécheur. Dans les églises issues du schisme (Baptistes, protestantes et autres), le pécheur se doit de faire pénitence publique et de racheter sa faute aux yeux des autres membres de sa communauté. Le pardon se transforme alors en un acte social comme un autre, et la charité publique un instrument de promotion sociale. Là encore, on retrouve la mise en avant de l’individu et de sa démarche personnelle, et celle-ci n’est valable que si elle est publique, c'est-à-dire jugée par les autres…

Et c’est pourquoi, selon moi, les révolutions respectives de nos deux pays, la France et les USA, n’engendrèrent pas le même genre de société. Ni, par voie de conséquence, la même conception du mot « liberté », et donc la place de l’individu par rapport à la collectivité.

On s’accroche, j’ai bientôt fini…

On le sait, le libéralisme est une notion inventée au XIXème siècle par les anglo-saxons. Inventée, ce n’est pas vraiment le terme… Puisqu’elle est l’immédiate conséquence de cette vision protestante du monde. La liberté individuelle prime sur tout, même sur le collectif. L’état est nécessaire mais il ne doit en aucun cas s’opposer à la liberté individuelle. Chaque citoyen est libre d’entreprendre, de discourir, de prôner sa propre voie et il est inconcevable qu’une règle collective, une loi, l’empêche de jouir de cette liberté. La réussite personnelle est érigée en model. On crée des notions telles que « winner/looser », « self made man », « struggle for life », qui décrivent au mieux la nécessaire combativité que l’individu est sensé déployer tout au long de sa vie… Bien évidemment, ceux qui ne réussissent pas à gagner cette guerre de la survie, peuvent néanmoins compter sur la charité prodiguée par les gagnants… D’ailleurs, le système est ainsi fait. L’aide au nécessiteux et aux malades de tous poils est de l’ordre de l’acte privé. Ce n’est pas le rôle de l’état, et il serait même indécent que celui-ci se substitue à l’individu pour aider le « perdant » à relever la tête… C’est logique, puisque celui-ci est responsable de lui-même, et que la liberté de réussir commence par le fait de ne pas privilégier une catégorie plutôt qu’une autre…
Un dernier exemple qui me semble parlant. Aux USA la notion de non-assistance à personne en danger n’existe pas…

Ailleurs, chez nous, dans les sociétés issues du monde romain, on ne voit évidemment pas les choses de la même façon. L’état représente une part beaucoup plus importante dans nos vies, puisqu’il est l’émanation du collectif. Chaque individu est responsable de lui-même, oui. Mais il a également une responsabilité envers les autres. Cette responsabilité envers les autres, il l’a confié au collectif qui agit au nom de l’individu… Il ne s’agit pas de substitution, je le précise, mais bien d’une émanation. Le citoyen croit fermement en la mission de l’état, puisque c’est la sienne ! Dans ce type de société, l’initiative individuelle n’est pas pour autant proscrite. Elle est surveillée par tout le monde et encadrée par des lois, car il ne faut pas qu’elle entre en conflit avec l’initiative collective. Lorsqu’un individu s’élève au-dessus des autres, il est épié de toutes parts et son statut est souvent remis en cause. Non pas par jalousie comme il serait facile de le penser, mais plutôt parce que l’individu ne doit jamais menacer les pouvoirs du collectif. En conséquence, faire état de sa fortune ou de son statut, est plutôt mal vu… De même lorsqu’une personne est dans la misère ou bien malade, c’est l’état qui prend soin d’elle. L’aide aux autres est d’ordre publique, et toute initiative privée est considérée comme une façon de vouloir se substituer au collectif, ou bien parce que celui-ci a manqué à son devoir. Par exemple, les Restos du Cœur ont fêté leurs vingt ans… Et bien, dans notre type de société, c’est plutôt considéré comme un triste anniversaire… Ce type d’association ne devrait même pas exister !

Bien… Pour conclure (parce qu’à un moment il faut bien s’arrêter même si il y aurait de quoi écrire un bouquin entier sur le sujet) voilà comment moi j’ai compris les choses… Deux mondes, deux conceptions de la place de l’individu dans la société, deux façons d’appréhender la liberté…
Bien sûr, avec la modernisation des moyens de communication les idées, les concepts de vie, ne sont plus resté cantonnés au sein de leur frontière géographiques respectives. Ils se sont imbriqués les uns dans les autres en un glorieux pataquaisse que nous appelons la politique !
Je note pourtant, que les dogmes anglo-saxons ont une tendance à se propager plus vite que les autres… Cela est sans doute dû à une conception plus « agressive » de la vie en communauté, d’une part, et d’autre part à un prosélytisme économique et culturel beaucoup plus virulent. De même je remarque qu’aux USA le désintérêt pour la vie de la cité et la politique simplifiée à l’extrême (bipartisme) va de paire avec la conception individualiste de la liberté…
Un jour, j’ai vu à la télévision une femme américaine qui disait que chez nous, nous n’étions pas libres. Cela m’avait choqué au plus haut point, car personnellement j’ai l’impression d’être libre ! Mais j’ai également l’impression de faire partie d’un tout, et j’accepte par conséquent les règles qui régissent ce tout… Je crois sincèrement que l’antique Rome a engendré une société où les individus sont pourvus d’une conscience collective, et que cette conscience est la chose qui nous différencie des sociétés issues du monde Germain…

Tout ce que je viens de dire est le fruit d’une réflexion que je mène depuis un certain temps déjà. C’est une réflexion personnelle qui ne s’est abreuvée à aucune source littéraire, ce qui explique pourquoi il y a si peut de liens et de références… Cela n’exclut donc pas le fait que cette réflexion n’est pas finie, et que je peux me tromper ! Si vous avez une autre façon de voir les choses… ne vous gênez pas pour nous la faire partager !
Merci pour votre attention, et désolé pour la longueur…