Je voulais vous dire…


Un blog qui parle de politique, de social, d'environnement... De la vie quoi!


mercredi 12 novembre 2008

Ça déraille

C’est bien connu, un train qui arrive en retard ça fait chier grave. A chaque fois que cela se produit, on a le sang qui monte à la tête, la moutarde qui s’invite dans les naseaux et la vindicte facile. Les responsables pré-désignés sont toujours les mêmes : Les cheminots-branleurs, les privilégiés du rail, les preneurs d’otages en cotte bleue, les prolos-jaloux…
Cette fâcheuse tendance à taper sur le cheminot, qui en a vu d’autre, est un sport bien français qui soulage le clampin et rassure la ménagère.
Aussi, lorsque les trains ont commencé à arriver en retard parce que des petits plaisantins avaient placé quelques objets hétéroclites sur les rails ou les caténaires, le bon peuple s’est tout de suite tourné vers son coupable préféré. Il a commencé à le regarder de biais puis, lentement, les doigts se sont pointés dans sa direction… Là, pour le coup, le cheminot s’est senti un peu mal. Ben oui ! Pour une fois qu’il n’y était pour rien ! Enfin… Il croyait n’y être pour rien. En fait il ne savait plus très bien s’il y était pour quelque chose ou pas. Dans les gares et les bureaux, on a commencé à se regarder en chien de faïence, se demandant si le voisin n’aurait pas décidé par lui-même d’une action unilatérale et radicale… On enquête en interne pour savoir si un syndiqué n’aurait pas pété une caténaire (oui je sais, elle est facile !), on propose même son aide aux autorités pour trouver les coupables… C’est qui faut pas déconner avec des trucs pareils ! Manifester, revendiquer oui. Mais, balancer des trucs sur les voies au risque de causer des accidents, c’est pas le genre de la maison ! Cela-dit, ceux qui ont fait ça avaient quand même l’air d’être vachement bien renseignés… Z’avez vu les machins qui z’ont foutu sur les câbles ? Si ça c’est pas du travail de pro !

Bref, un climat délétère, comme on dit dans les forums politiques, régnait dans la maison SNCF… Les médias se frottaient les mimines en entretenant la psychose. Pour preuve, le Figaro légendait la photo ci-contre : « Les images exclusives de la caténaire de la peur » ! Brrrr ! Ça fout les jetons…
Mais, tadaaa ! Voilà enfin le ministère de l’Intérieur qui annonce avoir mis la main sur les (présumés) coupables. C’est qu’ils avaient mis du monde sur l’affaire au ministère ! On a carrément mis la section anti-terroriste du parquet de Paris sur la piste des malfaisants ! Et ils ont fini par les trouver nos fins limiers !
Alors bien sûr, à la SNCF ou pousse un ouf de soulagement… Les saboteurs ne sont que des dangereux ultragauchistes appartenant à la mouvance anarcho-autonome. Bref, des petits cons quoi ! Rien à voir avec le syndicalisme de papa. Dans les foyers syndicaux, et malgré la fumée et les relents de bière, on se met à respirer un peu mieux.

Bon, comme vous vous en êtes probablement rendu compte, cette petite galéjade a tendance à me faire plutôt sourire. Mais, au-delà de mon sens de l’humour peut-être douteux je vous l’accorde, je me pose quand même quelques questions…
C’est qui ces types ? Pourquoi ils décident tout à coup de se lancer dans le sabotage ? C’est quoi leur message ? Pourquoi n’a-t-on pas eu vent de quelconques revendications ?

Entendons-nous bien : Moi, tant que je n’ai pas de réponses à ces questions, je ne peux objectivement pas me permettre de juger leurs actes. Je ne vais pas non plus jouer les oies blanches ni vous sortir un discours pacifiste et non-violent, car je reste persuadé qu’à un moment ou à un autre d’une lutte, quelle qu’elle soit, il est possible que l’on soit amené à utiliser ce genre de méthode.
A toute fin utile, je précise pour les « veilleurs » de la blogosphère chers à Mr Darcos, que je ne prône pas ce genre de méthode, je dis juste qu’elles sont envisageables dans le cadre d’une lutte pour la liberté. Ok ? Vous saisissez bien le distinguo les gars ?

Alors comme ça, une dizaine de militants ont jugé bon de passer à la vitesse supérieure et d’entreprendre des actes de sabotage envers le symbole de l’Etat que représentent nos tchoutchous à nous… Bon, si c’est juste pour faire chier, je dirais que c’est crétin et dangereux. Si c’est pour lutter contre le grand capital ou la dérive fascisante de notre gouvernement, je dirais que ce n’est pas la bonne méthode et encore moins le bon timing. On n’en est pas là. Pas encore en tous cas.
Et puis, effet pervers entre tous, ce genre d’action amène de l’eau au moulin du gouvernement qui peut se sentir légitimement en droit de fliquer encore plus notre société. Ce qui est, je pense, l’effet inverse de ce que ces jeunes cons voulaient provoquer. D’ailleurs, on peut remarquer que déjà dans les médias on utilise la paranoïa que peut susciter de telles actions. Le terme de « mouvance » employé depuis l’arrestation des présumés coupables, me rappelle que ce mot n’avait été utilisé récemment que pour désigner Al Qaida…
Non, sérieusement les gars… Avant que de passer à la lutte armée, il existe tout un tas de méthodes efficaces et médiatiques pour combattre ! Vous n’avez qu’à aller jeter un œil sur cet article de Rue89 et sur les deux vidéos qu’il présente… Elles nous montrent bien que la désobéissance, l’action militante ça ne s’improvise pas. Et qu’il y a plein d’autres façons de militer, de combattre et de s’impliquer dans une résistance citoyenne structurée et efficace.