Je voulais vous dire…


Un blog qui parle de politique, de social, d'environnement... De la vie quoi!


mardi 2 décembre 2008

30 ans pour allumer la lumière

Toutes les personnes se situant en bout de ligne de bus ou de métros le savent bien, le fait d’être ainsi excentré peut provoquer bien des désagréments… Ben oui ! On n’a jamais suffisamment de moyen de transport, et pour peu qu’il y ait un problème sur la ligne on se retrouve complètement isolé. Moi je le vois bien chez moi, si jamais la ligne 3 des bus de Nice tombe en rade, c’est tout un quartier qui se doit d’échanger les tongs et les escarpins pour des bonnes vieilles chaussures de marche !
Et bien, figurez-vous que cette image fonctionne également à une échelle bien plus grande, et concerne cette fois-ci plusieurs millions de foyers… Il s’agit de l’approvisionnement en électricité de l’est de la région PACA, le Var, les Alpes-Maritimes et Monaco.

Nous, dans notre coin, en bas à droite, nous sommes un peu les parents pauvres de la distribution d’énergie. Avec près de 2 millions d’habitants et la cinquième ville de France comme pôle d’attraction, la principale zone touristique du territoire est alimentée avec une ligne de 400 000 volts. La région étant en forte croissance, ces 400 000 volts, auxquels s’ajoutent quelques autres lignes secondaires de 225 000 volts et quelques barrages hydrauliques suffisent tout juste à assurer l’approvisionnement (Voir carte du réseau en pdf).
Et lorsqu’il arrive une couille sur le réseau, et que notamment la ligne à Très Haute Tension (THT, celle à 400 000 volts) se trouve endommagée par un orage, et bien c’est toute la Côte d’Azur qui se retrouve plongée dans le noir.
Ce fut le cas récemment, ce lundi 3 novembre de 9H30 à 12H10… et auparavant en 2006, en 2003 etc… Et en fait, ça fait plus de trente ans que ça dure.

Alors, quelles sont les solutions ?

La première, celle que l’état essaye d’imposer depuis des lustres, c’est la plus simple. Il suffirait de tirer une THT supplémentaire selon un parcours différent, entre le centre de Boutre et celui de Carros. (Voir carte ci-contre). Comme ça, s’il y en a une qui pète, la deuxième est là pour assurer le coup. Je l’ai dis, c’est la solution la plus simple, et en même temps la plus pragmatique… Et en l’occurrence, pragmatique ici, ça veut dire la moins chère. En effet, il faut quand même le savoir notre production d’électricité en France est essentiellement nucléaire comme le montre le tableau ci-dessous.



Donc, si l’on veut s’en tirer à moindre coût et être « raccord » avec les principaux sites de production d’électricité, la THT est la solution qui s’impose…

La seconde solution serait de privilégier d’autres sources d’approvisionnement.
Ma région est une région de montagne, et ce n’est pas les cours d’eau et les barrages qui manquent, alors pourquoi ne pas augmenter la part de l’énergie hydraulique ? C’est tout con, me suis-je dit, il suffit de changer les proportions du tableau que vous avez vu plus haut, et le tour est joué !

Et bien, en fait ce n’est pas si simple… Lorsque j’ai fouillé le net pour écrire cet article, je suis tombé sur un rapport qui m’a tout de suite expliqué que ma merveilleuse idée, et bien on ne m’avait pas attendu pour l’avoir ! En effet, dans la région PACA, ça fait belle lurette que l’hydraulique est en tête des fournisseurs d’énergie avec 57,5% du camembert !
Force est de constater que tous les barrages de la région (ce sont les points verts sur la carte ci-contre), et bien ils sont déjà à bloc les pauvres… En plus, ils commencent un peu à vieillir. Non, décidément on ne peut pas leur en demander plus.

