Je voulais vous dire…


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samedi 20 décembre 2008

Une histoire niçoise

L’histoire se passe en une belle matinée ensoleillée de ce jeudi 4 décembre. Ce jour là, j’avais rendez-vous à 9H00 avec mon chirurgien pour mettre au point l’organisation de la petite intervention que je vais subir mardi prochain. Bref, mon rendez-vous terminé, il était somme toute assez tôt dans la matinée et le soleil brillait, ce qui fait que j’avais envie de trainer un peu avant de reprendre la direction de mes pénates… Je ne vais pas souvent dans le centre ville de Nice pour la simple et bonne raison qu’une demi-heure à trois-quarts d’heure de bus, et bien, c’est un truc qui ne me botte pas plus que ça. Aussi, chaque fois que je vais voir mon chir, j’en profite pour faire deux choses : Je passe chez Virgin ou à la Fnac pour m’acheter un bouquin ou un jeu vidéo (c’est mon étape culturelle), et je ne manque pas de rendre une petite visite à un ami d’enfance qui tient boutique non loin de la place Masséna (c’est mon étape sociale).

J’avançais d’un bon pas (c’est une image !) vers le magasin de mon pote quand mon attention fut attirée par le corps inerte d’un SDF. Il était là, allongé, apparemment inconscient, en avant de quelques mètres par rapport aux arcades.
Je sais pas vous, mais moi lorsque j’assiste à ce genre de choses, je suis plutôt… Partagé. Ouais, c’est ça, partagé avec tout plein de points de suspension derrière.
Partagé donc entre le désir de fermer les yeux, de passer mon chemin, de faire comme si j’avais des trucs hyper importants à faire, et une espèce de vieux sentiment venu d’on ne sait où qui me pousse à porter un secoure qui, comble du comble, risque de ne même pas être apprécié à sa juste valeur. Apparemment on ne doit pas être beaucoup à se poser ce genre de dilemme, parce que pour la plupart des gens que j’ai vu, leur décision semblait belle et bien prise : Ils avaient plein de chose à faire !
Le type gisait, je vous l’ai dit, un peu en avant des arcades. Au soleil. Je me suis dit qu’il ne devait pas être si mal que ça pour avoir eu la présence d’esprit de se mettre sous ses rayons protecteurs, et sur le coup cela me rassura dans mon dilemme. Le problème, c’est qu’il était également à moins de deux mètres des rails du tramway… Et à cette heure, des trams il en passe un toutes les six minutes… Y’en a certainement un qui est déjà passé, je me suis dit… Je suis sûr que quelqu’un à déjà appelé les pompiers on fait le 115… Il a bougé ou j’ai rêvé ?

J’en étais là dans mes hésitations quand deux policiers municipaux à vélo se sont arrêtés près du SDF pour s’enquérir de son état, et accessoirement le faire dégager de là. A moins que ce soit dans le sens inverse et que le fait d’effacer cette tache d’un des fleurons touristiques de la ville soit prioritaire sur l’état de santé de ladite tache.
En fait on ne le saura pas, mais on se doute un peu des priorités pragmatiques qui régissent les petits hommes et femmes en bleu qui pullulent dans ma ville. La ville où Christian Estrosi est le maire s’il est besoin de vous le rappeler.
Moi, en fait, j’étais bien content que l’intervention de la maréchaussée mette fin à mes tergiversations… Je ne suis pas très à l’aise lorsque ma lâcheté naturelle se confronte avec mes aspirations humanistes. C’est très gênant lorsque votre tête vous dit « fais quelque chose ! » et que le reste de votre corps, jambes et boyaux compris, vous dit « passe ton chemin ! ».
Chose importante, les deux agents municipaux à vélocipède étaient des femmes.

