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dimanche 30 novembre 2008

Une affaire de principes

La commission Varinard vous connaissez ? Peut-être pas en fait… Parce que dit comme ça, Varinard c’est qu’un nom comme un autre, sans réelle signification. Mais maintenant si je vous dis que cette commission, créée en avril de cette année, a pour but de plancher sur une remise en forme de l’ordonnance du 2 février 1945. Non ? Toujours pas ? Bon ben, si je vous dis que l’ordonnance du 2 février 1945, c’est celle qui dans le code pénal réglemente la justice appliquée aux mineurs…. Ca y-est, ça commence à faire tilt dans vos têtes ? Bien.
Depuis quelques jours, la remise de ce rapport à la ministre de la justice Rachida Dati, qui doit avoir lieux le 3 décembre en vue d’un projet de loi prévu pour juin 2009, soulève de toutes parts un tollé de protestations. On hurle, on crie, on s’insurge officiellement…
Conscient de mon devoir de blogueur citoyen (j’me la pète un peu là !), je me suis donc un peu penché sur la question et je vais tenter de vous faire part de mes réflexions.

Pour commencer, je dois bien admettre que l’argumentaire de Dati, qui est de dire qu’il convient de remettre en forme, de dépoussiérer, d’actualiser, l’ordonnance de 45, semble assez légitime. Il faut bien considérer que la jeunesse de ce début de 21ème siècle, n’a plus rien à voir avec celle de l’après guerre… Sauf que, et ça on le dit moins, si vous regardez bien l’ordonnance en question, celle-ci a été régulièrement amendée et modifiée depuis sa création. 1958, 1974, 1979, 1989, 1993, 1996, 1998, 2001, 2002, 2004, 2005, 2007… Comme on peut le constater à la vue des multiples modifications apportées, la loi n’est pas restée en l’état depuis la Libération. Elle a été constamment aménagée et adaptée en fonction de l’évolution des mœurs et de la criminalité. Donc, exit l’argument de nécessité avancé par madame le ministre.

Mais bon, soit, admettons qu’il faille en venir à une énième adaptation du texte et voyons un peu ce que propose ce fameux Varinard.
Dans l’ensemble, d’après ce que j’ai lu ici ou , ou en encore ici et , sur les 70 propositions qui seront faites, seules deux ou trois apportent un réel changement sur le fond. Les autres ne sont que des adaptations sur la forme, et des propositions d’outils nouveaux pour répondre à la délinquance des mineurs : Bracelets électroniques, emprisonnement le week-end, confiscation des biens (?), etc…
Le premier grand changement, concerne la création d’un vrai code pénal adapté aux délinquants mineurs. Jusqu’à présent, les juristes n’avait pour seul outil que cette vielle ordonnance signé par De Gaulle et se débrouillaient avec en jonglant avec les textes des modifications successives. Depuis des années, certains courants politiques (de droite, voir d’extrême droite) réclamaient ce code, mais s’étaient heurtés à une forte opposition de la part des humanistes de tous bords. En effet, accepter qu’un code existe, spécialement conçu pour la justice des mineurs, c’est admettre qu’il existe réellement une délinquance juvénile, et que celle-ci n’est plus un cas exceptionnel, une erreur éducative, ou encore un manquement sociétal… C’est admettre que, à partir d’une certaine gravité des faits (laquelle, cela reste à déterminer), les parents et la société ne sont plus responsables de leurs enfants et que ceux-ci doivent assumer leurs actes. C’est admettre que nos enfants nous échappent, que nous avons échoués dans notre mission éducative. Un code pénal pour mineur, quelque part, cela institutionnalise l’échec de notre société.
Vous admettrez avec moi qu’il s’agit là d’une pilule plutôt difficile à avaler… Une complète remise en question de ce que nous considérons comme un fait acquis depuis des dizaines d’années : Nos enfants sont ce que nous faisons d’eux, et s’ils partent en sucette, c’est de notre faute.
Avec un code pénal spécialement conçu pour eux, nous admettons notre irresponsabilité. Nous nous déclarons incompétents quant à notre propre progéniture.