Alors qu’est-ce qui reste ? L’éolien et le photovoltaïque ? Ça ça serait une bonne idée ! Sauf qu’on n’est pas dans la vallée du Rhône et que le vent ici il est multidirectionnel et capricieux. Le soleil ? Mouais… On n’en manque pas. Mais on fait comment la nuit ? Il faudrait pour ça qu’on puisse stocker des millions de mégawatts, et ça, on sait pas faire… Pas encore.
Pour les petits malins qui pensent à une usine marémotrice du genre de celle de la Rance, je les arrête tout de suite : Y’a pas de marée en Méditerranée ! Et on a beau être dans une zone de failles sismiques, la géothermie c’est pas ça non plus !

Il existe une dernière solution qui serait d’aller tirer du jus ailleurs… Plus près, en Italie par exemple. Sauf que le réseau italien est pourri de chez pourri et qu’il dépend exclusivement de ses partenaires européens. Rappelez-vous, c’était en septembre 2003… Toute la péninsule c’est retrouvée dans le noir pendant plusieurs jours. Non, on vend du courant au italiens mais on ne leur en achète pas. C’est comme ça. D’ailleurs, j’y pense, ne serait-ce pas là une raison supplémentaire pour construire une THT de plus ? Faire du bizness avec les macaronis* ? On va encore dire que je suis mauvaise langue…

Non, vraiment, c’est pas de bol, il va falloir en passer par une ligne supplémentaire…

Oui, mais c’était sans compter avec les personnes concernées par le tracé de cette nouvelle ligne. Parce que je ne sais pas si vous avez déjà vu à quoi ressemble une THT, je peux vous dire que vous ne seriez pas très heureux de la voir débarquer dans votre environnement proche ! Une THT, ça ressemble à ça, (Voir ci-contre), et non seulement ce n’est pas beau, mais en plus on n’est pas très sûr des effets que ça peut avoir sur ceux qui vivent en dessous. Et quand bien même vous n’habiteriez pas sur son trajet, les pontes des hautes sphères décisionnelles avaient prévu de le faire passer par des endroits comme les Gorges du Verdon ! Ça va pas bien la tête ! Des grands machins en fer dans un endroit pareil ! Et puis quoi encore ?

Bref, la résistance s’est organisée pour lutter contre cette solution, et de nombreuses associations se sont frittées avec les pouvoirs publics pendant trente ans pour faire capoter le projet. Ou, tout du moins, exiger que cette nouvelle ligne soit enfouie. Ce qu’EDF se refusait à faire, prétextant le coup astronomique de l’opération.
Ce fut David contre Goliath ! Quelques personnes motivées contre la toute puissance de l’Etat, des édiles azuréens et des capitaines d’industries…
Et que croyez-vous qu’il arriva ? Et bien, comme dans la légende, c’est le petit David qui terrassa Goliath. En effet, après trente ans de luttes acharnées, de manifestations et de négociations houleuses, Jean-Louis Borloo, ministre de l'Environnement, vient d'annoncer hier (Voir article Libération) que la ligne à Très Haute Tension ne se fera pas. A sa place, RTE (Réseau de Transport Electrique), filiale d’EDF, posera une ligne de 225 000 volts complètement enterrée.

C’est-y pas une bonne nouvelle ça ? Alors que la crise est là, on va enfin dépenser du fric correctement. Ça vaut le coup de le signaler quand même !

Bon, bien sûr, on peut se demander pourquoi l’Etat à enfin céder sur ce coup là… J’ai eu beau fouiller et fureter partout sur le net, je n’ai pas trouvé d’explications plausibles à un tel revirement. Donc, à chacun de se faire une opinion. Pour ma part, je pense que le progrès a rattrapé les belligérants. En effet, trente ans après, le coût de l’enfouissement d’une ligne sur une telle distance ne doit plus représenter un obstacle majeur… Mais chut ! On n’aura qu’à dire que c’est dû au Grenelle de l’Environnement ! Comme ça Hulot et Borloo y seront contents !

* Pardon pour les Italiens. Scusi !