Il y a quelques années, dans une autre vie, j’étais un gardien d’arbres. Un simple gardien d’arbres.
Les arbres, c’est assez facile à garder. Ils ne sont pas du genre à se faire la malle en douce le soir venu. Ils sont du genre contemplatif. Du coup ceux qui les gardent le deviennent un peu eux aussi. Et croyez-moi quand je vous dis que contempler les montagnes du Jura, c’est cool. Méga-cool.
Tout ça pour dire que le soir venu, alors que d’autres ne pensent qu’à rentrer chez eux pour jouir d’un repos bien mérité, moi et quelques-uns on était du genre à en redemander sans problème. Le travail à ce niveau-là, c’est du bonheur en barre et comme le bonheur est quelque chose qui passe, on ramasse tout ce qu’on peut, tant qu’on peut.
Mais peut-être devrais-je commencer cette histoire par le début… Le début, c’est quand à l’occasion d’une conversation avec le garde de l’ONC du coin (l’ONC c’est l’Office National de la chasse), j’ai appris que sur les bords du lac Léman, le long d’un petit cours d’eau nommé le Boiron, résidait une famille de castors…
Une vraie famille avec le papa, la maman et les bébés castors. Ils vivaient tranquillos dans leur maison à castors, au milieu des fermes et des champs. Parfois ils s’en allaient bouloter les pommiers du voisin, mais bon globalement on les laissait en paix.
Je n’avais jamais vu de castors… Enfin pas en vrai je veux dire. Et franchement, je ne me doutais pas que l’on pouvait en observer encore en France. Aussi, lorsque le garde chasse nous proposa à mon collègue et à moi de participer à un affut nocturne histoire de vérifier si tout allait bien pour eux, nous avons sauté sur l’occasion.
Rendez-vous fut donc pris pour un soir de la semaine suivante.
Le jour venu, mon pote et moi étions tout excités par notre prochaine rencontre. Aussi, nous avons un peu fait la gueule lorsque le garde chasse vînt nous annoncer dans l’après-midi que nous ne pourrions pas aller voir les castors. Devant nos mines déconfites, il sourit et nous demanda alors si nous étions intéressés par quelque chose de mieux. Quelque chose de mieux ! Qui avait-il de mieux que d’observer des castors dans leur milieu naturel ?
En effectivement le garde avait mieux à nous proposer, beaucoup mieux.
En fait, s’il avait du décommander notre escapade c’était parce qu’il devait accompagner un groupe de chercheurs Suisses sur le territoire de la réserve. Et pas n’importe quels chercheurs, des types chargés du suivi de réintroduction du lynx sur le territoire de confédération, venus procéder à des captures et à des marquages chez nous en France. Et il nous proposait, si notre directeur était d’accord bien sûr, d’être présents lors de l’une de ces opérations en tant qu’observateurs de la Réserve Naturelle…
Comment ? Nous allions assister à la capture d’un lynx ! Des lynx, c’est quand même autre chose que des castors !
Heureusement le directeur ne fut pas difficile à convaincre. Il serait bien venu lui-même, mais une méchante réunion administrative le retenait. Il nous chargea cependant de bien faire notre boulot d’observateur et de lui pondre un compte rendu circonstancié.
Ah oui, faut quand même que je vous dise pourquoi ces Suisses étaient venus chez nous…
Nos amis suisses sont de grands défenseurs de l’environnement. Ca on le sait. Et donc, au début des années soixante-dix ils décidèrent de réintroduire un des plus beaux grands prédateurs que l’évolution nous ait laissé, le lynx d’Europe, ou lynx Boréal, ou encore Lynx Lynx pour les intimes.
Le problème, voyez-vous, c’est que non content de se reproduire assez facilement dans un environnement protégé, le lynx a également une très piètre connaissance des frontières ainsi qu’une énorme propension à prendre ses aises. Trente ans plus tard, nos amis les félins ont donc essaimé un peu partout et quelques-uns sont venus s’installer directement sur les plates bandes des voisins Français, Allemands et Italiens. Ajoutez à ça le fait que le territoire de chasse d’un lynx est au minimum de 10 000 hectares, et vous comprendrez que la rencontre entre le jurassien et la bête avec du poil sur les oreilles était inévitable.
