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mardi 11 mai 2010

Le casier judiciaire : Nouveau sésame pour l’emploi ?

Salut tout le monde.

Bien, aujourd’hui je voulais aborder avec vous un sujet qui me prend la tête depuis... hier.
Ok, vous allez me dire que si ce n’est que depuis hier, on ne peut pas vraiment dire que c’est une vraie prise de tête. Tout juste un titillement cérébral, on va dire alors...
Alors voilà, je vous raconte.

Hier, j’étais à ma séance de l’atelier de réinsertion comme il sied à un lundi, lorsque j’ai été interpellé par l’expérience d’un collègue. Celui-ci nous disait, à tous, qu’il avait dû présenter un extrait du casier judiciaire pour pouvoir postuler à un emploi de, tenez-vous bien, manœuvre en bâtiment.
Aussitôt, comme j’étais relativement en forme après avoir visionné la vidéo de Méluche (voir l’article d’hier), j’ai commencé à monter dans les tours et à m’insurger contre cette inique et, le croyais-je, illégale demande.

La Madame D qui officiait ce jour-là, m’explique alors qu’il n’y a rien d’illégal là-dedans et qu’il est légitime de s’enquérir du passé judiciaire d’un futur employé... Et de supposer par exemple, que ledit employé pourrait être amené à prendre en charge un véhicule de la société et que savoir si le type à eu un retrait de permis pourrait être utile à l’employeur...

Mouais... Et le droit à l’oubli alors ? Et le principe de rédemption qui sous-tend le système judiciaire français, ce ne serait que du vent ?

Bref, je n’étais pas vraiment convaincu par les explications de Madame D, et j’ai donc décidé de fouiner un peu et d’aller chercher l’information à la source. C'est-à-dire dans le code du travail et le code de procédure pénale.
Après une petite heure de recherche, navigant de forums en explications contradictoires, j’ai finalement réussi à faire une petite synthèse, et je me suis dit que je pouvais vous en faire profiter.

Ouais je sais. Je suis hyper sympa comme mec.

Bien, alors voilà :

Effectivement un employeur peut demander à un « postulant » de fournir un extrait de son casier judiciaire. Je sais c’est malheureux mais c’est comme ça.
Mais tout dépend en fait de quelle partie du casier judiciaire on parle, car il en existe trois.

Bulletin n°1
Il comporte l'ensemble des condamnations et des décisions portées au casier judiciaire (certaines de ces informations sont retirées après expiration de délais, amnisties, réhabilitations).

Le bulletin n°1 n'est remis qu'aux autorités judiciaires.

Bulletin n°2
Il comporte la plupart des condamnations figurant au bulletin n°1 à l'exception notamment des condamnations prononcées à l'encontre des mineurs, des décisions étrangères, des contraventions, et des condamnations avec sursis lorsque le délai d'épreuve a expiré.

Le bulletin n°2 est destiné à certaines autorités administratives et militaires pour des motifs précis : accès à un emploi public, obtention d'une distinction honorifique par exemple.

Bulletin n°3
Le bulletin n°3 ne comporte que les condamnations pour crime ou délit à un emprisonnement de plus de deux ans sans aucun sursis (ou dont le sursis a été entièrement révoqué), les peines d'emprisonnement inférieures à deux ans si la juridiction a ordonné leur mention au bulletin n°3.

Ce bulletin ne peut être remis qu'à l'intéressé lui-même, ou à son représentant légal.

Le seul bulletin qu’un employeur peut être susceptible de demander c’est le numéro 3. S’il en fait la demande auprès de l’employé, celui-ci doit s’exécuter.
Il fut un temps ou l’on demandait cet extrait uniquement pour des emplois dits « sensibles ». A savoir certain services publics, l’armée, les casinos, les transporteurs de fonds, et cætera. Cependant, et ceci explique peut-être mon étonnement, il semblerait que sa demande se soit généralisée ces derniers temps. Ainsi, comme vous pouvez le voir ici, il en est fait la demande même pour des emplois aussi anodins que vendeur en prêt à porter, cuisinier ou même opérateur téléphonique.

C’est carrément du délire ! On navigue dans le grand n’importe quoi. Le climat sécuritaire de ce pays est parvenu à contaminer même le marché du travail, ou la règle d’or est maintenant la suspicion.

Mais là où ça devient kafkaïen, c’est que ces nouvelles pratiques sont totalement inutiles. En effet, le bulletin n° 3 ne comportant que les délits les plus graves, ayant occasionnés une peine minimum de deux années d'emprisonnement sans sursis, rien n’indique véritablement que le futur employé est clean pour le boulot auquel il postule. Si le type est un voleur multirécidiviste qui n’est jamais allé en prison plus de deux ans, rien n’apparaitra sur le bulletin n°3. De même les infractions au code de la route n’y figurent pas : Donc, pour ce qui est du prétexte de vérifier les antécédents du conducteur, l’employeur en sera pour ses frais.

A moins bien sûr qu’un juge n’est spécifié expressément que la condamnation figure au bulletin n°3. Ce qui pourrait s’apparenter à une double peine...

Autre débilité. Un employeur a le droit de demander le casier judiciaire, soit. Et il a le droit également de ne pas vous embaucher si vous refusez de le lui montrer. Par contre, et là on frise le grotesque, il n’a pas le droit de refuser un emploi à la vue de ce même casier si celui-ci comporte des délits n’ayant rien à voir avec le métier visé ! Si puisque je vous le dit ! Ce serait de la discrimination à l’embauche, ni plus ni moins !
De même, un arrêt de la Cour de Cassation du 25 avril 1990 (Bull. n°186 p113) précise que le salarié n'a pas « l'obligation de faire mention d'antécédents judiciaires » et que le silence gardé à ce niveau « n'avait pas de caractère dolosif ». (Dolosif = frauduleux, malhonnête).

En clair, vous n’avez pas obligation de déclarer votre passé judiciaire si vous en avez un, mais si on vous le demande vous êtes obligé de le dire et on ne peut pas vous virer pour ça...

Là on n’est même plus dans le Grand-Guignol, c’est quasiment la Fête à Neuneu !