Entendons-nous bien, je n’ai rien contre le fait que des femmes revêtent l’uniforme de la police… Je serais même plutôt pour, car les femmes sont en générale moins encline à la violence et préfèrent le dialogue… Mais en même temps, vous pourriez me dire qu’une femme est plus vicieuse qu’un homme et que l’uniforme a tendance à accentuer ce défaut… Mais baste ! Ce n’est pas le sujet, et en plus je risque de me mettre à dos 70% de mon public qui est féminin !
Mais, dans l’histoire que je vous raconte, le sexe des policiers a son importance, aussi je me devais le signaler.

Où en étais-je… Ah oui ! Les deux policières tentèrent donc de réveiller le pauvre hère échoué sur le pavé… Ceux qui s’inquiétaient de l’état de santé du bonhomme furent rapidement soulagés, car aussitôt qu’il ouvrit les yeux, celui qui n’était qu’une misérable tache sur une jolie carte postale se révéla être une tache avec une voix de stentor, passablement avinée et particulièrement marri de se voir ainsi détourné des bras de Morphée.
Vingt Dieu qu’il gueulait le bougre ! A un tel point que les deux filles semblaient n’en mener pas large.
A ce moment là, ce sont les cris du SDF et la perspective d’un dérapage policier qui me firent penser à sortir mon appareil photo (que j’ai en permanence dans mon sac) et à me poster de manière à embrasser toute la scène. Oui, je l’avoue ce n’est pas très glorieux comme raison, mais que voulez-vous, je ne suis qu’un homme… Vous pourriez me dire que j’aurais pu le faire avant, mais photographier la misère humaine, je sais pas faire. C’est pas que je n’en ai pas envie, je sais pas faire, c’est tout. Je suis plus doué avec la nature et les paysages qu’avec les gens, c’est comme ça.

Donc, le type gueulait. Et pas que des gentillesses, je peux vous l’affirmer… « Salopes ! », « Allez vous faire enculer ! », voilà en gros qu’elle était la teneur de son discours. Je vous l’ai dis, les deux nanas semblaient un peu dépassées par les événements, et un petit coup de radio fut sans doute nécessaire pour que rappliquent deux ASVP mâles, histoire de faire le poids face à la véhémente rébellion. Le petit groupe se trouva bientôt rejoint par un véhicule utilitaire blanc conduit par deux autres femmes. Je me suis dis : « Tien ! Voilà la fourrière… ».
Manifestement, le monsieur ne voulait, ou ne pouvait, embarquer dans le véhicule. La perspective de se retrouver dieu seul sait où ne devait pas vraiment l’enchanter. De plus, là, en plein soleil, il devait penser que sa place était sans doute bien plus agréable que dans un foyer quelconque. Parce que je ne sais si vous le savez, les SDF à Nice, on ne se contente pas de les cacher sous le tapis ! On les envoie dans un centre situé au Mont Chauve. C'est-à-dire à plus de 10 Km du centre ville (voir carte), dans un endroit paumé sans lignes de bus ni rien autour… On les embarque, et il leur faut au moins la journée pour revenir tacher la carte postale.
L’embarquement promettait donc d’être sportif.

C’est à ce moment que je me suis fait repérer. Une des donzelles mal fagotée de bleu (vous avez remarquez que l’uniforme ne pardonne aucune rondeur ?), m’a fixé alors que je levais mon appareil dans sa direction. Elle s’est ensuite retournée vers ses collègues pour, je suppose, les informer que quelqu’un les observait… S’ensuit un moment de flottement. Je vois bien que le petit groupe hésite à agir… Moi-même, j’hésitais sur la conduite à tenir… Est-ce que je devais continuer à les observer au risque de m’attirer des ennuis ? Ou au contraire suivre le judicieux conseil que m’avait transmis la jeune femme par le biais de son regard ? Casse-toi me disait-il. D’ailleurs mon corps avait parfaitement perçu le message lui ! J’avais été pris d’un frisson… Un frisson qui est comme chacun sait, un réflexe préparatoire à la fuite chez les mammifères.
Mais non, mon cerveau réussit à contrôler tout ça, et je persistais à ne pas bouger d’où j’étais. Je faisais juste gaffe à être encore plus discret lorsque je prenais une photo…

Quelques minutes plus tard, je vis débarquer les pompiers. En deux temps trois mouvements une civière fut débarquée, le type posé avec ménagement et professionnalisme dessus et le tout renfourné dans le beau camion rouge. Direction : Heu… je ne sais pas. Les urgences psychiatriques j’imagine, car c’est très souvent là qu’échouent les âmes torturées et les taches sur les cartes postales.