Et c’est donc ce qu’avait fait une femelle, elle avait décidé de venir chez nous pour trouver un endroit sympa et pouvoir mettre au monde ses petits.
Il faut savoir que le lynx n’est pas vraiment casanier comme animal. Nous avons vu que son territoire peut être grand comme la moitié d’un département, et le félin passe donc son temps à arpenter ses terres pour se nourrir. Il ne dort au même endroit que le temps nécessaire pour lui de dévorer son chevreuil dominical. Aussitôt fait, il reprend la route à la recherche d’autre proies et peut ainsi parcourir des distances énormes.
La femelle dont nous parlons était équipée d’un collier émetteur, ce qui fait que les Suisses savaient en permanence où elle se trouvait. Lorsqu’ils se rendirent compte qu’elle ne s’éloignait plus de la forêt du Turet, au pied du col de la Faucille, ils supposèrent donc qu’elle devait avoir mis bas.
Une opération fut organisée afin de capturer le ou les petits, et de procéder éventuellement à des marquages et des examens. Et c’est à ça que le garde chasse nous proposait d’assister !
Du coup bien sûr, l’observation d’une bête famille de castors perdait son intérêt, vous en conviendrez…
Et donc, à la nuit tombée, nous voilà partis à la chasse au lynx !
A suivre…
Les arbres, c’est assez facile à garder. Ils ne sont pas du genre à se faire la malle en douce le soir venu. Ils sont du genre contemplatif. Du coup ceux qui les gardent le deviennent un peu eux aussi. Et croyez-moi quand je vous dis que contempler les montagnes du Jura, c’est cool. Méga-cool.
Tout ça pour dire que le soir venu, alors que d’autres ne pensent qu’à rentrer chez eux pour jouir d’un repos bien mérité, moi et quelques-uns on était du genre à en redemander sans problème. Le travail à ce niveau-là, c’est du bonheur en barre et comme le bonheur est quelque chose qui passe, on ramasse tout ce qu’on peut, tant qu’on peut.
Mais peut-être devrais-je commencer cette histoire par le début… Le début, c’est quand à l’occasion d’une conversation avec le garde de l’ONC du coin (l’ONC c’est l’Office National de la chasse), j’ai appris que sur les bords du lac Léman, le long d’un petit cours d’eau nommé le Boiron, résidait une famille de castors…
Une vraie famille avec le papa, la maman et les bébés castors. Ils vivaient tranquillos dans leur maison à castors, au milieu des fermes et des champs. Parfois ils s’en allaient bouloter les pommiers du voisin, mais bon globalement on les laissait en paix.
Je n’avais jamais vu de castors… Enfin pas en vrai je veux dire. Et franchement, je ne me doutais pas que l’on pouvait en observer encore en France. Aussi, lorsque le garde chasse nous proposa à mon collègue et à moi de participer à un affut nocturne histoire de vérifier si tout allait bien pour eux, nous avons sauté sur l’occasion.
Rendez-vous fut donc pris pour un soir de la semaine suivante.
Le jour venu, mon pote et moi étions tout excités par notre prochaine rencontre. Aussi, nous avons un peu fait la gueule lorsque le garde chasse vînt nous annoncer dans l’après-midi que nous ne pourrions pas aller voir les castors. Devant nos mines déconfites, il sourit et nous demanda alors si nous étions intéressés par quelque chose de mieux. Quelque chose de mieux ! Qui avait-il de mieux que d’observer des castors dans leur milieu naturel ?
En effectivement le garde avait mieux à nous proposer, beaucoup mieux.
