Je voulais vous dire…


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jeudi 25 février 2010

J’ai besoin d’un projet !

Figurez-vous que j’ai des devoirs à faire… Yep ! Je dois pondre un truc pour mon atelier de réinsertion, et je dois le rendre demain… Et manque de bol, je sèche complètement.
Oh, ce n’est pas que je ne sais pas quoi dire, mais plutôt que je ne sais comment le dire. Aussi, comme c’est un truc qui marche habituellement, j’ai décidé de vous en toucher deux mots histoire de trouver l’inspiration.

Il s’agit de mettre sur le papier mon « Projet » professionnel. Ouais ! Rien que ça ! Il faut que j’arrive à ordonner les petits cubes de ma vie de façon à ce qu’ils forment une espèce de mur… Enfin, un truc qui tient debout quoi !

Encore une fois, ce n’est pas que je n’en n’ai pas de projet… J’en ai même plusieurs. C’est juste dans la façon dois il va falloir que je l’exprime qui me gène.

Et puis il y a cette histoire de Lepage que je n’arrive pas à extirper de ma tête… Mais si, rappelez-vous ! C’est dans le spectacle Inculture que je vous ai présenté l’année dernière… Non ? Ça ne vous dit rien ? Bon, ce n’est pas grave, vous n’aurez qu’à aller jeter un œil quand vous aurez le temps.
En tous cas, à un moment, Franck Lepage nous relate une petite expérience qui, pour moi, est assez révélatrice du monde qui nous entoure.

Un jour, des chercheurs, des sociologues cryptocommunistes j’imagine, ont décidé de tenter une expérience sur le langage et l’évolution de celui-ci dans le temps. Pour ce faire ils ont compilé une flopée de manuel de management (90 pour être précis) des années 60 qu’ils ont introduit dans un ordi pour voir quel était le mot le plus souvent utilisé… Et ce mot, était « Hiérarchie ».
On peut donc dire que dans les années 60, le mot qui, sans vraiment le définir, pouvait être considéré comme l’expression du capitalisme dans ce qu’il a de plus didactique était donc « Hiérarchie »…
C’est quelque chose que l’on eut comprendre ça, la hiérarchie. C’est la base même de la structure capitaliste, et elle est même je dirais, sa raison d’être. Elle induit même la notion de lutte des classes, puisqu’elle définit forcément des dominants et des dominés. Des patrons et des ouvriers. Des exploiteurs et des exploités.

Ces mêmes chercheurs ont recommencé l’expérience avec des manuels de management des années 2000… Et ils se sont aperçus que le mot « hiérarchie », avait complètement disparu des manuels ! Pas une seule fois ce mot n’était cité !
Et devinez par quoi il avait été remplacé ? Quel était en 2000 ce mot qui revenait le plus souvent dans ces livres ? Je vous le donne en mille… C’était le mot « Projet » !

Pourtant, que je sache, la hiérarchie n’a pas disparue de l’entreprise. Elle est toujours là, avec son cortège de contraintes, ses petites humiliations quotidiennes, ses pressions psychologiques. On pourrait même dire qu’avec la financiarisation de l’économie, la course aux profits qui s’est accélérée, elle est même certainement encore plus présente qu’il y a quarante ans…
Et Franck Lepage d’ajouter que si on ne nomme plus cette hiérarchie, on ne sait alors plus la penser… Et si on ne sait plus la penser, on ne sait plus la combattre.
La hiérarchie, l’ossature du capitalisme n’a pas disparue, elle a juste changé de nom. Elle est devenue quelque chose de vachement plus positif, quelque chose d’imparable, elle est devenue un projet. Elle s’est déguisée en volant un mot et en changeant sa nature optimiste

« Nous estimons que les jeunes doivent avoir des projets. Nous disons de certains jeunes qu’ils n’ont pas de projets. Nous estimons que les pauvres doivent faire des projets ! Les gens le plus en difficulté, pour se projeter dans l’avenir, on leur demande des projets !
Les seuls à qui on ne demande pas de projets, ce sont les riches. »

Ça c’est du Lepage dans le texte… Et il ajoute « Nous estimons qu'il nous faut avoir un « projet de vie ». Manifestement « vivre » ne suffit plus ! »

Aussi vous comprenez pourquoi je suis un peu embêté lorsqu’on me demande de mettre noir sur blanc mon « projet de vie » à moi… Je suis embêté, parce que je n’ai absolument pas envie de me faire avoir par ce mot.

Et pourtant, il va bien falloir que je m’exécute si je veux jouer un minimum le jeu et ne pas perdre mes maigres subsides… Et c’est bien là qu’on voit la perversité du système puisque celui-ci me force à avoir un projet, là maintenant tout de suite, alors que j’aurais volontiers attendu encore un peu avant de me lancer…

Bon allez… Il faut que je m’y mette. Je me disais que le fait de vous raconter cette histoire allait me permettre de trouver l’inspiration, mais je m’aperçois que c’est loin d’être gagné… Très loin même !

Bonjour chez vous !