Voilà, le spectacle était terminé. Les agents se sont dispersés pour retourner à leurs occupations sans doute très importantes. Moi, je suis entré dans le magasin de mon ami pour lui relater l’événement… Ou le non-événement, c’est selon.

Vous vous demandez certainement pourquoi je vous ai raconté cette histoire, non ? C’est vrai quoi ! Vous venez de vous taper quelques 1500 mots, et j’imagine que vous êtes un peu curieux sinon vous n’en seriez plus là à me lire…

Si je vous ai raconté tout ça, c’est la faute à un article que j’ai lu dans la colonne des brèves de la TéléLibre.fr. Cet article parlait de deux photographes de presse agressés (je pèse le mot), par des policiers pour les avoir photographiés en pleine action. La lecture de cet article m’a fait alors me souvenir de cet épisode et je me suis mis à réfléchir… Oh ! Ca fait bien deux jours que je réfléchis, et pour ne rien vous cacher j’en suis toujours avec les mêmes questions sans réponses !

Tout d’abord, pourquoi n’ai-je sorti mon appareil photo que lorsque j’ai présumé que les choses allaient, peut-être, mal se passer ?
Suis-je un adepte du sensationnalisme qui ne s’intéresse à la misère humaine que lorsque celle-ci risque d’être spectaculaire ? Mon militantisme citoyen est-il simplement orienté vers la dénonce qu’il en oubli de relater des événements anodins ? Mon ami, m’a fait la remarque à ce propos ; Pourquoi ne devrais-je témoigner que des choses qui se passent mal et ne rien dire quand cela se passe bien ? Parce que si je n’étais pas tombé sur cet article de la TéléLibre, il y a de grandes chances que jamais je ne vous parle de cette matinée du 4 décembre…
Ensuite, dans quelle mesure, le fait de m’être fait repérer par la maréchaussée à modifié son comportement ?
Je ne sais plus qui à dit un jour que le simple fait de prendre en photo quelqu’un ou quelque chose modifiait le comportement du sujet… Dans cette histoire, c’est peut-être le cas ? Si je n’avais pas été là, peut-être que le bonhomme aurait été embarqué sans ménagement dans la fourgonnette blanche ? Ou peut-être pas. Mais si, effectivement ma présence a conduit la police à modifier son comportement en mieux, est-ce que j’ai accompli un acte citoyen ? Qu’elle est ma responsabilité dans cette affaire ? De simple spectateur je serais donc devenu acteur ? Et puis, pourquoi est-ce que je présume forcément que la police est susceptible de mal se conduire ? Sui-je à ce point désabusé ?

Grrr !!! C’est compliqué tout ça ! Et les questions sans réponses ont le don de m’énerver ! Alors, si vous avez quelques pistes de réflexion à me proposer, je suis preneur !

Il y a cependant une réponse que je peux déjà vous soumettre. Je reste persuadé que le fait de se savoir observées, est susceptible de tempérer le comportement de certaines personnes. Aussi, je sais que je vais continuer à me balader avec mon appareil photo et prendre des clichés... Je crois que ça vaut le coup. Et si jamais un jour j’ai des ennuis à cause de ça, et bien… On verra bien !

Au fait ! La veille du jour où se déroule cette petite histoire, le maire de Nice, Christian Estrosi, luttait lui aussi à sa manière contre les inégalités et la misère sociale… Jugez plutôt, et vous me direz si l’image de la tache sur la carte postale est justifiée ou pas…



Allez ! Je vous souhaite un bon week-end ! Bises au chien et caresses aux enfants!