En fait, s’il avait du décommander notre escapade c’était parce qu’il devait accompagner un groupe de chercheurs Suisses sur le territoire de la réserve. Et pas n’importe quels chercheurs, des types chargés du suivi de réintroduction du lynx sur le territoire de confédération, venus procéder à des captures et à des marquages chez nous en France. Et il nous proposait, si notre directeur était d’accord bien sûr, d’être présents lors de l’une de ces opérations en tant qu’observateurs de la Réserve Naturelle…
Comment ? Nous allions assister à la capture d’un lynx ! Des lynx, c’est quand même autre chose que des castors !
Heureusement le directeur ne fut pas difficile à convaincre. Il serait bien venu lui-même, mais une méchante réunion administrative le retenait. Il nous chargea cependant de bien faire notre boulot d’observateur et de lui pondre un compte rendu circonstancié.
Ah oui, faut quand même que je vous dise pourquoi ces Suisses étaient venus chez nous…
Nos amis suisses sont de grands défenseurs de l’environnement. Ca on le sait. Et donc, au début des années soixante-dix ils décidèrent de réintroduire un des plus beaux grands prédateurs que l’évolution nous ait laissé, le lynx d’Europe, ou lynx Boréal, ou encore Lynx Lynx pour les intimes.
Le problème, voyez-vous, c’est que non content de se reproduire assez facilement dans un environnement protégé, le lynx a également une très piètre connaissance des frontières ainsi qu’une énorme propension à prendre ses aises. Trente ans plus tard, nos amis les félins ont donc essaimé un peu partout et quelques-uns sont venus s’installer directement sur les plates bandes des voisins Français, Allemands et Italiens. Ajoutez à ça le fait que le territoire de chasse d’un lynx est au minimum de 10 000 hectares, et vous comprendrez que la rencontre entre le jurassien et la bête avec du poil sur les oreilles était inévitable.
Et c’est donc ce qu’avait fait une femelle, elle avait décidé de venir chez nous pour trouver un endroit sympa et pouvoir mettre au monde ses petits.
Il faut savoir que le lynx n’est pas vraiment casanier comme animal. Nous avons vu que son territoire peut être grand comme la moitié d’un département, et le félin passe donc son temps à arpenter ses terres pour se nourrir. Il ne dort au même endroit que le temps nécessaire pour lui de dévorer son chevreuil dominical. Aussitôt fait, il reprend la route à la recherche d’autre proies et peut ainsi parcourir des distances énormes.
La femelle dont nous parlons était équipée d’un collier émetteur, ce qui fait que les Suisses savaient en permanence où elle se trouvait. Lorsqu’ils se rendirent compte qu’elle ne s’éloignait plus de la forêt du Turet, au pied du col de la Faucille, ils supposèrent donc qu’elle devait avoir mis bas.
Une opération fut organisée afin de capturer le ou les petits, et de procéder éventuellement à des marquages et des examens. Et c’est à ça que le garde chasse nous proposait d’assister !
Du coup bien sûr, l’observation d’une bête famille de castors perdait son intérêt, vous en conviendrez…
Et donc, à la nuit tombée, nous voilà partis à la chasse au lynx !
A suivre…
14 commentaires:
Belle bête ...
D' Hercule le chat à Léo (s' évade !) le Léopard, le félin est mon mammifère préféré.
Vivement la suite !
Demain peut-être... Merci Bourreau !
Oui, j'aime quand tu nous fais des récits à épisodes..pourvu que la politique ne vienne pas troubler le fil de l'histoire...
Merci Monique. Ça me manquait de raconter des histoires... Et puis j’en avais un peu marre de chercher à plaire en faisant comme tout le monde. Petit retour aux fondamentaux, ceux qui m’ont apporté mes VRAIS lecteurs, et tant pis si je perds des places au classement des blogs. Le plaisir avant tout !
Remarque, j’y pense : Ça va peut-être plaire à mes NOUVEAUX lecteurs qui ne connaissent pas cet aspect de moi… ? On ne sait jamais !