Ensuite, la commission Varinard propose de rabaisser l’âge de responsabilité pénale à 12 ans, et c’est sur ce point que la plupart des médias se sont focalisés. Pourquoi 12 ans me direz-vous et non-plus 13, comme cela était auparavant ?
Et bien, on peut trouver un élément de réponse en regardant les chiffres de la délinquance de 2007… « Quand les chiffres globaux montrent une diminution de 3,7 % en 2007, ceux de la délinquance des mineurs continuent à augmenter : + 1 %. Et parmi eux, celle qui augmente le plus est celle des plus jeunes : + 11 % pour les moins de 13 ans, + 10 % pour les 13-16 ans contre +6 % pour les 16-18 ans. » (Source Le Figaro). Voilà, c’est tout con, le gouvernement c’est aperçu que les crimes et délits perpétués par les plus jeunes grimpaient plus vite que dans les classes d’âges supérieures. Automatiquement, je dirais même bêtement, les énarques ont donc considéré qu’il fallait abaisser l’âge de la responsabilité pénale, histoire de pouvoir châtier cette nouvelle délinquance en culotte courte. Nous sommes là dans une posture défensive, certains dirons même répressive, et ils n’auront pas tort… Car depuis que notre Président Glorieusement Elu est au pouvoir, celui-ci à décidé qu’il était vain d’essayer de faire à la fois du préventif ET du répressif. Cela coute trop cher, cela rend les policiers schizos que de jouer au foot avec les gamins pendant les week-ends et les vacances scolaires, et de leur courir après pendant le reste de l’année… Lorsque l’on engage du temps et de l’argent dans de la prévention, les résultats sont aléatoires et celle-ci peut se révéler inefficace. Alors que si ce temps et cet argent est uniquement consacré à la répression, là au moins, on a des résultats tangibles, justifiables et preuve d’efficacité… Encore une fois, nous avons là, la preuve éclatante des bienfaits du pragmatisme à la Sarkozy, et nous nous éloignons encore un peu plus de cette responsabilité dont je vous parlais plus haut.

Je ne suis pas juriste, loin s’en faut, mais il me semble que jusqu’à présent les juges pour enfants, chargés d’établir au cas par cas la culpabilité et les peines encourues par les délinquants mineurs, faisaient preuve avant tout de discernement, et c’était bien là leur principale fonction. Un discernement qui consiste à déterminer si l’enfant est conscient ou pas de ce qu’il fait, s’il a été manipulé ou contraint d’une quelconque façon. Le juge pour enfant n’est pas seulement là pour punir, mais également pour faire la part des choses entre ce qui relève du défaut d’encadrement et ce qui est véritablement délictueux. Enfin, le juge pour enfants est là pour faire en sorte que l’esprit de l’ordonnance du 2 février 1945 soit respecté. A savoir : La primauté de l’éducatif sur le répressif.
Avec cette réforme, à 12 ans, tous les enfants seront susceptibles d’être jugés et emprisonnés s’il y a lieux. Plus question de tenter de déterminer s’ils sont responsables ou non, ils le seront d’office. L’esprit de la loi s’en trouvera alors totalement inversé, le répressif primera sur l’éducatif.

Il me reste un dernier point à aborder avec vous, si vous le voulez bien. Un point qui me semble important, au moins autant que la démission de notre société face à ses enfants.

Cette société qui est la notre, et à laquelle malgré mes airs de gueulard invétéré je suis attaché, est régit par un principe : Les catholiques nomment ça la rédemption, moi je préfère parler de perfectibilité… (Chacun ses mots, mais tant qu’on parle de la même chose…) Les gens changent, et plus particulièrement les enfants. A 12 ans, et même à 13, 14, ou même 16 ans, il me semble qu’il serait infiniment plus profitable à un enfant de rencontrer des éducateurs professionnels chargés de corriger un système de valeur défaillant, plutôt que de se voir incarcérés. D’autant plus, si l’on considère d’une part l’état de notre système carcéral, qui je vous le rappelle est considéré comme juste un peu moins pire que la Moldavie (Voir ici), et d’autre part, les chiffres de la récidive (cinq ans après une libération, le taux de retour en prison d’anciens détenus, tous délits et crimes confondus, est en moyenne de 41 %).
Punir par de la prison, est encore une fois un renoncement. Le renoncement à ce principe de perfectibilité de l’être humain. Et lorsqu’il s’agit de nos enfants, je dis que c’est tout simplement lamentable.

Pour ma part je crois fermement à tous ces principes dont je viens de vous parler. Ils sont le fondement d’une société qui est la mienne et à laquelle je crois.
Je vous les rappelle, histoire que cela soit bien clair pour tout le monde :
Nous sommes tous responsables de nos enfants. L’éducatif doit toujours primer sur le répressif. L’être humain peut, et doit toujours être amené à s’améliorer.

La véritable justice serait que l’on se donne les moyens pour que ces principes perdurent.

Le rapport que va soumettre cette commission va à l’encontre de ces principes premiers, et s’il est suivit des faits, la loi instituant la réforme du code pénal pour mineurs ira également contre ces principes. Voilà pourquoi, moi je dis : NON !
Je sais, j’aurais pu simplement vous dire que je n’étais pas d’accord avec notre PGE, mais je trouvais que c’était un sujet important qu’il convenait d’argumenter un peu… Non ?
Bon ! Allez ! Passez une bonne journée quand même !