Je t'ai parlé ailleurs de mes rêves de lynx de petite fille qui me revenaient de manière récurrente et je savais vaguement que le regretté Claude Levi-strauss avait écrit une "Histoire de Lynx"... suis donc allée à la pêche sur glouglou...
extrait d'une ITW de lui à propos de ce mythe des lynx:
"Mon point de départ était une analyse des mythes de l'eau et du feu. Or ces mythes du vent et du brouillard reproduisent à une petite échelle les grands mythes du feu de cuisson. Le brouillard,comme le feu de cuisson, sépare le ciel et la terre; et le vent disperse le brouillard, de la même manière que l'eau éteint le feu. Il y a un parallélisme sur le plan formel entre les deux systèmes.
Cette mythologie du vent et du brouillard, qui
s'introduit dans la mythologie sous forme d'historiettes, met en évidence deux personnages : Lynx et Coyote, qui sont unis par des liens antithétiques.
C'est l'opposition entre félidé et canidé.
Cela m'amenait à apercevoir une constante de la
pensée amérindienne : l'idée de l'imposssible
gemellité. On voudrait bien que les jumeaux
soient pareils, mais ce n'est pas possible. Ils l'ont été, peut-être, jadis, mais il a fallu qu'ils deviennent opposés. J'ai donc repris tout le problème des jumeaux dans les mythes amérindiens : ils sontjumeaux, mais ils ne le sont jamais. A peine nés,ils entrent en division. C'est le ressort profond de
la pensée amérindienne : le même engendre
toujours l'autre."
il en appelle à une réévaluation d’un événement qui s’est plus apparenté à un envahissement, à une destruction des valeurs et des peuples de l’espace amérindien....
Amusant que ton article sur les lynx surgisse juste après celui du film de Mickael Moore!
en tous cas j'attends moi aussi la suite avec impatience ! *_*
@Tess : Intéressant… Surtout si tu sais que dans la suite j’avais l’intention de vous glisser quelques mots sur le loup… Félidé vs Canidé, l’éternelle opposition.
Moi aussi quand j’étais petit le lynx faisait partie de mon panthéon onirique. Magnifique bête vivant au Canada mon pays natal, puis comme de par hasard ce devint le totem de ma patrouille de scouts…
Bref, cet animal me parle.
le canada, le lynx, nos rêves, et ss doute plein d'autres choses, Gwen, ns étions faits forcément pour ns rencontrer ! et je suis sûre qu'on découvrira d'autres interdépendances avec les autres membres de la C.... forcément ! je crois très fort à ce système de correspondances!
Ps. je mettrais même ma main à couper qu'on a tous des liens "mythologiques" avec Aslan (hi hi hi ) *_*
hé, Manu , j'rigole! *_*
J’en suis sûr également, même si tout ceci est d’une improbabilité scientifique confinant à la certitude ma chère Cécile. ;-) Cela dit, j’avoue qu’une (grande) partie de moi y croit quand même… Surtout en ce qui te concerne, toi et les autres allumés de la C…
Aaahhh... enfin de l'air des forêts... et ce lynx dont j'ai naguère croisé la trace dans les pyrénées (je t'avais raconté il me semble...).
Main-tenant il faut que tu main-tiennes ta prose de-main sur ce lynx comme sur main-ts autres animaux qui ont peuplé nos rêves de ga-main (ouaih, j'ai triché, seau ouate??)!! Et ne nous refait pas le coup du grand têtras, qui nous fila entre les mains si près du but ;-) !!
J'aime bien l'idée de trouver chez mes amis une correspondance avec un animal ( comme dans le jeu : si c'était...)
@Cécile : Aslan, il a un côté lynx,non ? félin, en tout cas... hummm...
@Cazo : Héhéhé !! T’inquiète, la suite je m’y mets tout de suite… T’as vu l’heure ? Si c’est pas de l’amour ça…
@Monique : Mouais, je sais bien que toutes les filles le badent l’Aslan… Ça m’énerve ! Le pire c’est qu’il aurait pu se contenter d’être beau gosse. Mais non ! Il faut en plus qu’il soit intelligent et drôle ! Ça m’énerve j’vous dis !
Mais voyons, on t'aime, mon gros nounours !!!
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